Grâce à l’IA, votre cote de crédit pourra être liée à vos courses d’épicerie

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L’idée était émise depuis quelques années, le World Economic Forum vient de la faire sienne. Dans un article publié le 27 mars, le WEF nous montre comment, avec les progrès de l’IA et de l’apprentissage automatique, l’évolution des technologies de stockage et de traitement des données à grande échelle, on va pouvoir accéder à une nouvelle façon d’évaluer la cote de crédit des personnes et permettre ainsi, généreusement, l’inclusion de tous ceux qui ne sont pas « dans le coup », à savoir ceux qui ne sont pas « bancarisés », qui n’ont pas contracté de prêt.

Seulement ? Non, cela permettra aussi de développer une nouvelle clientèle pour les groupes financiers. C’est tout ? Non, cela permettra encore de savoir exactement ce que vous consommez, comment vous le consommez, si vous mangez beaucoup de viande, fumez beaucoup de cigarettes, achetez régulièrement de l’alcool… C’est loin d’être anodin, même si on nous serine que tout sera confidentialo-crypté-anonymisé : si les banques veulent accorder des prêts selon ces données, il faudra bien qu’elles soient à un moment personnalisées !

Une amélioration du bien-être social ? Ne pas oublier que l’humanisme mondialiste est toujours un faux débat.

 

Cote : rattraper « les invisibles du crédit » via l’étude de leurs courses d’épicerie

Comme le notait le magazine Forbes, depuis des décennies, les distributeurs alimentaires mettent à disposition des entreprises de biens de grande consommation (BGC) les informations issues des données d’achat de leurs clients – et elles ont su en profiter. Cette même opportunité s’offre désormais au secteur des services financiers, où ces informations vont pouvoir être exploitées pour optimiser le ciblage d’acquisition, une meilleure compréhension des modes de vie et une meilleure évaluation de l’adéquation, nous dit-on.

En effet, les méthodes traditionnelles d’évaluation du crédit excluent souvent les consommateurs sans historique de crédit officiel, laissant une part importante du marché mal desservie. Aux Etats-Unis, par exemple, 28 millions d’adultes américains sont « invisibles » au niveau du crédit et 21 autres millions ne peuvent pas même être évalués (parmi eux, beaucoup de migrants et de jeunes).

A l’échelle mondiale, ils sont 1,4 milliard d’êtres humains à ne pas avoir accès aux services financiers formels, faute d’historique de crédit – ou faute de services disponibles. Ces personnes, le WEF les dit « exclues financièrement » et veut y remédier, car, il l’écrit, « l’accès à un crédit abordable est fondamental pour la résilience personnelle et l’épanouissement économique ».

 

Grâce à l’IA les banques et les épiciers peuvent contribuer à améliorer l’inclusion financière

Pourquoi les données sur les courses alimentaires seraient-elles magiques ? Parce qu’elles offrent un aperçu unique de la situation financière et du comportement d’un individu, nous dit le WEF, et permettent de mieux prédire sa solvabilité.

D’abord parce qu’elles sont universelles : tout le monde, sur la surface de cette planète, doit faire ses courses pour se nourrir, hormis quelques irréductibles en pagne en Amazonie.

Ensuite, parce qu’elles sont sans arrêt actualisées et qu’elles capturent des signaux comportementaux détaillés : le recours aux réductions peut, par exemple, suggérer une gestion financière prudente, et un pourcentage élevé d’aliments sains un indicateur de responsabilité financière.

Enfin, la fréquence élevée de ces courses permet de détecter des habitudes, des tendances et des anomalies financières constantes : elles constituent un historique comportemental au fil du temps.

Il y a bien d’autres éléments qui peuvent aussi faire évaluer le risque de solvabilité, comme les historiques de paiement des factures de téléphonie ou des loyers, mais aucun ne cumule tous ces avantages.

Le WEF s’appuie, en cela, sur les conclusions d’une étude menée précédemment, en 2024, par trois universités américaines, qui s’est basée sur les données d’un commanditaire qui possédait à la fois des services bancaires de crédit et une grande chaîne de supermarchés. En recoupant les deux domaines de données, ils ont vu et décrit tous ces intérêts, en notant des observations diverses comme : « Les titulaires de carte qui paient leurs factures, régulièrement, dans les temps, sont plus susceptibles de faire leurs courses le même jour de la semaine, de dépenser des montants similaires d’un mois à l’autre et d’acheter les mêmes marques et catégories de produits. »

 

Les enjeux mondialistes de l’équité et de l’inclusivité valent tous les risques

C’est acté : l’intégration des données sur les produits d’épicerie améliore considérablement la précision prédictive des défauts de paiement pour les personnes sans historique de crédit.

L’article du WEF donne l’exemple de l’Afrique du Sud qui a été la première à mettre en pratique cette approche, à grande échelle : une banque a ainsi analysé le comportement d’achat de ses meilleurs clients afin de créer un modèle permettant de prédire la probabilité de remboursement des nouveaux demandeurs de crédit sans antécédents de crédit, en se basant uniquement sur leur comportement d’achat.

Les résultats sont là : 8 millions de personnes auparavant invisibles au crédit ont été évaluées, augmentant de plus de 50 % le nombre de personnes visibles au crédit et 3,2 millions d’entre elles ont pu bénéficier d’un crédit abordable, alors que leur demande aurait auparavant été refusée. Et la banque a prédit une augmentation de 29 % de ses revenus de crédit grâce à la capacité à desservir ce nouveau marché : le retour sur investissement est excellent.

Tout le monde, il est content ! C’est un peu la conclusion de l’article du WEF qui veut reproduire ce modèle pour promouvoir ce qu’il appelle « l’inclusion financière » à l’échelle mondiale. Il va jusqu’à parler d’« impératif moral ». Pendant des décennies, des personnes sans historique de crédit officiel se sont retrouvées exclues des services financiers essentiels : cette perspective constitue, pour lui, « une avancée majeure vers la démocratisation de l’accès aux ressources financières ».

Seulement, une question se pose inexorablement : quid de la confidentialité des données, du risque d’utilisation abusive des données personnelles des consommateurs ? Et n’y aura-t-il pas, invariablement, un effet retour sur le mode de consommation des gens, si la solvabilité ne repose pas sur des dettes historiques, mais sur des choix quotidiens ? L’étau liberticide se resserre. Le coût de l’inclusivité financière pourrait être fort cher… Un début de crédit social à la chinoise ?

 

Clémentine Jallais