L’IA utilisée pour la persécution des chrétiens en Chine

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Gia Chacón, fondatrice de « For the Martyrs » (« Pour les martyrs »), une association qui se veut la voix des chrétiens persécutés dans le monde entier, vient de publier une tribune où elle rappelle que les nouvelles formes de surveillance recourant à l’intelligence artificielle sont un instrument redoutable entre les mains du pouvoir. Elle cite l’exemple de la Chine, pays communiste et athée qui cherche à tout prix à contrôler toute forme de religion – on ne peut pas être membre du parti communiste au pouvoir et croyant – et qui utilise déjà largement l’IA pour suivre sa population à la trace.

 

La Chine utilise déjà l’IA pour surveiller les chrétiens

« Voici comment on utilise l’IA pour la persécution des chrétiens », tel est le titre de ce texte publié la semaine dernière par le National Catholic Register.

Nous vous en proposons ci-dessous la traduction intégrale ; salutaire rappel au réel pour ceux qui se réjouissent de la surveillance renforcée comme garantie de « sécurité ». Les innocents peuvent en avoir plus à pâtir que les voyous. – J.S.

 

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« Voici comment on utilise l’IA pour la persécution des chrétiens »

 

L’intelligence artificielle donne désormais aux gouvernements et aux agents hostiles la possibilité d’identifier, de surveiller et de réduire au silence les chrétiens de manière plus discrète, plus rapide et plus difficile à détecter. Ce qui nécessitait autrefois d’importants effectifs peut désormais être réalisé instantanément, à grande échelle et avec une précision que la surveillance humaine ne pourrait jamais égaler.

En Chine, les autorités ont installé des caméras à l’entrée des églises et, dans certains cas, à l’intérieur des sanctuaires. Ces caméras sont reliées à des systèmes de reconnaissance faciale qui peuvent identifier les fidèles et transmettre ces informations aux bases de données de l’Etat. Croyez-le ou non, le fait d’aller à l’église peut nuire à la carrière d’une personne, lui bloquer l’accès à l’université ou limiter ses déplacements. Une plateforme nationale de surveillance connue sous le nom de « Système intégré d’opérations conjointes » rassemble des données biométriques, l’historique des déplacements et les communications afin de repérer les individus « suspects ». D’abord déployé contre les musulmans ouïghours, ce même système a été utilisé pour surveiller les communautés chrétiennes.

Cette surveillance s’étend à Internet. Dans un cas documenté, les membres d’un club de lecture chrétien ont tenté de recommander L’Imitation de Jésus-Christ de Thomas a Kempis sur WeChat, le réseau social et l’application de messagerie dominante en Chine, utilisée par plus d’un milliard de personnes. Dès qu’ils ont tapé le mot « Christ », la plateforme a bloqué la publication signalée comme violant ses règles, plaçant ce terme dans la même catégorie que la pornographie et « l’incitation ». Le titre n’a pu être partagé qu’en remplaçant une lettre par un chiffre. Il s’agit là d’un exemple concret de censure par l’IA : analyse en temps réel et suppression des contenus chrétiens avant même qu’ils n’atteignent leur public.

La persécution des chrétiens n’appartient pas seulement au passé. Elle évolue et prend de l’ampleur. Partout dans le monde, les croyants sont toujours victimes de violences brutales : des villages sont attaqués au Nigeria, des pasteurs sont emprisonnés en Inde et des accusations mensongères de blasphème donnent lieu à des agressions collectives au Pakistan. Mais parallèlement à ces attaques visibles, une nouvelle forme de répression se développe.

Les méthodes utilisées par l’Iran semblent différentes, mais reposent sur le même principe : la visibilité totale. Des drones, des caméras fixes et des logiciels de reconnaissance faciale scrutent les espaces publics, et les images sont reliées aux bases de données gouvernementales.

Officiellement, le système surveille le respect des codes vestimentaires islamiques, mais cette même infrastructure peut être utilisée, et le sera inévitablement dans des contextes autoritaires, pour surveiller les convertis au christianisme et les églises clandestines. Des enquêteurs des Nations unies ont constaté que ces outils étaient déjà intégrés dans les universités, les lieux de travail et les principaux nœuds de transport public.

Entre juin 2023 et mai 2024, les gouvernements d’au moins 41 pays ont bloqué des sites web hébergeant des contenus politiques, sociaux ou religieux. Pour les chrétiens vivant dans un environnement répressif, la communication numérique n’est pas une option, elle est le seul moyen de recevoir un enseignement, de participer au culte ou d’entendre leur pasteur. Lorsque des algorithmes suppriment automatiquement des sermons, limitent les diffusions en direct ou masquent les contenus religieux, cela revient à fermer les portes des églises.

La fabrication de deepfakes constitue une autre arme. A partir d’un court extrait audio ou de quelques photos, les outils d’IA peuvent créer des vidéos ou des enregistrements faux mais convaincants. Les réseaux criminels les utilisent déjà à des fins d’extorsion.

Dans les pays où les accusations de blasphème peuvent entraîner des peines d’emprisonnement ou des violences, une déclaration fabriquée de toutes pièces et attribuée à un dirigeant chrétien peut avoir des conséquences fatales. Même dans les sociétés libres, de telles attaques peuvent détruire des réputations et diviser des communautés avant que la vérité ne soit connue.

Le pape Léon XIV a déjà averti que « l’intelligence artificielle nécessite une gestion éthique appropriée et des cadres réglementaires centrés sur la personne humaine, qui vont au-delà des simples critères d’utilité ou d’efficacité ». Lorsque la technologie sert le pouvoir plutôt que la personne, le résultat n’est pas le progrès, mais l’oppression. Son appel à une « architecture morale » pour l’IA n’est pas une abstraction, c’est un plan d’action que l’Eglise doit désormais mettre en pratique.

Pour l’Eglise catholique, cela signifie établir ses propres normes pour protéger les fidèles : exiger des communications sécurisées dans les diocèses et les ministères, former le clergé aux risques numériques et veiller à ce qu’aucune institution catholique ne devienne une source de données pouvant être exploitées contre les croyants. Cela signifie utiliser l’autorité morale du Saint-Siège pour faire pression sur les gouvernements et les entreprises afin qu’ils mettent en place des mesures de protection effectives.

Et pour les catholiques vivant dans des pays libres, cela signifie défendre ceux qui n’ont pas de voix. Les lois, les politiques commerciales et les normes technologiques peuvent aussi bien protéger les persécutés que donner des armes à leurs persécuteurs.

Pour l’Eglise, la tâche est claire : empêcher que les outils qui permettent la persécution ne tombent entre les mains des oppresseurs. La Commission américaine sur la liberté religieuse internationale a désigné les contrôles à l’exportation des systèmes de surveillance basés sur l’IA, la reconnaissance faciale et le suivi biométrique comme l’un des moyens de défense les plus efficaces.

Si l’appel du pape Léon est pris au sérieux, l’Eglise jouera un rôle de premier plan pour veiller à ce que les outils de notre époque ne soient pas utilisés contre le corps du Christ. Si son appel est ignoré, nous aurons abandonné cette responsabilité, et le silence sera le nôtre.

 

Gia Chacón

 

Traduction par Jeanne Smits