Avec l’IA et la reconnaissance faciale, la police surveille tout le monde en permanence

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Le grand quotidien conservateur britannique The Telegraph s’inquiète de l’abus de l’usage de la technique de reconnaissance faciale par la police : ordinairement réservée aux enquêtes sur les criminels dangereux, elle a vite débordé et s’applique à des recherches où aucune infraction n’a été prouvée. Juristes, associations et policiers eux-mêmes demandent que tout cela soit encadré pour ne pas dériver vers un monde orwellien. D’autant plus que les ordres venus d’en haut, en l’espèce de l’inspection générale de la Police, appellent à « exploiter pleinement » cette technique et à ne clore aucune enquête avant de l’avoir utilisée : les policiers sont invités à recueillir le plus de possible d’images de toute nature, suspects, témoins et victimes sur les réseaux sociaux, la presse, la vidéo-surveillance, les téléphones portables, etc, et à inventorier le fichier des données nationales de la police britannique (PND), qui contient notamment les photos de permis de conduire. Il faut savoir que les derniers gouvernements ont réduit les effectifs et que l’usage de la reconnaissance faciale, couplée à l’Intelligence artificielle permet de réduire la durée d’une identification de deux semaines à quelques minutes, étant donné les milliards de dossiers disponibles et comparables en quelques clics. Pour donner une idée de la croissance de ce type d’enquêtes, en 2024, les policiers britanniques ont effectué 250.000 recherches de reconnaissance faciale rétrospective, soit dix fois plus qu’en 2019. Le PND regroupe à lui seul les données de 55 agences différentes, soit 6,2 milliards de dossiers. La méthode est éprouvée, c’est un outil d’une efficacité redoutable. La difficulté vient de ce qu’elle est très mal encadrée juridiquement. Ainsi le Telegraph a-t-il découvert que la police de l’Essex l’a utilisée pour 16 enquêtes alors qu’il a été établi ultérieurement qu’aucune infraction n’avait été commise (« crime », en anglais). Les policiers l’ont reconnu. Ils avaient en particulier enquêté sur Allison Pearson, chroniqueuse au Telegraph, pour des propos publiés en ligne. L’enquête a finalement été abandonnée. L’association Big Brother Watch a établi que la police utilise la reconnaissance faciale également pour suivre les comportements antisociaux, des dépôts sauvages d’objets ou de déchets, des vols de courrier. L’Information Commissionner’s Office craint que « de grandes quantités de données personnelles sensibles » ne soient pas traitées « de manière responsable » et « appropriée ». Chris Philp, ancien ministre conservateur de l’Intérieur, s’est dit « préoccupé » par des « abus signalés ». L’abus le plus évident est politique. Le Premier ministre travailliste Keir Starmer a demandé un « déploiement plus large de la technologie de reconnaissance faciale » lors des manifestations populaires contre l’invasion à l’été 2024, afin d’identifier les manifestants ! Le professeur Fraser Simpson, ancien commissaire indépendant chargé de la biométrie et de la surveillance auprès du gouvernement (poste aujourd’hui vacant) a déploré dans le Telegraph que « l’expansion illimitée » de la reconnaissance faciale l’applique à surveiller les manifestations et les conflits du travail là où aucun abus n’a été commis. Et de poser la question : « La surveillance ne se résume plus à l’endroit où la police place ses caméras ; elle concerne ce que l’Etat fait des images des caméras de chacun. (…) Les selfies téléchargés, les photos provenant de caméras embarquées et de publications sur les réseaux sociaux génèrent un nombre incalculable d’images faciales, qui sont toutes accessibles à perpétuité et peuvent être recherchées rétrospectivement. » Grâce au couplage de la reconnaissance faciale et de l’intelligence l’artificielle, la police peut exploiter facilement le travail de fourmi de ses milliards de supplétifs et rendre parfaitement efficace un totalitarisme participatif qui va bien au-delà d’Orwell. Et le professeur Fraser a fait une comparaison saisissante : « chercher une aiguille dans une botte de foin » va devenir très facile.