L’industrie automobile en Allemagne sous le coup de « menaces existentielles »  

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C’est la faute à la politique et à la montée du « tout électrique », dit Herbert Diess de Volkswagen…
 
La construction d’automobiles n’a pas de promesse d’éternité, c’est ce dont les industriels allemands sont en train de se rendre compte alors qu’ils font face à de multiples menaces qui vont de la décision de réduire les émissions de CO2 dans l’UE, au Brexit, en passant par la concurrence de ceux qui ont pris de l’avance dans le domaine des véhicules électriques et la montée en puissance de l’économie de partage. Herbert Diess, PDG de Volkswagen, parle d’une menace existentielle qui pourrait voir l’industrie automobile en Allemagne subir le même sort que sa sœur aînée britannique en l’espace de 10 ans : une quasi disparition.
 
S’exprimant devant les concessionnaires VW à Wolfsburg, la Mecque de l’automobile allemande, Diess a rappelé que des centres florissants comme Détroit, Oxford-Cowley ou Turin ont connu le déclin de leurs fleurons industriels. L’Angleterre, en particulier, patrie de Rootes, Jaguar et British Motors a connu une chute brutale par rapport au reste, peut-être accentuée par l’entrée dans la Communauté européenne…
 

Menaces existentielles sur les Volkswagen, BMW et autres Daimler

 
Aujourd’hui, les menaces sont autres. Un récent rapport de la banque néerlandaise ING prévoit que le pic des ventes de voitures attend l’Europe dès 2025, alors que les nouvelles technologies informatiques appuyées sur le réseau 5G deviennent de moins en moins coûteuses et que les comportements sociaux changent de manière radicale, un nombre croissant de personnes optant pour la voiture à la demande alors que celles qui continueront de posséder leur véhicule chercheront de plus en plus à les partager via les plates-formes sur Internet pour en tirer quelque revenu. ING prévoit que la flotte des voitures partagées atteindra les 7,5 millions en Europe d’ici à 2035.
 
L’essor prévisible des voitures sans chauffeur bourrées d’informatique et des véhicules partagés se fera selon la banque, à vue de nez, selon cette proportion : une unité remplacera 10 voitures particulières. Ce qui donne un pic de 289 millions de voitures en circulation en Europe en 2025, puis 1 million de moins par an par la suite.
 
Cette révolution, l’Allemagne n’y est pas préparée et elle risque de manquer de moyens pour rattraper son retard, alors que Joachim Lang, président de la Fédération industrielle allemande (BDI) vient de prévenir qu’un Brexit sans accord pourrait bien être catastrophique pour l’Allemagne qui exporte 750.000 véhicules par an au Royaume-Uni – où elle profite en outre des marges les plus confortables. Lang exhortait l’UE à trouver un compromis, tout en continuant de répéter que « l’intégrité du marché unique » est sacrosainte, pour reprendre l’expression d’Ambrose Evans-Pritchard dans le Telegraphde Londres : elle passe avant tout. « Message orchestré, élaboré à Berlin », note laconiquement le journaliste.
 

L’industrie automobile d’Allemagne menacée par d’absurdes normes environnementales

 
Mais le plus gros souci pour l’industrie allemande est celui de la réglementation environnementale de l’UE, de plus en plus contraignante. Les ministres ont d’ores et déjà accepté de réduire les émissions de CO2 des nouvelles voitures de 35 % d’ici à 2030, et le Parlement européen risque d’imposer 2,5 points supplémentaires lors des négociations finales. En pratique, cela revient à imposer un quota de voitures électriques. « C’est la fin de l’industrie automobile telle que nous la connaissons ; ce qui est clair, c’est que le moteur à combustion n’a plus d’avenir », commente Markus Fasse du Handelsblatt.
 
Les industriels allemands se sentent pour le moins trahis devant l’UE : Brigitte Zypries, ministre de l’économie jusqu’en mars dernier, réclamait une réduction d’émissions encore plus importantes alors qu’elle menait des pourparlers au niveau européen. « L’industrie automobile allemande a pour la première fois de son histoire perdue la protection des responsables politiques », selon Eurointelligence.
 
Herbert Diess signale qu’une réduction de 40 % des émissions de CO2 reviendrait à imposer que la moitié des véhicules neufs vendus en 2030 soient électriques. La mise en place de cette politique reviendrait à détruire d’un huitième des 800.000 emplois de l’industrie automobile allemande, prévoit-il ; d’autres analystes envisagent une proportion encore beaucoup plus élevée.
 

Faire plus d’automobiles électriques, c’est provoquer davantage d’émissions de CO2

 
Volkswagen, BMW et Daimler auraient pu respecter ces objectifs en construisant des voitures diesel, aux émissions plus faibles que celles des véhicules essence, mais de nombreuses villes européennes mettent en place des interdictions pour lutter contre la pollution à l’oxyde d’azote. Se recycler dans la production de voitures à essence n’est pas une solution puisque celles-ci ne peuvent respecter les limites d’émissions de CO2.
 
Les trois marques allemandes cherchent actuellement à renforcer leur production de véhicules électriques, mais arrivent un peu tard sur un marché où les Etats-Unis, la France, le Japon et la Corée du Sud se sont confortablement installés.
 
Cette affaire des voitures électriques est de toute façon révélatrice des incohérences et des conséquences du soutien politique à cette industrie. D’une part, la Chine est en position de grande force sur le marché des batteries : elle est donc l’une des très grandes bénéficiaires de l’opération. Plus globalement à l’heure actuelle, jusqu’à 40 % de la valeur ajoutée de certaines voitures électriques produites en Allemagne revient à l’Asie.
 
D’autre part, même si les véhicules électriques sont plus durables, possèdent moins de parties mobiles, coûtent moins à entretenir et mobilise une force de travail moins importante que l’industrie classique, une autre question se pose : le remplacement des moteurs à combustion va accroître la demande en électricité. Herbert Diess a tenu à mettre en garde l’Europe : celle-ci va devoir mettre en place un nombre accru d’usines à charbon – c’est déjà le cas en Chine – ce qui aboutira à faire augmenter les émissions nettes de CO2. Quoi qu’il en soit de leur dangerosité, on n’a pas besoin d’être climatosceptique pour constater avec Diess que « cela pousserait les véhicules électriques jusqu’à l’absurde ».
 
Preuve que nous avons affaire à une idéologie…
 

Anne Dolhein