Certains informateurs, comme l’ancien cadre supérieur de la NSA Thomas Drake et l’ancienne conseillère en éthique du ministère américain de la Justice Jesselyn Radack, actuellement avocate d’Edward Snowden, ont décidé d’offrir leurs conseils aux informateurs comme aux journalistes, afin de les aider à passer entre les mailles d’une surveillance américaine toujours plus totalitaire.
Ils étaient récemment les invités du festival Transmediale festival’s CAPTURE ALL, à Berlin, pendant lequel ils ont abordé les défis auxquels sont confrontés les journalistes et les informateurs, le premier d’entre eux étant naturellement la protection des sources.
L’Espionage Act, adopté en 1917 aux Etats-Unis, était initialement prévu pour protéger le pays des espions et non des informateurs, avant que le gouvernement américain ne décide que la publication d’informations classées est une forme d’espionnage.
Radack et Drake appellent journalistes et informateurs à l’extrême vigilance
C’est ainsi que l’administration Obama a transformé l’Espionage Act américain en Official Secret Act comme il en existe en Grande-Bretagne, en toute illégalité. De ce fait les journalistes doivent être extrêmement vigilants, préviennent Jesselyn Radack et Thomas Drake.
Radack conseille avant toute chose aux journalistes de contacter un avocat avant de publier leurs informations. Elle insiste également sur l’utilisation systématique de « protocoles de chiffrage » afin d’échanger des informations de « manière bien plus sûre ».
Drake acquiesce et sait de quoi il parle : il a été exclu de la NSA après avoir révélé des violations de la vie privée par la NSA, et des violations des règles éthiques par le FBI qui avait interrogé un ressortissant américain en Afghanistan en dehors de la présence d’un avocat.
Les journalistes doivent utiliser le chiffrage pour protéger leurs sources
« Il devient absolument crucial que la presse et les médias, lorsqu’ils sont en relation avec une source très sensible, protègent cette source à tout prix », a-t-il affirmé avant d’insister sur la nécessité du chiffrage.
Pour Drake, les journalistes ne se rendent pas encore assez compte de l’étendue de la surveillance mise en place par les autorités américaines et mettent ainsi « leurs sources en danger ». Il a insisté sur les « poursuites incroyablement lourdes » que le gouvernement américain est capable de lancer contre les sources qui révèlent « des informations que les Américains ont pourtant le droit de connaître ».
Après avoir reconnu que la communauté médiatique avait fait des efforts pour sécuriser les communications, Radack a regretté que de nombreux journalistes ne voient pas encore la nécessité absolue du chiffrage.
Radack et Drake conseillent le chiffrage et les rencontres physiques
« S’ils ne veulent pas s’exposer à être pris ou ennuyés, il serait souhaitable que les journalistes apprennent à crypter leur message et retournent à des méthodes anciennes de reportage : rencontrer les gens en personne, payer en espèces, prendre des notes cryptées et faire attention à ne rien faire qui puisse mettre la source en danger », a-t-elle répété.
Tous deux ont insisté : le chiffrage est nécessaire, mais toute communication électronique laisse une empreinte, malgré le chiffrage.
Ils ont rappelé le cas de l’ancien officier de la CIA Jeffrey Sterling, poursuivi en justice pour avoir révélé des informations sur l’opération Merlin, concernant le nucléaire iranien.
Le journaliste concerné, James Risen, a mené bataille pendant sept ans pour ne pas révéler sa source : pour le mettre en cause, les autorités s’étaient contentées de quelques appels téléphoniques entre eux deux, dans lesquels l’opération Merlin n’était pourtant pas abordée.
Si les journalistes n’adoptent pas ces précautions de chiffrage et de première rencontre en personne, les informateurs auront tout lieu de cesser de transmettre des informations, ont constaté Drake et Radack.