Prokopchuk, candidat de Poutine, successeur du Chinois Meng Hongwei ? Interpol décrédibilisée

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Indignation chez les Occidentaux : Interpol, l’organisation internationale de coopération policière, est infiltrée par la Russie et le favori pour en prendre la tête est Alexandre Prokopchuk, haut fonctionnaire du ministère russe de l’Intérieur. Ce candidat de Poutine pourrait être élu lors de l’assemblée générale réunie à Dubaï. L’émotion est un peu surjouée, puisque le directeur sortant d’Interpol était un Chinois, Meng Hongwei, ancien vice-ministre de la Sécurité jadis chargé de la lutte contre les dissidents du régime communiste, élu sans que cela ne déclenchât de levée de boucliers. Meng a été arrêté lors d’un retour en Chine en septembre, accusé de corruption. Il a disparu depuis. Interpol n’est pas un long fleuve démocratique.
 

Prokopchuk candidat de Poutine, « dernier clou dans le cercueil d’Interpol » ?

 
Au Royaume-Uni, les députés Yvette Cooper et Tom Tugendhal, présidents des commissions des Affaires intérieures et des Affaires étrangères, estiment que l’élection de M. Prokopchuk serait « le dernier clou dans le cercueil d’Interpol ». Les Etats-Unis et le Royaume-Uni s’opposent au candidat de Poutine. L’Ukraine et la Lituanie menacent de se retirer de l’organisation s’il est élu. Actuellement, les affaires courantes sont expédiées à Interpol par son secrétaire général, l’Allemand Jürgen Stock.
 
Dans une lettre ouverte au gouvernement britannique, Mme Cooper et M. Tugendhal demandent que le Royaume-Uni « développe une nouvelle organisation » n’admettant « que des Etats respectant les droits de l’homme ». Ils rappellent qu’Interpol « joue un rôle décisif » dans l’interpellation des criminels en fuite mais que les finalités de l’organisation « sont de plus en plus détournées par de nombreux Etats, en particulier la Russie ».
 
La candidature de M. Prokopchuk a déclenché une levée de boucliers d’associations et de responsables politiques aux Etats-Unis et en Europe. La Russie est accusée par les Occidentaux de profiter du système des « fiches rouges » d’Interpol, qui permettent des arrestations hors du pays d’origine, pour frapper ses opposants. Alexandre Proporchuk, général de division, a passé plusieurs années à la tête du bureau russe des émissions de « fiches rouges ».
 

Plutôt que Prokopchu et après Meng Hongwei, un Sud-coréen

 
Mardi, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont manifesté leur soutien à la candidature de Kim Jong Yang, Sud-Coréen, actuel président par intérim d’Interpol. M. Kim a succédé à Meng Hongwei, ce Chinois membre du parti communiste dont l’élection pour quatre ans en novembre 2016 n’a pas suscité autant d’indignation. Pourtant, explique Bernard Antony, président de l’AGRIF et fondateur du Centre Charlier, « Meng n’était-il pas vice-ministre de la Sécurité publique en Chine et à ce titre chargé de la lutte contre les dissidents ? On sait ce que cela signifie : une mission de remplisseur de Laogaï et notamment avec les chrétiens non soumis au marxisme-léninisme maoïste ».
 
Outre-Manche, Bob Seely, député conservateur, affirme « qu’un acolyte de Poutine à la tête d’Interpol serait à l’évidence une très mauvaise nouvelle pour l’organisation, donnant au Kremlin une entrée unique dans ce système international censé combattre le crime organisé international ».
 
Marina Litvinenko, veuve du dissident assassiné à Londres en 2006 par empoisonnement au polonium Alexandre Litvinenko, estime que les opposants de Vladimir Poutine vivant au Royaume-Uni ne se sentiraient plus en sécurité si Prokopchuk présidait Interpol. Bill Browder, qui gère un fonds d’investissement jadis basé à Moscou, et l’oligarque dissident Mikhaïl Khodorovski, ont confié que Poutine avait déjà tenté d’utiliser Interpol pour pourchasser des opposants, dont eux. Diriger Interpol serait un atout considérable pour accentuer les chasses à l’homme, estiment-ils.
 

Bill Browder, opposant de Poutine, visé par une fiche rouge émise par Prokopchuk

 
Bill Browder est un opposant acharné à Poutine, visé par une « fiche rouge » émise contre lui par… Prokopchuk lui-même lorsqu’il était cadre de la police à Moscou. Browder plaide la responsabilité de la Russie dans l’attaque chimique de Salisbury contre Serguei Skripal, dans la destruction du vol MH17 et même dans le « piratage », selon lui, d’élections aux Etats-Unis et en Europe. Son réquisitoire serait plus crédible s’il s’était opposé avec la même virulence à la désignation de l’ex-ministre du régime criminel chinois Meng Hongwei à la présidence d’Interpol en 2006, et si les faits qu’il énumère étaient tous avérés.
 
Moscou a dénoncé « de fortes pressions ». Le gouvernement britannique a tenté d’apaiser la polémique en rappelant que, selon les principes d’Interpol, « le président n’est pas impliqué dans la gestion opérationnelle, ni dans l’édition des mandats d’arrêt ». Il explique que la gestion quotidienne relève de Jürgen Stock, secrétaire général, en fonctions depuis 2014, qui a toute sa confiance. Pour autant, relève un éditorial du Daily Telegraph de Londres, « Interpol n’est pas le corps de superflics voyageant à travers le monde pour déférer des criminels devant la justice » mais plutôt « un organisme autant politique que policier ». Après l’élection d’un cacique chinois disparu des radars, celle d’un affidé de Poutine lui porterait un coup fatal.
 

Matthieu Lenoir