L’Iran s’impose en Irak : la bataille de Tikrit

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On tire des sonnettes d’alarmes aux États-Unis : les regards sont tournés vers l’Irak où l’Iran a décidé de jouer son rôle, pas entièrement prévu par Washington, engluée qui, plus est, dans ses négociations sur le nucléaire avec Téhéran. La bataille de Tikrit, capitale de la province de Salah ad-Din, aux mains des djihadistes de l’État islamique, a été lancée le 1er mars mais soulève déjà une question imprévue : qui mène la danse, de l’Irak, des États-Unis ou de l’Iran ?
 

Deux nouveautés pour Tikrit (Irak)

 
Deux points nouveaux pour cette opération militaire. Bien que ce soit la puissance aérienne américaine qui ait mis fin aux avancées de l’EI depuis ses prises de Mossoul et de Tikrit de l’été dernier, les Irakiens n’ont pas demandé à la coalition conduite par les États-Unis de coordonner ou même de mener des frappes aériennes pour appuyer leurs forces terrestres à Tikrit. C’est ce qu’a révélé le secrétaire à la Défense, Ashton Carter, à la Commission des forces armées du Sénat, le 3 mars dernier.
 
Deuxième changement de décor : environ les deux tiers des forces irakiennes de défense sont des milices chiites soutenues par l’Iran, et non pas les unités irakiennes formées par les USA. Et beaucoup glosent sur la présence, proche ou lointaine, du général iranien Ghasem Soleimani, commandant de l’élite de la Force Qods de la Garde révolutionnaire, qui fut par deux fois désigné comme terroriste par les États-Unis…
 
Pour les spécialistes, c’est la première fois que l’armée irakienne a l’occasion de donner la preuve d’une capacité opérationnelle recouvrée. C’est surtout la première fois que l’Iran se fait autant remarquer, qui était encore, il y a trois décennies, l’ennemi numéro un de l’Irak…
 

L’Iran sème le trouble dans la coalition américaine

 
États-Unis et Iran ont jusque-là le même but, qui est de bouter l’EI hors d’Irak. Mais ces campagnes parallèles pourraient différer dans leur aboutissement final… Les États-Unis espérant un gouvernement irakien qui inclut tout à la fois les sunnites – jusque-là repoussés – les chiites et les Kurdes. L’Iran, la plus grande puissance chiite dans la région, préférant pour sa part un Irak largement chiite.
 
Cette implication rendue quasi publique a semé le trouble dans la coalition américaine. L’Arabie saoudite, surtout, s’est inquiétée de ce rôle joué par l’Iran. Et même si le secrétaire d’État américain John Kerry l’a tempéré, d’autres y voient l’échec à venir de ce gouvernement chiite qui, décidément, résiste aux exhortations américaines quant au pluralisme politique.
 

La Russie contre les États-Unis ?

 
Les calculs de l’Iran sont géopolitiques. Le pays veut un Irak stable avec, effectivement, une dominante chiite, qui lui permette de constituer un véritable pôle régional. Pour cela, il faut arrêter la progression des islamistes dont la visée est autant géopolitique que religieuse. Et les prises de Mossoul et de Tikrit ont clairement menacé l’intégrité du pays. Mais l’Irak est aussi pour l’Iran un marché capital, un partenaire potentiel.
 
Une autre ombre se profile dans l’arrière-plan de ce contexte géopolitique et qui n’est pas pour plaire aux États-Unis : celle de la Russie. Cette Russie qui a pris sa part, en 1979, dans l’établissement du régime de l’ayatollah Khomeiny et qui, malgré sa soumission temporaire aux directives occidentales contre l’Iran, profite des négociations en cours sur le nucléaire pour se rapprocher de Téhéran. Fin février, elle a reproposé à l’Iran un marché gelé trois ans plus tôt : la fourniture d’un système de défense aérienne. Que ce soit en Ukraine ou en Syrie, leurs politiques se rejoignent, contre les mouvements d’opposition soutenus par les Occidentaux et surtout les pétromonarchies du Golfe.
 
La Russie est donc aussi au cœur diplomatique de cette région.