Contradictions, non-respect des règles : l’audition de l’ancien directeur du FBI James Comey par la Commission du renseignement du Sénat américain jeudi, semble poser au moins autant de problèmes à l’ex-patron de la police fédérale qu’à celui qu’il accuse d’ingérence abusive, le président Donald Trump. Ce dernier aurait demandé à Comey, avant de lui retirer sa charge, de cesser d’enquêter sur Michael Flynn, brièvement conseiller à la sécurité nationale du Président, renvoyé après avoir été soupçonné de rétention d’informations sur des discussions avec l’ambassadeur de Russie durant la période de transition. James Comey était auditionné pour la deuxième fois par le Congrès au sujet de cette affaire, qui relève largement d’une forgerie entretenue par l’Etat profond, les Démocrates et les médias dominants.
D’un mois sur l’autre, les contradictions de Comey sur la réalité d’une ingérence présidentielle
Premier problème pour Comey, ses propos contradictoires d’une audition à l’autre. Dans son témoignage porté le 3 mai, il affirmait que personne ne lui avait demandé de censurer l’enquête. « Si le ministre de la Justice et procureur général ou un autre responsable du ministère s’opposent à une enquête, peuvent-ils bloquer le FBI sur ce sujet ? » Réponse de Comey : « En théorie, oui. » Suite de la question : « Cela est-il arrivé ? » Comey : « Pas durant mon mandat, car il serait très difficile de demander au FBI d’arrêter d’enquêter sans avoir une bonne raison (…). Or nous parlons d’une affaire dans laquelle on nous demanderait d’arrêter pour une raison politique (…). Non, ça ne m’est jamais arrivé ».
Or qu’a déclaré James Comey ce jeudi 8 juin ? Qu’après l’avoir retenu dans le Bureau Ovale le 14 février, Trump lui aurait demandé de laisser tomber l’enquête sur Michael Flynn : « Le président est revenu sur le cas de Mike Flynn, en disant : c’est un gars bien, il n’a rien fait de mal avec ces appels aux Russes même s’il n’a pas tout dit au vice-président (Pence). J’espère que vous allez pouvoir considérer qu’il est possible de laisser tomber. C’est un gars bien. J’espère que vous laisserez tomber ». Comey ajoute qu’il avait répondu que c’était « un gars bien », mais qu’il n’avait jamais dit qu’il « laisserait tomber ». Il ajoute qu’il a interprété l’expression présidentielle « j’espère » comme « un ordre » puis, se ravisant, comme « une orientation ».
Que s’est-il passé entre les versions du 3 mai et du 8 juin ? James Comey a été limogé…
Résumons. Jeudi 8 juin, James Comey certifie qu’il a reçu un « ordre » ou une « orientation » visant à suspendre l’enquête sur Michael Flynn. Le 3 mai, le même avait assuré que durant ses fonctions, il n’avait « jamais reçu l’ordre d’interrompre quoi que ce fût pour raisons politiques ». Or que s’est-il passé entre-temps ? Le 9 mai James Comey, nommé en 2013 à la tête du FBI par Barack Obama, a été limogé par Donald Trump.
Autre grave problème soulevé par la déposition de James Comey, celui de sa loyauté à l’égard de l’autorité exécutive. Car si le patron du FBI croit bien avoir reçu « l’ordre » de stopper l’enquête de ses services sur la supposée complicité de Michael Flynn avec la Russie, alors il a décidé unilatéralement de ne pas l’exécuter ni d’en informer sa tutelle.
L’affaire Flynn-Trump met-elle en lumière le non respect des règles par le FBI ?
Le cabinet de Comey a en effet décidé qu’il n’informerait pas de cette « orientation » présidentielle le ministre de la Justice et procureur général Jeff Sessions. Le cabinet de James Comey a donc transgressé les règles habituelles du FBI et, probablement, ses obligations légales, en renonçant à faire part de l’incident – la conversation avec Trump. Il argue aujourd’hui que Jeff Sessions ne voulait pas inférer dans ces « affaires russes »… or cette position du ministre n’a été exprimée que deux semaines plus tard. Le cabinet de Comey n’a d’ailleurs pas non plus contacté le procureur général adjoint… sous prétexte qu’il allait être remplacé.
Si l’on en croit plusieurs hauts fonctionnaires de services fédéraux, cités par le site Breitbart sous couvert d’anonymat, il n’existe aucun cas répertorié d’un directeur du FBI refusant d’informer un procureur général adjoint sur un sujet en raison de son statut de « suppléant ». Pas plus qu’on n’a connu de cas d’un directeur du FBI prétextant une possible récusation (du ministre et procureur) pour retenir une information. Un de ces experts s’indigne : « Il s’agit d’une usurpation de pouvoir inédite. Et certainement pas du comportement qu’on est en droit d’attendre d’un homme supposément procédurier dirigeant le FBI ». Pour garantir son indépendance, le FBI n’est pas encadré par une législation spécifique, mais il est tenu de respecter les règles de fonctionnement du parquet général.
James Comey « dépeint un directeur du FBI qui n’a de comptes à rendre à personne »
Dans le Wall Street Journal, un haut-fonctionnaire a pointé le risque de voir le FBI s’arroger le droit de refuser d’informer le ministère de la Justice de ses enquêtes : « M. Comey nous dépeint un directeur du FBI qui par principe n’a de compte à rendre à personne. Or les pouvoirs de police du gouvernement sont considérables et souvent pervertis. La seule façon de prévenir ou de corriger ces abus est d’en référer aux dirigeants politiques élus, eux-mêmes responsables devant le peuple. Un directeur du FBI se doit de résister à toute influence visant à bloquer une enquête, mais lui et ses services doivent être politiquement responsables, sous peine de tomber dans les travers du FBI d’Edgar Hoover ». Ce dernier, patron du BoI puis du FBI depuis 1924 et pendant 48 années, avait acquis une puissance et une autonomie politiques qui avaient suscité de violentes controverses.