Calqué sur le discours sur l’état de l’Union américain, l’allocution solennelle de rentrée du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a servi de prétexte à un appel appuyé au fédéralisme. Il a notamment exhorté les pays membres de l’UE à renoncer à leur droit de veto en matière de politique étrangère pour donner les coudées franches à l’Union européenne et en faire un « joueur global » sur la scène internationale.
Ce n’est pas le seul abandon de souveraineté que réclame Juncker mais c’est sans aucun doute le plus important, puisqu’il s’agit d’exiger des pays membres de l’UE de se laisser engager par des prises de position, voire des participations à des conflits armés, à la majorité qualifiée de l’ensemble, y compris donc contre leur propre volonté.
Il faut une Europe « plus forte, plus unie », a martelé le président de la Commission – non élue, qui exerce l’essentiel du pouvoir au sommet de l’Union européenne –, appelant les pays membres à mettre davantage en commun leur souveraineté en vue de renforcer la puissance économique, politique et militaire de l’UE. Il a affirmé que « les alliances d’hier pourraient bien ne pas être celles de demain » dans un monde qui change – on pense à un éloignement à l’égard des Etats-Unis de Trump et du Royaume-Uni et à un rapprochement du bloc eurasiatique, Chine en tête, que l’on devine déjà dans les discours favorables aux prises de position libre-échangistes de la Chine.
Jean-Claude Juncker s’en prend à la souveraineté des pays de l’UE (ou ce qu’il en reste)
C’est notamment dans le domaine des sanctions internationales (externes ou internes) que Jean-Claude Juncker voudrait voir l’UE s’engager comme un bloc unifié, en mettant fin à l’exigence d’unanimité actuellement en vigueur – celle-là même qui ne permet pas à Bruxelles de sanctionner efficacement la Pologne ou la Hongrie pour contravention au principes prétendument démocratiques de l’Union. En filigrane, la question des migrants qui justifie l’opprobre jeté sur la Hongrie, la Pologne ou aujourd’hui l’Italie est évidemment présente. Dans une UE fonctionnant à la majorité, fût-elle qualifiée, l’objectif serait d’imposer le diktat bruxellois à l’ensemble.
Le poids du vote serait, dans les rêves de Juncker, calculé en fonction de la taille et de la population des Etats-membres, avec exigence de l’accord de 55 % des Etats membres représentant au moins 65 % de la population de l’ensemble du bloc pour une majorité qualifiée étendue non seulement aux affaires étrangères mais aussi à celles relevant de la mise en place d’une union fiscale.
Installer le fédéralisme intégral en faisant renoncer au droit de veto
Il souhaite également utiliser l’euro pour que celui-ci devienne « le visage et l’instrument d’une Europe nouvelle, plus souveraine » – et ayant mieux dépouillé les pays membres de leur souveraineté à eux. Sans surprise, il s’est redit opposé aux frontières internes et souhaite le retour rapide à la mise en œuvre intégrale des accords de Schengen.
La volonté supranationale qui règne à Bruxelles et dans les instances européennes se montre de plus en plus clairement – mais à un moment où elle paraît particulièrement difficile à mettre en œuvre, en plein Brexit et face à la résistance nationale qui s’affiche dans les ex-pays de l’Est qui ont soupé du totalitarisme soviétoïde.
Mais une entourloupe est toujours possible – ce ne serait pas la première dans l’histoire de la construction européenne !