La nouvelle génération de jouets connectés a défrayé la chronique quant aux dangers qu’ils pouvaient présenter pour les enfants. La dernière poupée Barbie Hello Barbie, la poupée Cayla ou d’autres jouets capables d’interactivité sont les preuves de l’intrusion des robots et de l’intelligence artificielle dans l’univers des enfants. Si les enfants ne se rendent pas compte des risques éventuels, les parents sont en revanche bien plus soucieux des conséquences de ces jouets sur le développement de l’imaginaire ou de la capacité créatrice de leur progéniture. Le jouet connecté ne marquerait-il pas la fin du jeu libre et l’entrée dans le guidage des apprentissages ?
Des jouets intelligents qui « communiquent » grâce à Internet
La dernière création de Mattel, Hello Barbie, a cristallisé toutes les critiques et attiré à elle les qualificatifs les moins laudateurs : de « stupide » à « pipelette », la nouvelle Barbie constitue « un jouet terrible qui menace l’intimité de l’enfant, son bien-être et sa créativité » selon les termes du groupe de pression Campaign for a Commercial-Free Chilhood.
Ces jouets reposent très souvent sur un système de reconnaissance vocale de type Siri, l’application informatique d’Apple qui comprend les instructions verbales données par les utilisateurs et répond à leurs requêtes. Mais pour véritablement interagir, ces jouets se connectent au Cloud via le Wifi, dans le cas de Barbie, ou à l’ordinateur Watson d’IBM via un Smartphone dans le cas du petit dinosaure « Dino » de chez Cognitoys, pour piocher les réponses adéquates à donner à leurs partenaires de jeu.
Les données enregistrées lors des conversations de jeu sont stockées sur les serveurs de ToyTalk, partenaire de Mattel, pour une durée de deux ans. La compagnie assure que les données personnelles telles les noms, les âges ou les adresses sont effacées, mais le risque de piratage n’est pas exclu pour qui aurait accès à l’une de ces poupées.
Les parents ont peur pour l’imagination de leurs enfants
Selon la technologie embarquée par ces nouvelles générations de jouets, l’interactivité est plus ou moins poussée. Pour Hello Barbie, les scénarios de jeu sont limités et tournent souvent autour des mêmes thèmes, comme la mode par exemple. La raison en est simple : la poupée de Mattel fait appel à une banque de 8.000 phrases type pré-enregistrées par une actrice.
D’autres jouets tels Dino de Cognitoys offre une interactivité plus ouverte. Elle est basée sur le système cognitif d’IBM Watson qui pioche les réponses adéquates parmi une vaste quantité d’informations. Les réponses sont de plus adaptées à l’âge de l’enfant, dans la mesure où les parents l’ont renseigné lors de l’initialisation du jouet.
Pour le Dr Sherry Turkle, professeur au MIT, « le jouet est une passerelle vers la socialisation des enfants qui considèrent les objets comme des interlocuteurs adéquats ». La société ToyTalk envisage même leurs jouets comme des moyens d’encourager les interactions entre personnes. C’est également ce que pense le Pr Cynthia Breazeal, directeur du groupe de recherche sur les robots personnels au MIT. Elle est également l’inventeur de Jibo, le « robot de socialisation » créé pour encourager les familles à réaliser des choses en commun à la maison. « Nous n’en sommes pas au point de penser que ces choses sont dangereuses (…). Nous en sommes à l’étape où elles présentent de formidables opportunités », dit-elle.
Jeux intelligents : l’informatique constructive s’invite à la maison
D’autres sociétés vont beaucoup plus loin dans la recherche, pour développer l’intelligence des enfants. C’est le cas de Kano, de Cubelets de Moss ou encore de Littlebits dont les kits d’assemblage de microprocesseurs et d’applications sont censés décupler les aptitudes de bricolage technologique de ceux qui les manipulent. Encore onéreux pour certains (ils peuvent valoir jusqu’à 500 dollars) pour être vraiment intéressants dans leur démarche de construction, ils nécessitent bien souvent l’aide d’un adulte pour déboguer un élément ou bien interpréter des instructions qui peuvent s’avérer un peu trop sommaires.
Leur avantage réside essentiellement dans le fait que leur programmation est simple pour un résultat directement visible. Le concept qui sous-tend ce type de jeu de construction informatique, selon le PDG de Modular Robotics, Eric Schweikardt, est « d’aider les jeunes gens à développer leur intuition des schémas et des concepts qui normalement requièrent une formation en sciences de l’informatique ».
Ainsi l’instruction risque de ne plus être à la base de la construction à mesure où ces nouveaux types de jouets inciteront davantage à imaginer de manière intuitive la création de nouvelles machines. Ou comment faire apprivoiser l’intelligence artificielle dès le plus jeune âge.