Obésité : Robert F. Kennedy Jr veut sauver de la malbouffe les Amérindiens – et les Américains

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Donald Trump n’a jamais été un amateur averti de brocolis vapeur et de graines de chia. Cela ne l’a pas empêché de choisir Robert F. Kennedy Jr comme ministre de la Santé. Un ministre qui vient de déclarer vouloir libérer les Amérindiens des aliments ultra-transformés, les sauver, en somme, de la malbouffe.

Certes, les Américains sont déjà bien lotis avec un taux d’obésité qui frise l’indécence. Le taux a doublé depuis 1990 chez les adultes américains : près de trois sur quatre sont en surpoids ou obèses. Et une étude publiée par The Lancet en décembre 2024, prévoit qu’« en 2050, dans la plupart des Etats, un adolescent sur trois (âgé de 15 à 24 ans) et deux adultes sur trois (≥ 25 ans) seront obèses ». Mais les autochtones souffrent de taux encore supérieurs à la moyenne nationale, avec toutes les complications de santé qui vont avec : diabète, cancer, problèmes cardiaques et respiratoires, troubles de santé mentale.

La question est de savoir pourquoi… L’histoire du peuple des Pimas, citée par Kennedy, champions toutes catégories de l’obésité et du diabète, apporte un début de réponse.

 

Une épidémie d’obésité chez les Américains et surtout les Amérindiens

C’était mercredi, comme nous le rapporte Newsmax, devant une commission de la Chambre des représentants, que Kennedy a lancé cette phrase un peu incongrue de prime abord : « Les aliments ultra-transformés sont un génocide pour les Amérindiens. L’une de mes grandes priorités sera d’introduire de la bonne nourriture, de la nourriture de haute qualité et des aliments traditionnels dans la réserve, car la nourriture transformée pour les Amérindiens, est un poison. »

« Les Indiens Pimas étaient une zone bleue en Arizona », continua-t-il, « le peuple qui vivait le plus longtemps sur le continent. Aujourd’hui, ils sont parmi les plus éphémères. Je pense que leur espérance de vie est d’environ 47 ans. »

Il avait presque bon. Comme le souligne The New York Post, l’espérance de vie moyenne des hommes Pimas, selon les Instituts nationaux de la santé, est de 53 ans, tandis que celle des femmes est de 63 ans. Alors que l’espérance de vie moyenne des hommes américains est de 74,8 ans, contre 80,2 ans pour les femmes.

Mais le plus étonnant, c’est que les Indiens Pimas qui sont juste de l’autre côté de la frontière, du côté du Mexique, séparés il y a plus d’un siècle de leurs congénères, ne présentent aucune de ces morbidités ou alors dans des proportions normales. Où est l’embrouille ?

 

Kennedy veut lutter contre la vague de maladies chroniques qui ravage les Etats-Unis

Le best-seller du célèbre journaliste américain, Gary Taubes, intitulé Pourquoi on grossit, évoque l’histoire de ce peuple d’agriculteurs et de chasseurs confronté à ce qu’on a appelé la conquête de l’Ouest. En raison de l’installation d’un grand nombre d’Anglo-Américains et de Mexicains qui firent peu à peu disparaître le gibier et détournèrent les rivières pour irriguer leurs propres champs, les Pimas traversèrent, dans les années 1870, ce qu’ils appelèrent les « années de famine ».

Pourtant, lorsqu’entre 1901 et 1905, deux jeunes anthropologues vinrent sur place pour étudier la santé et le bien-être des tribus autochtones de la région, ils firent tous les deux, indépendamment, le constat d’un fort surpoids chez les Pimas, particulièrement chez les femmes et particulièrement dans les réserves. Cherchant plus avant, Frank Russell, jeune universitaire de Harvard, et Aleš Hrdlička, qui allait par la suite devenir conservateur d’anthropologie physique, découvrirent que les Pimas dépendaient déjà, pour assurer leur subsistance au quotidien, des rations gouvernementales.

Et quelles étaient-elles ? Déjà « très similaires à la nourriture que beaucoup d’entre nous consomment un siècle plus tard – mais en qualité, pas en quantité », nous dit Gary Taubes. « En effet, après 1850, une demi-douzaine de comptoirs avait ouvert dans la réserve pima et les Pimas s’y ravitaillaient en sucre, café, farine blanche et boîtes de conserve pour remplacer les denrées traditionnelles auxquelles ils n’avaient plus accès depuis que les Blancs s’étaient installés sur leur territoire. »

Voilà quoi, on peut être pauvre et frappé d’obésité ! La clé, c’est la malbouffe, et entre autres, le sucre.

 

Sus à la malbouffe !

Fort de cet exemple qui peut d’appliquer à tous les Etats-Unis, Kennedy s’est donc lancé dans une véritable croisade tous azimuts. Le 16 mars, il postait aussi sur X : « Saviez-vous que le pain et les céréales industriels que vous consommez chaque jour au petit-déjeuner sont riches en glyphosate et autres pesticides et herbicides, et sont une cause probable de maladies auto-immunes, allant du syndrome du côlon irritable à l’eczéma, en passant par l’asthme et les problèmes de thyroïde ? »

« Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour rétablir la santé des Américains », a-t-il déclaré aux législateurs. Les « aliments hautement transformés chimiquement » qui représentent environ 60 % de l’alimentation américaine « empoisonnent » la population selon ses mots, et surtout les enfants dont elle représente les deux tiers de l’alimentation. Le 16 janvier dernier, la Food and Drug Administration a d’ailleurs proposé une signalétique simple et obligatoire concernant les graisses saturées, le sodium et les sucres ajoutés.

Rien que depuis 2019, les Afro-américains et les Amérindiens ont perdu respectivement 6,6 ans d’espérance de vie contre 2,4 ans pour les Blancs non hispaniques.

Il se pourrait même que le gouvernement Trump soutienne cette initiative controversée visant à interdire les boissons sucrées, les bonbons et autres produits du « Programme d’aide supplémentaire à la nutrition », à savoir le SNAP (Supplemental Nutrition Assistance Program). Mais les boucliers se sont levés. Il faut dire qu’en 2024, environ 42 millions d’Américains, soit environ 12,3 % de la population des Etats-Unis en ont bénéficié, pour un total de près de 113 milliards de dollars…

Sus aux pizzas ? La grandeur de l’Amérique de Trump doit en tout cas visiblement passer par une nourriture saine !

 

Clémentine Jallais