Le Kenya acceptera-t-il de perdre les dollars des US et du FMI en échange de sa liberté face au lobby LGBT ?

Kenya dollars FMI LGBT
William Ruto, Président de la république du Kenya


Près de trente milliards de dollars, ce serait le coût estimé de la politique anti-LGBT potentiellement menée par le gouvernement du Kenya. C’est en espèces sonnantes et trébuchantes qu’une nouvelle étude mesure le projet de loi sur la protection de la famille présenté par un député chrétien kenyan. En Afrique, la manne financière occidentale ne cesse d’augmenter et tente de soumettre par cette dépendance les pays trop « traditionnels » à son très progressiste wokisme. Tout particulièrement dans les pays d’Afrique de l’Est et de la Corne de l’Afrique, très réfractaires au lobby LGBT, puisque majoritairement chrétiens.

Prêt à perdre les subsides de l’Ouest, à savoir ceux des Etats-Unis, de l’Union Européenne et du FMI ? La menace est tangible. Mais le président kenyan William Ruto semble craindre Dieu, en premier.

 

Tenir les cordons de la bourse : un sport occidental en Afrique, via le FMI et cie

C’est un professeur local, économiste et spécialiste des sciences sociales, qui a fait paraître l’étude, lundi, afin de mettre en garde la population et surtout d’aviver ses craintes. Elle évoque les graves conséquences économiques qui surviendraient si le président William Ruto approuvait le projet de loi sur la protection de la famille : impacts dans l’emploi, le capital, la population active, mais aussi le commerce international… Autant d’éléments peu convaincants, comme celui qui dit que selon plusieurs études, les personnes LGBTQI atteindraient un niveau d’éducation plus élevé par rapport à la population générale… et que donc ce serait une perte considérable…

Cette étude est surtout entièrement tournée vers les grandes instances internationales desquelles il faut tirer l’argent et donc l’esprit.

Comme la plupart des pays africains, le Kenya dépend en effet beaucoup des donateurs étrangers, notamment de l’Union européenne et des Etats-Unis. Dans les calculs du professeur, très concrets ceux-là, on retrouve 6 milliards de dollars par an en avantages tangibles de la part des Etats-Unis pour l’économie et le développement du pays, 4,8 milliards de dollars par l’Union européenne, 1 milliard et demi de dollars approuvés par le FMI pour sa résilience au changement climatique, et j’en passe.

Mais la manne n’est jamais gratuite. Certes, aucun des accords commerciaux et d’aide au développement actuels entre le Kenya et les Etats-Unis ou l’UE n’exige directement du Kenya qu’il légalise l’homosexualité, mais le renforcement de la pénalisation de l’homosexualité risque d’entraîner une perturbation de ces arrangements. Car cela constituerait une plus forte opposition à l’article 7 de la Déclaration des droits de l’homme des Nations unies dont le Kenya est signataire depuis 1963…

 

Le projet de loi Linda Jamii au Kenya

Le fait que la Constitution même du Kenya ne reconnaisse pas les relations sexuelles consensuelles entre personnes de même sexe et que l’article 162 de son Code pénal les interdise, ne semble pas être « considérable », au sens littéral du terme. Forcément, ça ne rapporte guère, pire ça appauvrit comme il a été démontré.

Le projet de loi Linda Jamii sur la protection de la famille, proposé en mai par les membres du Kenya Christian Professionals Forum (KCPF), vise tout simplement à clarifier les « ambiguïtés » de la Constitution du Kenya de 2010, récemment exploitées pour menacer les « valeurs morales et familiales ». En effet, un jugement du 24 février de la Cour suprême a autorisé une association de défense des droits LGBT qui réclamait de pouvoir s’enregistrer en tant qu’ONG depuis dix ans, ouvrant ainsi une voie précieuse au lobby.

Et la contestation menée par la population et de nombreux députés n’a pas pu faire annuler la décision. La Cour suprême s’est justifiée en disant que, même si l’homosexualité était interdite, il ne pouvait y avoir de discrimination basée sur l’orientation sexuelle en matière de liberté de se réunir en association. Le droit occidental et les « valeurs » qu’il impose semblent prendre le pas sur la souveraineté nationale et c’est la justice du pays elle-même qui l’avoue.

 

Des milliards de dollars pour le lobby LGBT

La pression est de toutes parts. Dans une lettre adressée au Congrès américain en juin, un groupe de dix députés et chefs religieux kenyans a tenté également de remettre en cause le financement du PEPFAR (President’s Emergency Plan for AIDS Relief), le plan d’aide d’urgence à la lutte contre le sida à l’étranger lancé par George W. Bush en 2003. Pour le motif que ce financement ne répondait plus à son objectif initial : il soutient aujourd’hui l’homosexualité et l’avortement. Et le Kenya s’attend à recevoir plus de 341 millions de dollars de financement PEPFAR pour l’exercice 2023-24…

Le président William Ruto, fervent chrétien évangélique, soutient ces démarches, et ne cesse de réaffirmer sa ferme volonté sur le sujet. Il a déclaré début mars que les mariages homosexuels pourraient « avoir lieu dans d’autres pays, mais pas au Kenya ». L’homosexualité est, selon lui, une importation occidentale que « les coutumes, les traditions, le christianisme et l’islam kenyans ne peuvent pas permettre ». « Je suis une personne qui craint Dieu », a-t-il fini par dire.

C’est une guerre de civilisation qu’il lance avec son gouvernement. Il a d’ailleurs demandé à tous les chefs religieux et à toute la communauté éducative de tenir bon et de former les enfants afin de protéger la culture kenyane.

Si les instances internationales ont tout intérêt à faire « rayonner » leur wokisme au Kenya, c’est qu’il est loin d’être le pire des pays d’Afrique de l’Est sur cette question de la criminalisation de l’homosexualité. Les peines prévues par la loi peuvent aller jusqu’à 14 années de prison, mais il y a peu de condamnations prononcées en justice et surtout pas de peine de mort comme en Ouganda, par exemple. Autant commencer par les plus doux qu’il sera plus facile de plier à sa botte. Les plus doux parce que les plus chrétiens : le Kenya en compte 85,5 %.

 

Clémentine Jallais