La isla minima – la très petite île – désigne la région des marécages du delta du Guadalquivir, les Marismas, au sud-ouest de l’Andalousie. Dans cet univers plat et humide, le proche océan reste invisible. L’action se situe en 1980. Cette époque permet de retrouver une enquête policière traditionnelle, sans haute technologie, fondée donc sur la seule recherche humaine de renseignements. Le film joue, en partie intelligemment, avec les clichés du genre : deux inspecteurs que tout oppose, dans leur passé et leurs convictions, doivent résoudre en commun une série de disparitions inquiétantes et de meurtres de lycéennes, dans un village isolé des Marismas. Les policiers trouvent les cadavres, réalisent les premiers constats. Certains interrogatoires suivent des modes proches de ceux de la CIA, mais leur bonne cause est plus évidente. La isla minima ne s’adresse donc, du fait de certaines de ces scènes, présentes sans être cependant insistantes, qu’à un public d’amateurs avertis, adultes et grands adolescents. Ces paysages particuliers, l’environnement humain de journaliers ouvriers agricoles, de pêcheurs, de braconniers et de contrebandiers, fort pauvres, tout converge pour créer une atmosphère générale particulière, qui, combinée à l’intrigue et ses inévitables rebondissements, font de La isla minima un bon film policier, plaisir plutôt rare désormais dans les salles obscures.
La isla minima
Mais si, techniquement, La isla minima respecte les lois du genre, avec une maîtrise certaine, on se permettra d’émettre une forte réserve quant au message politique peu discret, agaçant. Le réalisateur s’affirme antifranquiste, et distille son point de vue tout au long du film. Cet arrière-fond devient d’autant plus gênant que le schéma de pensée marxiste permet de deviner parfaitement l’identité du coupable principal… On ne s’étendra pas pour laisser aux heureux distraits le plaisir de la découverte. Le manichéisme primaire, fait des équations franquisme = mal, reductio ad hitlerum incluse, et antifranquisme = bien, finit par indisposer. L’Espagne de 2015, une génération après celle de 1980, désormais très loin de tout héritage franquiste. Est-elle d’ailleurs devenue un paradis pour les travailleurs, particulièrement les plus modestes ? Certainement pas.