Le Mot : Réparations

Le Mot Réparations
 

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a organisé le week-end dernier à Alger une « conférence internationale sur les crimes du colonialisme sur le continent » qui constituait selon lui un « événement continental majeur », réunissant des « ministres, juristes, historiens, universitaires et experts africains, caribéens et d’autres régions du monde » afin d’obtenir des pays colonisateurs « justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine à travers les réparations ». L’objectif avoué de l’Algérie et de l’Afrique dans son ensemble étant « de passer du discours mémoriel parfois symbolique à une démarche politique et juridique destinée à considérer dans un premier temps le colonialisme, l’esclavage, la ségrégation raciale et l’apartheid comme crimes contre l’humanité, puis à réclamer reconnaissance et réparation ».

 

Jusqu’où remonter ? Demander réparation à Jules César ?

Les colonisateurs montrés du doigt sont exclusivement européens, France, Angleterre, Belgique, Italie, Espagne, Portugal et Allemagne. N’y figure pas la Turquie, qui garda pourtant ses conquêtes plus longtemps au Maghreb que la France les siennes. Limitant ainsi l’objet de leur recherche, les participants ont voulu la mener à fond. L’enseignant-chercheur sénégalais Idrissa Ba déclarait par exemple : « Il faut aller dans le détail des chiffres concernant les massacres, les dégâts coloniaux. Je suis pour qu’on invoque la durée longue et qu’on remonte au moins jusqu’au 15e siècle. » Sera-ce suffisant ? L’histoire coloniale soulève en effet des questions vertigineuses : si l’on remonte à Jules César, devons-nous demander réparation à l’Italie ?

 

Réparation pour quoi ? Le pétrole, les terres, le développement ?

La question des réparations, elle-même intellectuellement passionnante, est également délicate. Après la Grande Guerre, Paris eut beau répéter « l’Allemagne paiera », celle-ci cessa bien vite de payer les réparations dues, et pourtant, elle avait pendant plus de quatre ans martyrisé tout le nord-est du pays, le plus riche et le plus actif alors, détruisant tout et laissant le sous-sol bourré de munitions non explosées dont certaines demeurent aujourd’hui dangereuses. Quant à l’Algérie du président Tebboune, on doit se demander sérieusement quelle note elle va nous présenter. Le colonisateur français l’a libéré du joug ottoman, lui a donné d’immenses territoires pris sur le Maroc, et l’a laissé empiéter, lors des négociations avec le FLN précédent l’indépendance, sur d’autres pays touchant au Sahara, Mauritanie, Mali, Soudan et Tchad. Dans ce Sahara qu’elle a de fait annexé gît le pétrole découvert, puisé et acheminé par la France, dont Bouteflika ministre des Affaires étrangères algérien a spolié celle-ci en 1971 en décrétant la nationalisation par l’Etat algérien des entreprises françaises qui exploitaient le pétrole du Sahara.

 

L’Algérie détruite par le FLN demande réparation à la France

La puissance colonisatrice a également asséché des marais au nord, mis en valeur des millions d’hectares, bâti un pays qui n’existait pas, prospère à son indépendance, avec des routes, des lignes de chemin de fer, des barrages hydro-électriques, des ports modernes, des aéroports, des écoles, des lycées, des universités, des hôpitaux, parfois de pointe comme celui d’Alger. En 1962, malgré 7 ans de crimes et de destructions menés par le FLN, l’Algérie était derrière l’Afrique du Sud le pays le plus développé d’Afrique. Soixante ans de sottise sectaire, d’incompétence et de guerre civile l’ont ruiné et divisé. Il ne reste au président Tebboune, élu par défaut avec soixante pour cent d’abstentions, et complètement incapable de redresser le pays, que la ressource de gémir sur un passé fantasmé, d’attiser la haine et la sottise, et de demander réparation à la France des bienfaits immenses qu’elle a dispensés en Algérie.

 

P.M.