Le Mot : Serveur

Le Mot Serveur
 

Le mot a été prononcé en anglais : waiter, et il a causé un drame qui s’est terminé par le déroutage d’un avion ! Telles sont les conséquences du vivre ensemble dans nos sociétés multiculturelles, soucieuses de n’offenser personne et « intersectionnelles ». Ce 18 juillet un avion de la compagnie American Airlines s’envolait de New York pour Georgetown, capitale de Guyana, petit Etat sur la côte atlantique de l’Amérique du Sud coincé entre le Suriname et le Venezuela. Un passager qui venait de subir une opération, incapable de soulever des charges lourdes, demande au steward qui se trouve devant lui de l’aider à mettre son sac dans le coffre à bagage.

 

Une hôtesse diplomate

Le steward est à cheval sur le règlement, il refuse : « Je ne fais pas ça. Je ne suis pas payé pour ça. » Peut-être aussi a-t-il une revendication sociale, ou une phobie raciale : car le passager, outre qu’il est handicapé, présente la double particularité d’être Guyanais de couleur et de voyager en première classe. Heureusement, une hôtesse de l’air passe par là et, profitant du sexisme général, règle la question en mettant le sac du passager dans le coffre idoine. Les choses pourraient s’arrêter là mais, quand vient l’heure des boissons, une heure plus tard, le steward demande ce qu’il prend au passager qui lui répond : « Je n’ai besoin de rien, serveur ! »

 

Le serveur est sans pitié

Cette fois c’est trop pour l’irascible serveur, dont la dignité s’estime menacée. Le ton monte au point que le différend est porté dans le cockpit des pilotes, et le commandant de bord décide de retourner au point de départ où le passager sera débarqué et remis à un agent de la police new yorkaise. En somme, voilà trois heures de vol perdus par les passagers et la compagnie, et un homme expulsé de l’avion, pourquoi ? Le porte-parole de la compagnie a donné son explication : « La sûreté et la sécurité sont nos priorités absolues. » Bullshit (sottise, en français), répond le passager qui nie avoir commis la moindre faute : une querelle entre un steward et un passager handicapé par une récente opération ne saurait mettre en danger la sécurité d’un avion. La véritable raison est que le mot « serveur » a été jugé offensant pour le steward et les pilotes. D’une part, c’est offensant pour tous les serveurs du monde. Ensuite, cela prouve qu’on se fiche du coût des vols et de l’intérêt des voyageurs dès lors qu’une « offense » est en jeu, ce qui est proprement révolutionnaire et mesure la hiérarchie des urgences. Enfin, que la révolution en cours est plus collet monté, plus obsédée par les convenances que les vieilles douairières sous Charles X : serveur, pour un steward, est-ce vraiment si insultant ?

 

P.M.