Quand le nouveau pape a pris le nom de Léon XIV, on a pensé immédiatement qu’il entendait se situer dans la suite de Léon XIII, et beaucoup ont rappelé la fameuse encyclique Rerum novarum sur la doctrine sociale de l’Eglise et en ont déduit que Léon XIV entendait être un pape « social ». Mais Léon XIII ayant rédigé un grand nombre de texte de portée doctrinale, d’autres commentateurs se souviennent de la lettre apostolique qu’il avait adressée à l’archevêque de Baltimore en 1899, Testem benevolentiae nostrae. Il y dénonçait une hérésie qu’il nommait américanisme, et nombre d’exégètes américains contestent non sa condamnation, mais le nom qu’il donnait à la chose, estimant qu’il comprenait mal l’Amérique. Quoi qu’il en soit, si Léon XIV revenait aujourd’hui sur la question, on ne pourrait pas dire qu’il ne connaît pas l’Amérique. Et cela va peut-être arriver, car l’hérésie que Léon XIII nommait américanisme est dans l’air du temps. Dans Testem benevolentiae nostrae, Léon XIII dénonçait le libéralisme et le pluralisme religieux qui commençaient à miner la doctrine catholique, et qui ont fait beaucoup de progrès depuis, attribuant ces tendances néfastes aux valeurs dominant la société américaine. L’abbé Félix Klein, préfacier d’un livre que condamnait Léon XIII, estimait que l’Eglise devait s’adapter à la civilisation moderne, non seulement quant aux règles morales, mais aussi quant au dépôt de la foi : il semble que nous y sommes arrivés. Léon XIII jugeait le protestantisme et l’individualisme régnant en Amérique responsables de la chose. Il condamnait « ceux qui conçoivent et voudraient une Eglise différente en Amérique de ce qu’elle est dans le reste du monde ». Par un retournement ironique, on pourrait dire aujourd’hui exactement cela de l’Europe, avec la synodalité allemande, la CEF et la hiérarchie catholique belge. On a bien vu comment Fiducia supplicans, par exemple, a été reçue hors d’Europe. Peut-être Léon XIV va-t-il dénoncer l’hérésie « européaniste » ?