Le pape Léon XIV et la révolution de l’intelligence artificielle (IA)

Léon XIV intelligence artificielle
 

Alberto M. Fernandez, ancien diplomate américain et chroniqueur du National Catholic Register, offre un beau commentaire sur le choix par le cardinal Robert Prevost de son nom de pape, Léon XIV. « Il y a plusieurs raisons, mais principalement parce que le Pape Léon XIII, avec l’encyclique historique Rerum novarum, a abordé la question sociale dans le contexte de la première grande révolution industrielle ; et aujourd’hui l’Eglise offre à tous son héritage de doctrine sociale pour répondre à une autre révolution industrielle et aux développements de l’intelligence artificielle, qui posent de nouveaux défis pour la défense de la dignité humaine, de la justice et du travail. »

Sujet crucial en effet que celui d’une technique informatique capable de servir tous les mensonges et présentée comme beaucoup plus compétente, efficace et savante que l’homme, qu’elle a visiblement pour vocation à remplacer…

 

Léon XIV a choisi son nom en référence à Rerum novarum

« Il est bon que notre pape se concentre sur la prochaine révolution, car elle approche à grands pas et s’annonce encore plus disruptive et destructrice que la révolution industrielle qui a conduit le pape Léon XIII à rédiger sa célèbre encyclique », souligne Alberto Fernandez, avant de cadrer son sujet :

« On pourrait dire que nous sommes à la veille non pas d’une, mais de quatre révolutions, ou de quatre aspects d’un même détricotage et d’une même secousse, massifs : la révolution technologique de l’intelligence artificielle explicitement mentionnée par le pape, et les révolutions économiques, sociales et politiques qui la suivront de près, tels les quatre cavaliers de l’Apocalypse. »

L’intelligence artificielle, ou IA, est la révolution dont les médias parlent le plus, peut-être de manière « exagérée », estime le chroniqueur, mais il note aussitôt :

« Une enquête menée en 2024 auprès de directeurs financiers a révélé que “plus de la moitié (61 %) des grandes entreprises prévoient d’utiliser l’IA au cours de l’année prochaine” pour automatiser le travail effectué par les humains. Une perturbation massive de l’emploi semble probable, mais elle ne se limitera pas au lieu de travail. En 2023, en Belgique, un chatbot IA (relativement primitif) a convaincu un jeune homme, après six semaines de conversation, de se suicider pour le bien de l’environnement. Une autre conséquence de la nouvelle révolution technologique est la détérioration des normes éducatives et même un déclin de la lecture, en particulier de la “lecture approfondie” qui nourrit la pensée critique et l’introspection. »

Et si cette réalité aura de profondes répercussions sur le marché du travail, il ne faut pas oublier leur contexte, comprend-on à travers l’analyse d’Alberto Fernandez :

« Une dette massive menace de nombreuses économies, et pas seulement celles des Etats-Unis et de l’Europe. La dette publique mondiale devrait approcher 100 % du PIB d’ici à cinq ans. L’économie de l’avenir proche s’annonce non seulement endettée, mais également caractérisée par une pénurie de main-d’œuvre et de consommateurs, ce qui mettra en péril les systèmes de protection sociale et les services publics. Et plutôt que le vieux discours binaire d’un Occident riche exploitant un Sud pauvre, nous sommes en réalité face au spectre beaucoup plus déroutant d’un Occident de plus en plus appauvri dans un monde où la mondialisation ne profite plus à tout le monde (si elle l’a jamais fait) et où l’exploitation se fait dans toutes les directions, les entreprises chinoises impitoyables remplaçant les entreprises occidentales paternalistes. »

 

La révolution de l’intelligence artificielle affectera tout

Tout cela dans un contexte d’une baisse mondiale de la natalité « d’une ampleur sans précédent dans l’histoire de l’humanité », en même temps que sont promus l’euthanasie et l’eugénisme. Pour Alberto Fernandez, les conséquences de la montée de l’intelligence artificielle révolutionneront les principes même de la vie en société :

« Non seulement les familles seront soumises à une pression intense et sans précédent, mais des notions aussi sacrées que la maternité, l’épanouissement humain et jusqu’à la nature même de l’être humain seront remises en question. Alors que les vieilles traditions semblent être balayées, nombreux sont ceux qui aspirent à l’immortalité, à transcender l’humanité elle-même, faisant écho à la plus vieille des promesses diaboliques : “Vous serez comme des dieux.” »

Tout cela aboutira aussi à de profonds changements politiques à travers « l’arrivée d’une élite managériale encore plus arrogante et retranchée que celle déjà au pouvoir », prévoit Alberto Fernandez :

« Les vieilles catégories de “droite” et de “gauche” semblent désespérément obsolètes pour décrire cette élite, mais il est fort probable qu’il s’agisse d’une élite non chrétienne ou post-chrétienne. Le vieux dogme libéral du progrès et de la prospérité éternels semble avoir fait son temps. Il pourrait être remplacé par une bureaucratie permanente visant à détourner l’attention et à réprimer la dissidence – le populisme de droite et de gauche – à mesure que le fossé entre riches et pauvres se creuse, non pas entre les pays, mais au sein même de ceux-ci. »

 

Léon XIV sait que la réponse est dans la religion

Le choix par le pape de faire référence à Léon XIII pour envisager une réponse à cette révolution – qui sous sa forme « arc-en-ciel », attaque déjà tout l’ordre social et démolit toute la loi naturelle que Dieu a donnée à sa création, pourrait-on ajouter – est décidément fondamental. Surtout lorsqu’on se souvient de ce qu’enseignait le pape de Rerum novarum, comme le fait Alberto Fernandez à travers cette citation :

« Seule la religion (…) peut détruire le mal à sa racine ; tous les hommes doivent être convaincus que la chose principale à faire est de rétablir la morale chrétienne, sans laquelle tous les plans et tous les dispositifs des plus sages seront vains. »

Fernandez conclut :

« Face à un scénario aussi catastrophique, nous avons la Bonne Nouvelle du Christ et les paroles d’un nouveau pape qui a parlé à plusieurs reprises de paix dans ses premières déclarations. Pour moi, il s’agissait autant de la paix au sein de l’Eglise et dans les cœurs que de la paix dans le monde. Car une Eglise unie et en paix avec elle-même est puissante et a des réponses éprouvées à toutes les questions qui seront soulevées par ces multiples nouvelles révolutions. C’est une Eglise qui a déjà converti des païens, réformé des libertins, inspiré les analphabètes par sa beauté, qui donne de la dignité aux opprimés et un sens à ceux qui sont perdus, qui sait que “le mystère est l’antidote du spectacle”. Puisse le pape Léon être un pape guerrier, non pas au sens vulgaire ou terrestre du terme, mais dans sa lutte pour les choses éternelles dans un monde de plus en plus construit sur du sable mouvant. »

 

Un texte du P. Robert Prevost sur la nouvelle évangélisation face aux mass-médias anti-chrétiens

Le mystère est l’antidote du spectacle… Les mots sont ceux du P. Robert Prevost, lors de son intervention à la XIII Assemblée générale ordinaire du synode des évêques sur la « nouvelle évangélisation, du 7 au 28 octobre 2012, Benoît XVI régnant, en sa qualité de Prieur général de l’Ordre de Saint Augustin. Son intervention a été résumée sur le site vatican.va ; je vous en propose ici ma traduction rapide :

« Au moins dans le monde occidental contemporain, sinon dans le monde entier, l’imaginaire humain en matière de foi religieuse et d’éthique est largement façonné par les mass-médias, en particulier la télévision et le cinéma. Les mass-médias occidentaux sont extrêmement efficaces pour susciter dans le grand public une immense sympathie pour des croyances et des pratiques qui sont en contradiction avec l’Evangile.

« Cependant, l’opposition ouverte des médias de masse au christianisme n’est qu’une partie du problème. La sympathie pour les choix de vie antichrétiens que les médias de masse suscitent est si brillamment et habilement ancrée dans l’esprit du public que lorsque les gens entendent le message chrétien, celui-ci leur semble souvent, inévitablement, idéologique et émotionnellement cruel par contraste avec l’humanité apparente de la perspective antichrétienne.

« Si la “nouvelle évangélisation” veut contrer avec succès ces distorsions de la réalité religieuse et éthique opérées par les médias de masse, les pasteurs, les prédicateurs, les enseignants et les catéchistes devront être beaucoup mieux informés sur le défi que représente l’évangélisation dans un monde dominé par les médias de masse.

« Les Pères de l’Eglise, y compris saint Augustin, peuvent fournir des orientations excellentes à l’Eglise quant à cet aspect de la nouvelle évangélisation, précisément parce qu’ils étaient passés maîtres dans l’art de la rhétorique. Leur évangélisation a été couronnée de succès en grande partie parce qu’ils comprenaient les fondements de la communication sociale adaptés au monde dans lequel ils vivaient.

« Pour lutter efficacement contre la domination des médias de masse sur l’imaginaire religieux et moral populaire, il ne suffit pas à l’Eglise de posséder ses propres médias télévisés ou de sponsoriser des films religieux. La mission propre de l’Eglise est d’initier les hommes à la nature du mystère comme antidote au spectacle. La vie religieuse joue également un rôle important dans l’évangélisation, en orientant les autres vers ce mystère, à travers une vie fidèle aux conseils évangéliques. »

Le moine en son abbaye, la religieuse en son couvent sont en effet missionnaires à plus d’un titre : par l’exemple mais aussi par la prière, comme le montre sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, cloîtrée mais patronne des missions…

 

Jeanne Smits