Des comtes, des comtesses, la loi salique, des mâles et des histoires de genre

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Que faire lorsque, tel le comte de Balfour, cinquième du nom, on se retrouve sans héritier mâle et un titre qui risque de passer à son petit frère alors qu’on a une fille, une belle jeune femme pleine de ressources, d’intelligence et de volonté pour faire vivre l’héritage paternel ? L’Earl of Balfour et son épouse, la comtesse sont carrément dépités par ce qui reste de la loi de primogéniture britannique – la version british de la loi salique qui ne s’applique plus à la famille royale ni à quelques autres titres de noblesse – qui empêche l’une des quatre filles du couple de maintenir la tradition familiale. Et plus précisément, l’aînée, Lady Willa Franks. A l’époque du genre, c’est vraiment shocking.
 
Eh bien, le comte de Balfour pense avoir trouvé la solution. Il suffit que l’une de ses filles, et de préférence l’aînée, donc, se déclare homme, et le tour sera joué, pense-t-il.
 

A l’époque du genre, que pèse la primogéniture mâle ?

 
Ce serait quand même ballot si à l’époque de l’idéologie du genre on se laisse arrêter par de banales histoires d’état civil. Quand on peut changer de sexe aussi facilement que de chaussettes, se voir opposer une féminité qui vous empêche de reprendre le domicile familial – une solide maison à l’ombre du château médiéval d’Arundel – peut paraître désuet.
 
Les Balfour ont été anoblis en 1922 – plus précisément, le titre a été créé pour Arthur Balfour, Premier ministre entre 1902 et 1905, et premier artisan de ce qui allait devenir l’Etat d’Israël.
 
L’actuel détenteur du titre aimerait mieux, si l’on comprend bien, que la loi change. La question du genre est une réponse opportuniste à une situation de fait, et le comte pense qu’elle se posera de manière intéressante du point de vue constitutionnel, et ce d’autant que d’autres membres de la noblesse britannique sont dans le même cas que lui.
 
La comtesse Balfour, son épouse, est mille fois d’accord. Elle-même a dû renoncer à la maison familiale – Arundel Castle, précisément, passé à son jeune frère Edward en 2002 – et elle veut épargner à sa fille aînée de vivre une situation similaire. Si pour cela il faut que Willa devienne un Willie, pourquoi pas ?
 

Des comtes et des comtesses se mobilisent contre la « loi salique »

 
Reste que la loi britannique exclut le principe d’une telle manœuvre. Dans le cadre de l’actuelle loi sur la reconnaissance de genre, il est bien précisé qu’une fille aînée qui change de genre ne peut supplanter le droit de l’héritier mâle. Tout est prévu… Cependant, les experts juridiques y voient une possible violation de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la discrimination, ainsi que des violations des lois sur le droit de propriété et le droit à la vie privée.
 
C’est une tempête dans une tasse de thé bien britannique, mais combien symbolique de notre temps de confusion. Car si on peut pour une raison pour une autre estimer que le droit de primogéniture mâle ne correspond plus aux réalités du temps, pourquoi aller trafiquer la réalité en appelant « homme » une femme évidemment femme ?
 
Même pour les besoins d’une cause qu’on estime juste, c’est une utilisation d’une aberration contemporaine plus « shocking » encore que la triste perte d’un titre et d’une maison.
 

Jeanne Smits