Macron et l’IA : un sommet essentiellement socialiste

 

Le Sommet sur l’IA qui s’est tenu la semaine dernière à Paris a donné lieu à une charte, une déclaration sur l’intelligence artificielle inclusive et durable pour les peuples et la planète et bien d’autres annonces auxquelles ont participé à divers titres des dizaines de pays depuis Ukraine, le Vatican et l’UE à la Chine, en passant par l’Inde et le Brésil. Et la France, bien sûr, puissance invitante : la recherche de la gloire d’Emmanuel Macron n’était pas bien loin. On en retiendra d’abord ceci : l’Elysée a annoncé une série d’investissements majeurs visant à faire de la France un leader mondial en matière d’infrastructure et d’innovation en intelligence artificielle. L’addition s’annonce salée : 109 milliards d’euros pour les prochaines années en France.

Tout cet argent ne sortira pas de la poche du contribuable – on voit mal comment, d’ailleurs, dans le contexte budgétaire de la France, même si ponctionner les richesses au profit de l’Etat est une activité constante, variée et créative en France où les recettes de l’Etat atteignent les 51,6 % du PIB, et où la part des dépenses publiques par rapport au même PIB atteint les 57 %.

 

Le Sommet de Macron sur l’IA dans un environnement socialiste

C’est bien un pays socialiste qui cherche ainsi à attirer les fonds et à les gérer – un passeport pour l’échec ? Ou pour une forme d’asservissement…

Participeront à la levée de fonds, au premier plan, les Emirats arabes unis pour le financement d’un datacenter d’1 GW qui coûtera à lui seul 50 milliards d’euros. Soit, selon le site Maddyness spécialisé dans les informations sur « l’économie de demain » et l’IA, « le plus gros investissement domestique ou étranger jamais annoncé en Europe depuis au moins 2016 ».

Les fonds américains Apollo et Brookfield prévoient eux aussi de financer des infrastructures, et notamment des datacenters, à hauteur respectivement de 5 et 20 milliards d’euros, tandis que Digital Realty, autre spécialiste américain de ces centres de données, investira à Marseille et en région parisienne à hauteur de 5 milliards d’euros.

Des groupes français sont également sur les rangs, que ce soit pour des centres de données, la fourniture de nouveaux systèmes d’IA – le groupe de Xavier Niel nouera un partenariat avec Mistral AI pour proposer à tous les abonnés de Free la nouvelle version pro de l’IA générative de cette société.

Hélas, nous avons l’exemple des investissements stratégiques de la France en matière d’informatique – en 1966, c’était par exemple le « Plan calcul » et la création de la Compagnie internationale pour l’informatique. Mais ce sont surtout, au fil des ans, des transferts de technologie qui ont marqué cette histoire et la France, c’est le moins que l’on puisse dire, n’a pas rejoint le groupe des grands ni inquiété la primauté américaine en la matière sur le plan industriel.

 

Un sommet socialiste sur l’IA ne promet pas de retombées pour la France

Des entreprises françaises ont certes, grâce à ce qui fut pendant longtemps (et n’est plus) l’excellence du niveau de l’enseignement des mathématiques en France et à des inventeurs géniaux, joué un rôle clef dans le développement de l’informatique, souligne le site museeinformatique.fr. Mais ce n’est pas l’implication de l’Etat qui a provoqué ce résultat, mais plutôt leur liberté de concevoir et d’entreprendre dans de bonnes conditions.

Quand l’Etat se vante de piloter le développement de l’IA et de le soutenir, on ne se fait donc pas d’énormes illusions.

Et ce d’autant moins que le vrai problème – le remplacement de l’homme par des intelligences artificielles – n’est guère posé : on parle des atouts de l’IA, « au profit de nos économies et de nos sociétés », on parle de « vision collaborative et participative » et de conception « plus complète et plus inclusive de l’IA pour l’intérêt général » ; on chapeaute une Coalition pour la place de « l’IA durable » et ses infrastructures, avec le Programme des Nations unies pour l’Environnement et l’Union internationale des télécommunications

Autrement dit, on fait place à une nouvelle usine à gaz de normes dont on peut parier que les Etats-Unis, par exemple, et surtout la Chine ne sont pas près de s’y soumettre. Ce qui leur donnera inévitablement l’avantage.

Le même site maddyness.com publiait le compte-rendu du dîner-débat du think tank Cercle Humania qui veut accompagner la transformation des services de RH dans les entreprises, où s’est exprimé le futurologue Laurent Alexandre. C’est une autre chanson : « Dans 10 ans, l’intelligence humaine ne représentera plus qu’un millième de l’IA », assurait-il aux convives.

 

L’IA bientôt plus forte que tous les cerveaux humains réunis ?

« Entre fin 2025 et 2027, l’IA dépassera l’humain dans toutes les dimensions cognitives, et la super IA – équivalente à la réunion de tous les cerveaux humains – sera bien effective en 2027. L’IA va changer radicalement les fonctions de production », a ajouté Laurent Alexandre : « La structure organisationnelle des entreprises va inévitablement évoluer, réduisant le rôle des cadres intermédiaires au profit d’une importance accrue des dirigeants. Cette transformation est complexe à anticiper, puisque GPT-4 Pro était l’équivalent d’un Q.I. de 115, soit celui d’un titulaire de BTS, tandis que O1-mini, qui sortira dans quelques semaines, aura l’intelligence d’un polytechnicien. Ce n’est pas la même chose, lorsqu’on envisage la réorganisation, d’avoir l’équivalent d’un BTS ou d’un polytechnicien à portée de main. »

A-t-il raison ? L’avenir le dira : la prospective est tout sauf une science exacte. Mais la « disruption » rêvée par le Forum économique mondial semble bien être à nos portes, alors qu’entreprises et Etats continuent de jouer avec le feu…

 

Anne Dolhein