Xi à Paris : Macron mini De Gaulle face à la Chine

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Le président de la République Emmanuel Macron a reçu le chef d’Etat chinois Xi Jinping avec faste à l’Elysée et familiarité dans les Pyrénées pour célébrer les soixante ans de la reconnaissance de la Chine communiste par le général De Gaulle en 1964. Mais le rapport des forces et des tailles a changé depuis soixante ans. Quand la France relança des relations diplomatiques avec la Chine de Pékin ce fut un événement mondial, car c’était le premier Etat occidental (un membre du Conseil de Sécurité de l’ONU de surcroît et un pays en pleine croissance, quatrième économie mondiale) à oser échanger des ambassadeurs, l’Angleterre n’ayant qu’un chargé d’affaires. Aujourd’hui, la France n’est plus que la septième économie mondiale, son rôle international, même au Proche-Orient où elle tint longtemps une place primordiale, diminue. Et Macron, très contesté sur le plan intérieur, doit s’associer au président de la commission européenne, Ursula Von der Leyen pour faire le poids face à Xi.

 

De Gaulle, la France, la Chine, la réalité

Le général De Gaulle reconnaît, le 27 janvier 1964, la Chine populaire et annonce l’envoi d’un ambassadeur à Mao Tse Toung sous les trois mois. En conseil des ministres, il avait ainsi justifié la chose : « La Chine meurt d’envie d’être reconnue. […] Les Soviets sont devenus ses adversaires et les Etats-Unis le sont restés. […] Ils ne voient aucun autre interlocuteur que la France. […] La France existe. Elle est indépendante, elle est pour la Chine une réalité et même la seule. » Sans doute était-il informé du développement de la politique militaire chinoise. Le 16 octobre 1964, Pékin réussissait son premier essai de bombe atomique, un engin à fission de 22 kilotonnes, et la Chine devenait une puissance nucléaire, entrant dans un cercle alors fermé de pays craints. Alors que les Etats-Unis demeuraient accrochés à Tai Wan, De Gaulle en tirait les conséquences.

 

Le PIB de la France six fois celui de la Chine

Il faut rappeler aussi que la France était alors l’incontestable et incontesté patron politique et militaire de ce qui ne s’appelait pas encore l’Union européenne mais le marché commun. L’Allemagne d’Adenauer (qui n’avait pas recouvré ses Länder de l’Est et dont la capitale était Bonn) dont la prospérité n’atteignait pas celle de la France, lui était reconnaissante de quelques gestes. Et bien sûr, ce qu’on a nommé en 1965 la fusion des exécutifs européens n’avait pas eu lieu, la première Commission Hallstein (à laquelle De Gaulle imposerait le droit de veto en 1965) n’était pas constituée, et les prétentions fédérales de l’actuelle commission de Bruxelles étaient inexistantes. Le président de la République française s’adressait donc souverainement, sans restriction, aux dirigeants de la Chine. Enfin, au moment de la reconnaissance de Pékin par Paris, la France disposait de bombes nucléaires opérationnelles, la Chine, non, et le PIB de la France était six fois celui de la Chine.

 

Macron et Xi à Paris : morale et rapport des forces

De Gaulle, enfin, fit un acte de diplomatie classique, traitant d’Etat à Etat, dans un cadre national, sans considération du régime régnant en Chine. La doctrine de Macron a subi une double modification : d’une part il se place dans un cadre proto-supranational en se faisant accompagner toujours par Ursula von de Leyen, et deuxièmement, il a fait sienne la doctrine du droit d’ingérence formulée par Bernard Kouchner lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, c’est-à-dire qu’au nom des droits de l’homme il s’érige en juge des affaires intérieures d’un Etat et prétend lui en faire des remontrances. Ainsi a-t-il condamné le « régime syrien ». Ainsi le tandem Leyen Macron critique-t-il la Chine à propos des Ouïghours comme Sarkozy le faisait à propos du Tibet. Mais bien sûr les questions des exportations chinoises, de l’expansionnisme chinois et de l’aide à Poutine dans la guerre d’Ukraine pèsent lourd. Alors les droits de l’homme servent de variable d’ajustement dans les négociations avec Xi. C’est la diplomatie sans les moyens et de l’humanitaire au petit pied. Du Macron. De Gaulle, lui, avait entre les mains pour discuter, les restes encore tangibles d’un grand pays.

 

Pauline Mille