Macron, meilleur dictateur de l’inversion

Macron meilleur dictateur inversion
 

Deux heures durant, Emmanuel Macron, après un propos liminaire appelant en termes ronflants au « réarmement » de la France et au rétablissement de « l’ordre », a répondu aux questions de la presse. Reconnaissons-le, il a été excellent dans l’exercice, meilleur que les journalistes qui faisaient leur possible pour donner à leurs questions une apparence agressive, il les a littéralement mis dans sa poche. Les caméras filmaient en direct ce phénomène d’emprise sur une petite foule de privilégiés conquis. Peu importe la fragilité de ses annonces politiques et de ses réponses aux polémiques en cours : les regards extatiques des uns, les velléités d’agressivité vite domptées des autres, montraient une assistance sous le charme. Le dictateur moderne ne porte ni moustache ni couteau entre les dents, on le suit pour sa musique, comme le joueur de flûte de Hamelin : son seul ennemi est la réalité, sa seule obligation que le charme ne se rompe pas avant qu’il n’ait terminé sa mission : imposer, sous les apparences d’un ordre qu’il subvertit, l’inversion des valeurs.

 

Macron, meilleur joueur de pipeau

Bien sûr, quand on prend des notes, on s’aperçoit que presque tout est faux et fou dans ce qu’a dit Emmanuel Macron. Les émeutes de juin, par exemple, ce n’était pas l’immigration, mais « l’oisiveté » qui en fut la cause principale. Bon sang, mais c’est bien sûr ! L’oisiveté est la mère de tous les vices, et les écoles avaient arrêté les cours fin avril, alors… Dans la barbe à papa d’argumentation qui sort de la bouche du président, il y a toujours quelque chose dont on se dit que, ma foi, ce n’est pas faux. Ça rime à quoi, d’arrêter l’école en avril ? Et puis quoi, c’est vrai, la plupart des émeutiers étaient de nationalité française, il a raison Macron ! En plus, 60 % des émeutiers interpellés venaient de familles monoparentales ! L’instant d’après, on se dit que nationalité ou pas, ces jeunes oisifs viennent bien de quelque part, mais on est passé à autre chose, et la foule des journalistes et des ministres sourit toujours, heureuse, les commissures de la bouche relevée et les yeux en boule de loto.

 

Une classe de ministres amoureux de Macron

Les ministres valaient leur pesant de caramel. Il y avait les sérieux, Lemaire, dont l’obsession reste de paraître intelligent, Dupont-Moretti, et Lecornu, qui plissait le front à tout va ; les inquiètes, Rachida Dati, mise en examen, et Amélie Oudéa-Castéra, autrice d’une récente boulette, qui attendaient l’absolution du chef et qui l’ont eue ; l’ex d’Attal, le désastreux Stéphane Séjourné, toujours aussi mal rasé, qui se faisait petit tout au fond après ses fautes de français à Kiev (Talleyrand doit s’en retourner dans sa tombe) ; les groupies, Aurore Bergé qui louchait avec application pour mieux suivre, et Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui souriait aux anges en dodelinant de la tête quand Macron parlait des médecins, comme un chien suit le mouvement de son maître en train de lui lancer une balle de tennis. De temps à autre un cameraman sexiste cadrait le sourire du porte-parole du gouvernement, Prisca Thévenot, qui nous vient de Maurice : elle seule semblait moins captivée par le charme de Macron que par le sien propre.

 

Le dictateur et l’inventaire de Prévert

Alors bien sûr si vous faîtes bouillir les grandes lignes de l’ambition pour la France de Macron pour voir ce qu’il en subsiste d’extrait sec, vous touchez beaucoup de vide à côté d’un peu de plein, théâtre obligatoire au collège (merci Brigitte), histoire de l’art, ordre contre la drogue et l’islam radical, relance de la démographie par le congé parental de six mois et la lutte contre l’infertilité, la République, simplifier, retrouver l’audace, payer cinquante centimes de plus les boîtes de médicaments ; chanter la Marseillaise en primaire, partager la valeur ajoutée, libérer du temps de médecin, appliquer sur le terrain, réguler les écrans, mieux curer les Watringues, signer un accord bilatéral avec l’Ukraine et lui fournir plus de matériel. En fait, rien n’a changé depuis la loi Macron de 2015, cet inventaire à la Prévert qui se terminait par bus Macron, fameux à l’époque. C’est quelque chose qui ressemble au bon sens et à la réalité, conçu pour séduire tout le monde, tous les esprits non prévenus, y compris cette classe intermédiaire « qui gagne trop pour percevoir des aides et pas assez pour vivre bien ».

 

L’inversion rhétorique de l’incendiaire devenu pompier

Cette grande masse de centristes de bonne volonté, y comprises la droite et la gauche comme il faut, respectueuse du climat, du vivre ensemble, de l’Union européenne, Macron s’en veut le grand frère, le représentant, le pédagogue en même temps que le préfet. Lui qui chevauche l’accord de Paris depuis six ans l’engage maintenant à « s’adapter » au climat, lui qui a creusé la dette avec le covid et son « quoi qu’il en coûte » explique qu’on ne peut pas trouver d’argent où il n’y en a pas et que le contribuable finit toujours par payer ce qui est gratuit. Il entend rassurer par l’expérience et l’accumulation des évidences et en même temps il prétend entraîner en brisant les tabous. Il invite tout son monde à se rassembler, s’unir, « faire nation » sous les auspices de la République. Et significativement, il ne s’est découvert qu’un ennemi, le Rassemblement national, auquel il prête des intentions sans doute bien supérieures à ce qu’elles sont en réalité. Il l’appelle le « parti de la colère facile » et le soupçonne d’être le parti de ses deux ennemis, le peuple et la réalité.

 

Macron, le meilleur agent de la République universelle

Le maître que sert Macron est ce qu’il appelle la République. Il lui prête deux mamelles, « l’ordre et la liberté ». Il a essayé un moment de s’élever à faire un peu de philo. Il a magnifié la nation la distinguant d’une simple société, évoquant « quelque chose de spirituel qui nous unit ». Mais cet éloge de la nation et de l’ordre, qui prétendait bien sûr chasser sur le territoire des électeurs de droite pour les détourner du RN, a quelque chose de profondément pervers. Car, lorsqu’il agite les « rites » et les « symboles » de l’ordre, parce que « beaucoup de gens sont perdus et ça ne rend pas les gens heureux », il met ce besoin d’ordre et de bon sens au service d’un « ordre » très particulier, de même que quand il exalte la France, c’est pour l’associer à l’Union européenne qui fait explicitement et objectivement partie de la construction mondialiste.

 

La grande inversion : ordre et nation au service de l’arc-en-ciel

C’est en cela qu’il est le meilleur des dictateurs possibles. Un dictateur moderne qui enrôle l’éloge de la nation au service de la Révolution arc-en-ciel dont il impose en même temps l’ordre, sous forme d’antivaleurs. Car l’ordre nouveau qu’il incarne et qu’il répand, c’est le climatisme, c’est la solidarité socialiste, c’est la soumission à l’OMS et l’ONU, c’est l’invasion massive qu’on autorise en se donnant les gants d’écorner l’immigration clandestine : rien dans le flot melliflu qui sort de la bouche d’Emmanuel Macron n’a contredit la politique qu’il a menée depuis six ans, au contraire, il s’est félicité de son bilan. Et le choix même de son premier ministre symbolise son dessein diabolique de persévérer : Gabriel Attal, qui jouait hier le premier de classe irréprochable, est le parangon de l’inversion morale qui fonde la Révolution arc-en-ciel.

 

Pauline Mille