Macron, Trump, Poutine, UE : guerre et paix vers le mondialisme

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Quelles qu’aient été les intentions de ceux qui l’ont voulu et de ceux qui l’ont combattu, le Brexit n’a pas fait obstacle au mondialisme. De même, les paroles diverses et les actes adverses de Trump, Poutine, Macron et l’UE sur la guerre d’Ukraine rapprochent-ils de concert (c’est-à-dire dans une dialectique polémique) la planète d’une gouvernance mondiale. L’allocation d’Emmanuel Macron à la télévision, le discours de Donald Trump devant le Congrès, si caractéristiques de leurs auteurs et conformes à ce qu’on pouvait en attendre, montrent ce que leur opposition bruyante pourrait faire oublier : Trump, en visant la paix au plus vite et en se désengageant de l’Europe, forçant l’UE à dépenser pour la défense, renforce l’UE et la pousse à l’endettement : il consolide ainsi doublement un ensemble continental (étape importante vers le mondialisme) qui était fragile avant la guerre d’Ukraine. Quant à Vladimir Poutine, qui agite périodiquement l’épouvantail nucléaire, il constitue avec talent et crédibilité la menace nécessaire.

 

Macron invoque Poutine et la menace de guerre

Emanuel Macron a été grave à souhait. Il a parlé de « menace russe », de « conflit mondial », et dit aux Français : « La patrie a besoin de vous. » Il a fait la pédagogie de la guerre : « Face à ce monde de danger, rester spectateur serait une folie. Il s’agit de prendre des décisions pour l’Ukraine, la sécurité des Français et des Européens. Les Etats européens doivent être capables de mieux se défendre et de dissuader toute nouvelle agression. Il nous faut nous équiper davantage, renforcer notre indépendance en matière de défense et de sécurité. » C’est du classique : si vis pacem para bellum. Bien sûr, comme le covid, cela a un coût, dans la mesure même où la sécurité n’a pas de prix : « Nous aurons à faire de nouveaux choix budgétaires. » A peine Bayrou avait-il réussi à boucler un budget bancal sans provoquer de motion de censure qu’il va falloir s’y recoller. Ce n’est pas demain la veille qu’on va pouvoir satisfaire aux critères de Maastricht ! Car Macron l’a dit, ces efforts d’investissement militaire « exigent de mobiliser des financements privés et publics, sans que les impôts ne soient augmentés ». En clair, à quel pourcentage du PIB le déficit budgétaire va-t-il atteindre ? Jusqu’où ne montera-t-il pas ?

 

Grâce au camouflet de Trump, Macron promeut l’UE

Cela, c’est pour nous annoncer la douloureuse. Mais Emmanuel Macron n’omet jamais de tenter de se mettre au centre du jeu politique. Quand Donald Trump claironne qu’il négocie seul à seul avec la Russie de Poutine, excluant l’UE, Macron en profite : « Notre dissuasion nucléaire nous protège. Elle est complète, souveraine. » Il va « ouvrir le débat stratégique sur la protection de nos alliés européens (et) quoi qu’il arrive, la décision a toujours été et restera entre les mains du président de la République, chef des armées ». Le roi soleil n’aurait pas parlé plus majestueusement : en somme, le camouflet que fait Trump à l’UE sert à Macron pour avancer, sous couleur de souveraineté française et en magnifiant sa propre image, dans le processus d’une UE intégrée du point de vue militaire et politique, cinquante ans après le rejet de la Communauté européenne de Défense.

 

L’UE mène au mondialisme via le regroupement continental

Ce faisant, il s’est aligné sur le secrétaire général de l’OTAN, l’ancien Premier ministre néerlandais Mark Rutte, qui sonnait l’alarme en décembre 2024 : « Le danger se rapproche de nous à grande vitesse. (…) La Russie se prépare à une confrontation à long terme. Avec l’Ukraine et avec nous (…) il faut augmenter nos budgets de défense non plus de manière progressive, comme aujourd’hui, mais de manière décisive. » Et il concluait : « Il est temps de passer à un état d’esprit de temps de guerre. » Voilà une semaine Macron affirmait à son tour que le critère de Maastricht fixant le déficit du budget maximal à 3 % du PIB était devenu « caduc », inadapté à la situation actuelle. Et Ursula von der Leyen, présidente de la commission de l’UE, lui a fait écho mardi : « L’Europe fait face à un danger clair et immédiat d’une ampleur qu’aucun d’entre nous n’a connue dans sa vie d’adulte. » Elle a annoncé son plan Réarmer l’Europe, d’un montant équivalent à celui du covid, 800 milliards d’euros, dont 150 milliards de crédits européens destinés à accélérer les investissements des Etats membres, c’est-à-dire les inciter à emprunter, c’est-à-dire à accroître leur dette.

 

Finie la sobriété budgétaire, l’UE justifie la dette par la guerre

Cette politique d’endettement vise à stimuler la fédéralisation de l’Europe. Car va survenir un moment où l’accroissement de la dette sera tel qu’elle ne sera plus remboursable par les Etats membres et qu’il faudra la mutualiser. Les Anglo-Saxons le nomment moment hamiltonien, en souvenir d’Alexandre Hamilton, premier secrétaire du Trésor américain, le moment où plusieurs Etats mettent leur dette en commun pour s’abandonner à l’Etat fédéral qu’ils créent ainsi. C’est le modèle que suit aujourd’hui l’Europe fédéraliste depuis que son rêve de faire dette commune a commencé à prendre forme avec les énormes dépenses publiques qu’a engendrées la gestion du covid. Le quoi qu’il en coûte, caricatural en France, a frappé toute l’Europe, aggravant volontairement un endettement déjà fort : ce qui était, en paroles, condamné par les grands argentiers et leurs critères étriqués, était, en pratique, encouragé par les politiques. Les critères de Maastricht, comme le vivre ensemble, furent conçus pour ne pas fonctionner : c’étaient des critères de convergence d’économies asservies par les sanctions, ils ont servi à construire l’Europe par la dette, et ceux-là même qui les ont édictés appellent aujourd’hui à les transgresser.

 

Poutine repoussoir idéal de la paix pour l’UE

Vladimir Poutine n’a cessé depuis plus de dix ans, et singulièrement depuis 2022 en Ukraine, d’invoquer l’histoire longue de la Russie puis la « grande guerre patriotique » menée par Staline, et sa volonté de « défendre le peuple russe ». Oubliant de son côté les responsabilités des Etats-Unis dans la guerre en Ukraine, Trump a décidé de mettre tout le poids de l’Amérique au Proche Orient en attendant sa grande confrontation avec la Chine. L’action conjointe de ces deux dirigeants qu’on présente comme nationalistes mène par le fardeau qu’on impose aux Européens à hâter la construction de l’UE. Trump et Poutine apportent ainsi leur pierre à l’élaboration du gouvernement mondial. C’est pour nous l’occasion de reposer certaines questions : pourquoi les Occidentaux ont-ils renoncé aux accords de Minsk ? Pourquoi Poutine a-t-il ordonné une « opération spéciale » qui l’a mené à 17 kilomètres de Kiev sans y parvenir ? Pourquoi l’Europe pratique-t-elle une politique de sanctions économiques qui la ruine et jette la Russie dans les bras de la Chine ? Qui a saboté Nord Stream ? Qui a eu intérêt à réduire les échanges commerciaux importants et croissants entre l’Europe et la Russie ? Toutes convergent vers une seule : à quoi sert cette guerre en Ukraine ?

 

La peur de la guerre nucléaire plus forte que la faim et l’invasion

En dehors des objectifs particuliers que croyaient pouvoir atteindre les belligérants et leurs alliés (Vladimir Poutine, avec son discours sur la « nouvelle Russe » de 2014, est l’exemple le plus éclatant de ces illusions), une hypothèse intéressante ferait de la guerre d’Ukraine une expérience pédagogique dans la révolution mondialiste en cours. Celle-ci utilise on le sait les grandes causes systémiques transpartisanes qui servent de substituts à la guerre (climat, covid, bataille du genre, antiracisme, etc.) pour faire avancer la morale et le droit qui doivent amener la gouvernance mondiale. Avec le spectacle d’une guerre insupportable en Ukraine, le mondialisme subversif ambitionne de dégoûter à tout jamais l’humanité de la guerre. Tout en offrant aux militaires et aux marchands d’armes un champ d’expérimentation d’armes et de tactiques, comparable à la guerre d’Espagne en son temps, la révolution mondialiste promeut une pédagogie anti-guerre. L’Ukraine sensibilise au plus haut point les pays développés, qui finissaient par se croire hors de danger, hors de l’histoire. La peur qu’ils éprouvent aujourd’hui les disposera à mieux accepter les nécessaires bouleversements de la révolution mondialiste. La baisse du pouvoir d’achat et les désagréments divers du multiculturel paraissent presque agréables face à l’apocalypse nucléaire.

 

Trump, Poutine, Macron, l’UE complices ennemis

Trump et François Fillon ont beau estimer, à tort ou à raison, que la principale menace n’est pas la Russie, mais l’islamisme terroriste, la peur de la guerre est en tout cas redevenue primordiale. En cela Trump marque une nouvelle étape de la révolution arc-en-ciel tout en restant cohérent avec lui-même : puisqu’il dissipe les grandes illusions du covid, du genre et du climat, il fallait bien qu’il contribue à réactiver la peur systémique la plus traditionnelle et la plus anciennement ancrée dans la tradition humaine, la peur de la guerre. Dans ce spectacle, le jeu d’acteur de Poutine fait merveille. Avec son passé au FSB, son éloge permanent de la grande guerre patriotique, ses statues aux grands ancêtres de la Tchéka et son air rechigné, il n’a pas de mal à incarner le méchant illibéral. Et les menaces nucléaires qu’il agite périodiquement comme le lépreux fait de sa crécelle ravivent la peur dans le monde, donc la solidarité terrienne et la haine de toute guerre qui doivent hâter la gouvernance mondiale. Car c’est elle qu’il s’agit de hâter par la peur de la guerre que nourrissent aussi bien l’UE, qu’Emmanuel Macron, Vladimir Poutine et Donald Trump.

 

Pauline Mille