Dans la foulée du discours de François Hollande, lundi, devant le Congrès, Manuel Valls a lancé mardi à l’Assemblée nationale un appel à la cohérence, qui, dans son esprit, revient à voter la réforme de la Constitution que prépare le gouvernement à la suite des attentats de Paris. En s’exprimant ainsi, le premier ministre opère une confusion entre l’idée d’union nationale et un soutien inconditionnel apporté à son gouvernement.
En voulant réformer la Constitution française, François Hollande et son équipe entendent y inscrire un élargissement de la déchéance de nationalité aux binationaux nés français, ainsi que de nouvelles mesures pour le retour en France de terroristes combattant à l’étranger. La gauche, semble-t-il, n’a pas vu qu’elle pose là un principe qui demande de revoir entière la question du droit du sol…
Le premier ministre confond union nationale et soutien inconditionnel au gouvernement
« Soit vous êtes d’accord et vous votez cette réforme constitutionnelle, soit vous ne le faites pas et vous n’êtes pas cohérents », a cependant lancé Manuel Valls aux représentants de l’opposition.
Mais n’y a-t-il pas une incohérence bien plus réelle à prétendre parler de déchéance de la nationalité quand on estime contraire aux valeurs de notre pays la question du député Républicains Philippe Meunier de mandant de « rendre plus restrictives les conditions d’accessions à la nationalité française » ? Décidément, les valeurs du pays légal ne sont plus celles du pays réel…
Et, quoi qu’il en soit, c’est tout de même un peu plus compliqué que ne le prétend le premier ministre. D’abord, parce que l’union nationale ne saurait consister en un blanc-seing donné à un gouvernement, quel qu’il soit.
Ensuite, parce que vouloir inscrire ce qu’ils appellent un « régime civil d’état de crise » dans la Constitution, c’est interroger nos prédécesseurs sur leur capacité à édicter une loi générale efficace, mais aussi poser la question de la compétence des représentants actuels de l’autorité.
Enfin, parce que, si la Constitution doit être la loi fondamentale de notre pays, elle ne saurait être amendée en permanence au gré des changements de majorité, quelles que soient les raisons invoquées, quels que soient les motifs même valables. Ce serait sinon donner un pouvoir absolu à toute nouvelle majorité incapable de gouverner sans graver ses idées dans le marbre de nos institutions.
Manuel Valls ne peut contraindre la droite à être caution de la gauche
« Soyons des patriotes rassemblés pour abattre le terrorisme », a encore affirmé Manuel Valls. Le premier ministre ne comprendrait sans doute pas que, pour un nombre non négligeable de Français, les « patriotes », c’est encore une histoire de sang français répandu, une sorte de terrorisme.
On comprend dès lors les réactions de la droite. Le député Républicains du Nord Sébastien Huyghe note ainsi que « les envolées lyriques de Manuel Valls dans le contexte que nous connaissons sont dérisoires et relèvent de la manipulation ». Quant à Laurent Wauquiez, il souligne avec justesse que « nous ne serons pas jugés sur de grands discours, mais sur nos actions ».
Ce qui est clair, c’est que, en s’exprimant ainsi, la gauche veut institutionnaliser le principe que la droite est responsable de ses échecs, et se dédouaner, encore et toujours, de ses responsabilités.