Manuel Valls est monté au créneau, à l’Assemblée nationale, pour défendre le projet de loi sur le renseignement. Une volonté affichée du premier ministre de s’en prendre à un « fantasme », alors qu’il s’agit, affirme-t-il, d’un « projet juridique et démocratique majeur ».
De fait, il s’agit là d’une démarche exceptionnelle de la part d’un chef de gouvernement. « Je le fais, affirme Manuel Valls, pour souligner l’importance de ce projet de loi. »
Il le fait surtout sans risque, parce que, l’essentiel de la contestation se fait en-dehors de l’Assemblée, où elle n’est pas représentée. Au sein de l’hémicycle, en effet, l’opposition de droite apporte grosso modo son soutien à la majorité de gauche.
Pour autant, il n’y a personne… ou presque. Le premier ministre s’exprime devant seulement une vingtaine de députés, de tous bords confondus. Il est vrai que l’UMP, en ayant publiquement annoncé son ralliement au texte, a supprimé tout risque de débat, tout intérêt à la séance. Au point que l’on se demande ce qui a pu pousser Manuel Valls à choisir cette tribune pour s’exprimer sur le sujet…
Contre qui Manuel Valls défend-il son projet de loi ?
De fait, le premier ministre salue « le comportement de l’opposition ». C’est aux associations des droits de l’homme ou à la presse que, sans toutefois les nommer, il envoie ses piques. « Nous n’esquivons pas le débat. Il est faux de parler de “Patriot Act” ou de loi dangereuse », lance-t-il en dénonçant « les fantasmes, les attentes disproportionnées, les critiques sévères », etc. Au contraire, ce projet de loi, affirme-t-il, constitue « un progrès important pour nos services et notre démocratie. Cette loi donne des garanties concrètes à nos compatriotes telles qu’ils n’en ont jamais eu en matière de renseignement ».
Baste ! C’est tout de même esquiver le débat que de le porter là où il ne se trouve pas…
Valls transfiguré en habit de lumière
Bernard Cazeneuve renchérit. « Il n’y a pas de surveillance de masse de la part des services français », affirme le ministre de l’Intérieur.
Vrai ? Alors, s’il n’y a ni réel problème, ni réelle opposition, pourquoi revêtir l’habit de lumière et entrer dans l’arène ?
Le renseignement n’est pas un fantasme…
En réalité, en évoquant le fantasme, on évite de répondre aux seules questions qui se posent vraiment. Or, comme le souligne le centriste Hervé Morin, « la démocratie, c’est attribuer à des pouvoirs des contre-pouvoirs aussi forts, seuls remparts contre l’arbitraire ». Et, comme le souligne Marion Maréchal-Le Pen : « Tout est prévu dans ce texte pour basculer du renseignement criminel au renseignement politique. (…) Je ne peux voter en l’état car je ne peux expliquer aux Français que leur sécurité se fera au détriment de leurs libertés. »
De fait, comme dans la question de l’argent déposé sur des comptes bancaires, il semble bien que l’Etat, au nom de la défense du pays contre la guerre et le terrorisme, veuille s’arroger des pouvoirs dont on voit mal le rapport avec ce qu’on entend habituellement par démocratie. A moins d’admettre que la défense de la démocratie, aujourd’hui, ce ne soit plus que celle d’idées, et que les citoyens n’aient plus grand chose à y voir…