Il ne s’agit plus d’accommodements raisonnables mais de capitulation en rase campagne. Au Royaume-Uni le parquet général s’abstient de poursuivre les affaires de mariages forcés, craignant à l’évidence des réactions de violence dans la « communauté asiatique », massivement pakistanaise et musulmane outre-Manche. Le scandale est révélé par un commissaire de Scotland Yard, Pal Singh, qui s’est exprimé coiffé d’un grand turban sikh. Il est repris par toute la presse britannique, du conservateur Daily Telegraph au populaire Daily Mail. Il est rarissime qu’un cadre de la police s’en prenne au parquet général même si ce dernier est soumis à une pluie de critiques depuis quelques temps, au sujet de ses poursuites dans des cas de pédophilie, de viols et pour une série de procédures avortées contre des journalistes.
Ignorer les crimes d’honneur pour ne pas déplaire aux « quartiers »
Le commissaire Singh dénonce une « apathie » manifeste de la part du parquet, alors que le nombre de dénonciations de mariages forcés est en croissance exponentielle. « Les victimes se voient privées de leur droit à la justice, c’est pourquoi j’ai décidé de m’exprimer publiquement », a-t-il déclaré en introduction.
Pal Singh explique : « Il est clair que le parquet général freine des quatre fers pour ne pas instruire les cas de femmes asiatiques victimes de crimes d’honneur. Des inculpations pourraient entraîner des réactions dans les quartiers des communautés concernées. Or, quand les magistrats abandonnent une poursuite, ils savent que la plupart des autres victimes renonceront à porter plainte en raison de leur vulnérabilité ».
Pas de mariage forcé, juste de la violence en groupe…
Le commissaire Singh s’est résolu à parler quand la justice a renoncé à poursuivre dans l’affaire d’une jeune femme de 27 ans dont le frère et les parents étaient suspectés de violence et séquestration pour la forcer à se marier alors qu’elle entretenait déjà une autre relation. Son partenaire a été menacé de violences. Bien que les brutalités aient été confirmées par un témoin indépendant de la famille, l’affaire a été partiellement classée. Le « courageux » magistrat instruisant l’affaire a écarté le principal chef d’inculpation, celui de mariage forcé.
Toute honte bue, le chef du parquet général a écrit une lettre d’excuses au commissaire : « J’accepte de reconnaître que mon service a pris la décision de ne pas poursuivre pour mariage forcé sans vous consulter, et je vous prie de m’en excuser ». Il souligne toutefois que les charges de séquestration et violences en groupe sont maintenues. Ultérieurement, les magistrats se sont défendus en affirmant qu’ils ne détenaient pas suffisamment de preuves car la police n’avait pas pu localiser la victime, qui a fui sa famille, même si le commissaire Singh avait assuré que la victime était prête à se présenter devant une cour.
1,2 millions de musulmans pakistanais, 450.000 bengladeshis
Si l’affaire avait complètement été instruite à charge, elle eût constitué le premier cas de poursuite de ce type en Angleterre. Un cas avait abouti à une procédure, l’an dernier, mais en Ecosse. Ceci est assez effarant vu le nombre potentiel de mariages forcés dans un pays qui compte une communauté pakistanaise – essentiellement musulmane – évaluée au minimum à 1,2 million de personnes, presque autant que la communauté indienne qui comporte une minorité musulmane, et une communauté bengladeshie de 450.000 personnes, elles aussi massivement musulmane. « La ville de Bradford (478.000 habitants, NDLR) n’est plus une ville anglaise mais une cité entièrement islamisée », témoigne l’écrivain Pascal Bruckner dans Le Figaro de ce 8 novembre. Le Royaume-Uni compte 63 millions d’habitants.
Jasvinder Sanghera, directrice de Karma Nirvana, organisation non-gouvernementale d’assistance aux victimes de mariages forcés a qualifié le contenu du dossier qui fait scandale « d’effroyable » : « Je suis consternée de voir que le commissaire a enquêté comme il fallait, pour voir ensuite classer l’affaire ».
Les cas de mariages forcés en forte croissance et pourtant sous-estimés
En 2015, l’inspection générale de la police britannique a publié un rapport sur les enquêtes concernant les crimes d’honneur, les mariages forcés et les mutilations génitales, rappelle le Daily Telegraph. Il a établi que seulement trois des 43 corps de police du Royaume-Uni étaient formés pour lutter contre ce type de délinquance. D’après des chiffres publiés en septembre, le nombre de cas de mariages forcés transmis au parquet par la police a crû de 10 % en un an et presque doublé en cinq ans, de 46 à 90 cas. Et encore, les enquêteurs estiment que ces chiffres sous-estiment largement la réalité, un grand nombre de victimes n’osant pas porter plainte.