La masculinité toxique, de Metoo à Crépol : la subversion par le choix des facteurs du crime

 

Dès son premier stage, un auxiliaire de police de la route sait qu’un accident est le produit de plusieurs facteurs : la vitesse, l’alcool, les stupéfiants, l’état de la route et du véhicule en sont quelques-uns souvent impliqués. Mais on entraîne l’opinion publique, quand il s’agit des phénomènes sociaux, à les attribuer à un seul facteur. Aujourd’hui travaillée par des médias orientés, elle subit une véritable subversion de sa perception de l’actualité, qui lui fait tenir pour déterminant, dans l’éventails des facteurs possibles d’un crime, la masculinité, forcément toxique. On a pu le voir à l’occasion de faits divers retentissants, comme l’affaire Weinstein qui a déclenché Metoo, le viol de Gisèle Pélicot ou le meurtre du jeune Thomas à Crépol, sur lequel vient de paraître un livre de Jean-Michel Décugis, Marc Leplongeon et Pauline Guéna qui fait quelque bruit, Une nuit en France, Anatomie du fait divers qui a déchiré le pays. Le choix du « bon » facteur du crime renforce le choix du fait divers que les grands médias montent en épingle, et donne une grande puissance de feu à la subversion. Ils présentent comme une évidence le message suivant : c’est la masculinité, toxique, qui est le principal facteur des crimes sociaux. Et masquent l’importance d’autres facteurs. Par exemple, l’immigration ou le déclin des cadres moraux.

 

Metoo, ou le libre choix des starlettes de coucher pour arriver

En 2017, Harvey Weinstein, producteur indépendant de bons films, de gauche, soutien du couple Clinton, est tombé de son piédestal quand on apprit qu’il s’était servi de sa position pour coucher avec des femmes, dont beaucoup d’actrices. Cela a lancé autour du monde la chaîne de délation vertueuse Metoo, censée « libérer la parole », dont la version française fut au début « Balance ton porc ». Interrogé voilà quelques jours à ce sujet par le Sénat, Dominique Besnehard, agent qui s’occupe de la promotion des acteurs et joue un peu lui-même, a estimé que plusieurs des « victimes » que l’on plaint sont aussi complices, au théâtre comme au cinéma : « On ne va pas dans un hôtel avec un metteur en scène. Excusez-moi, Weinstein qui allait à Cannes, certaines actrices allaient dans sa chambre pour peut-être faire une carrière américaine. Je l’ai vu, ça ! » Cet homosexuel de gauche révèle un secret de polichinelle : dans le spectacle, certaines couchent pour faire carrière. Plusieurs victimes du « prédateur » Weinstein n’étaient pas des oies blanches, elles se sont servies de leur corps pour arriver. La masculinité a sa part de responsabilité, sans désir masculin, pas de prostitution. Mais c’est le système de prostitution de Hollywood qui est la cause principale du crime. Et le témoignage de Besnehard rappelle que les metteurs en scène exercent eux aussi un attrait – ou elles aussi, car il y a des prédatrices qui détiennent la clef des rêves.

 

Pélicot : quel est le facteur déterminant du crime ?

Le cas Gisèle Pélicot a fait couler des flots d’encre, de salive, d’émotion, tant authentique que forcée ou frelatée, de morale. Tout le monde a encore en tête cette affaire constamment sordide : pendant dix ans, le mari, Dominique, a racolé des inconnus pour coucher avec sa femme endormie. On a érigé la victime en modèle de la fierté des femmes et certains l’ont proposée pour le prix Nobel de la Paix. Tout cela m’échappe un peu, mais dans le fatras mondial de commentaires apparaît un thème : « monsieur tout le monde » a « violé » cette femme en jugeant cela normal. Suivez mon regard, c’est la masculinité ordinaire qui est forcément toxique, et c’est le patriarcat qui a commis le crime. Or, sans vouloir entrer dans le détail de l’affaire, cette présentation est radicalement, évidemment, fausse. Je l’ai relevé ici même à plusieurs reprises, Dominique, le mari, principal instigateur du crime, a un profil d’instable particulier et a subi dans sa jeunesse de graves violences sexuelles. En outre, une grosse proportion des co-accusés a eu affaire à la justice avant ces faits pour des actes graves, notamment de violences conjugales.

 

Le crime du toxique M. Desbordes, confrère progressiste

Le coupable du crime n’est donc pas l’homme ordinaire, mais un groupuscule de détraqués. Et si l’on entre dans les témoignages, leur détraquement est lié d’une part à des agressions subies, mais aussi, pour beaucoup, à la pornographie, à l’échangisme, au libertinage : c’est-à-dire, ni à la masculinité, ni au patriarcat, mais à l’effacement des bornes morales naguère imposées par le patriarcat, et aux piments inventés pour ranimer une masculinité avachie. Bien sûr, ici, le choix du facteur déterminant du crime (la fameuse masculinité) s’articule sur le choix du fait divers promu par les médias. Ceux-ci ont peu parlé, par exemple, de l’affaire Desbordes, pourtant jugée à peu près en même temps que Pélicot : l’homme avait violé et torturé pendant deux ans les trois filles de sa compagne, âgées de 9, 14 et 16 ans. Deux raisons expliquent cette discrétion : le coupable était un ancien journaliste progressiste (Radio France, Actuel, Le Canard, Libé, Charlie, Le vrai journal) diplôme de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, et surtout sa compagne était complice. La masculinité patriarcale ne pouvait pas être seule en cause.

 

Féminicide ? Bon choix ! Blancocide ? Mauvais choix !

Puisqu’il s’agissait, dans l’affaire Pélicot, de viols présumés nombreux, perpétrés sur plusieurs années, il aurait pu venir spontanément à l’esprit des journalistes de les comparer aux viols répétés, souvent avec violence et parfois suivis de meurtre, liés à l’immigration. Ou, par son caractère massif et symbolique, à la véritable chasse à l’Allemande de souche, sur le modèle de l’enlèvement des Sabines, qui eut lieu à Cologne lors de la nuit de la Saint Sylvestre 2015. Mais cela n’eut pas lieu. Pourquoi ? L’objectif étant la subversion des sociétés européennes, il fallait à la fois masquer le véritable facteur déterminant (à Cologne, c’était sans conteste « l’altérité culturelle » des assaillants, qui fait de toute femelle passant à portée une proie), et imposer un facteur déterminant de remplacement. Le choix s’est porté sur celui qui divise les sociétés-cibles, la masculinité. On retrouve ce même choix dans le vocabulaire censé décrire l’intention des meurtres. La subversion recommande le mot « féminicide », affirmant qu’un être humain a été tué parce qu’il était femme, mais elle interdit formellement le mot « francocide » (il est impensable qu’un Français soit tué en tant que tel), et plus encore « blancocide ».

 

Crépol, drame de la masculinité ?

Voilà pourquoi Jean-Michel Décugis a co-écrit, avec la prof d’histoire Pauline Guéna et le journaliste Deplongeon, avec qui il travaille depuis qu’ils se sont rencontrés au Point, un livre dont la fonction est de démontrer qu’à Crépol, le meurtre du jeune Thomas en novembre 2023 n’a rien à voir avec l’immigration ni le racisme anti-blanc. Décugis est à l’investigation, Deplongeon à la rédaction, Pauline Guéna au scénario et à la réflexion. Pour les trois auteurs, abondamment invités sur les médias du service public, à partir d’un simple « fait divers », un « emballement médiatico-politico-judiciaire », inspiré par l’extrême-droite, a « profondément divisé le pays ». Décugis affirme : « Nous, ce qui nous a intéressé, c’est de démonter cette mécanique infernale qui fait que l’on veut, par la couleur de peau, expliquer un fait divers. » Plongeon explique, à propos des « jeunes » assaillants : « Ils ne sont pas venus à Crépol au bal avec des couteaux pour agresser des gens, ils sont venus et ils avaient des couteaux sur eux parce qu’ils portent toujours des couteaux sur eux. C’est très différent. » Enfin, c’est à Pauline Guéna que l’on doit l’explication ultime : ce drame d’un bal du samedi soir est une manifestation de la « masculinité ».

 

La subversion du récit par un pro des fake news

Dans sa rafraîchissante naïveté, Deplongeon a relevé un élément important : les agresseurs de Crépol portent en permanence un couteau sur eux, et ce n’est ni pour couper le saucisson ni pour tailler des baguettes de coudrier, c’est une arme. Une arme qu’on tire de sa poche dans les bagarres qu’on provoque, à la fois parce que l’on craint d’avoir le dessous face à des joueurs de rugby (ce que suggère une écoute) et parce qu’on n’aime pas les gens qu’on attaque (ce que neuf témoignages convergents établissent). Thomas Perotto n’a pas été tué de coups portés en désordre pour se dégager, mais de deux attaques au couteau précises et mortelles chacune : à la gorge et au cœur. La vraie question de l’enquête, qui piétine depuis un an et demi, alors que, selon la rumeur générale « tout le monde sait » sur place qui est le meurtrier est : pourquoi la justice avait-elle mis de côté ces neuf témoignages ? Jean-Michel Décugis, qui se veut « grand reporter », aurait pu la poser dans le livre qu’il a cornaqué. Mais ce vieux cheval de retour du journalisme a sensation (il a commencé au Figaro et publié en 1995 son premier livre en collaboration) est plus connu pour son imagination que pour son ardeur critique. En 2010, trompé par son fixeur, il invente de toutes pièces une Malienne polygame de Montfermeil qu’il prétend avoir interviewée. Deux ans plus tard il lance la piste néonazie dans l’affaire Merah. En octobre 2019, il en est sûr, il l’écrit en exclusivité pour le journal, Xavier Dupont de Ligonnès vient d’être arrêté ! Depuis, il continue. En prime, il a été condamné pour diffamation.

 

Une masculinité toxique, forcément toxique

Voilà. Rien de sérieux du côté de l’information. Rien de sérieux du côté de l’analyse. Mais du sérieux du côté de la subversion. Les amitiés et les tendances idéologiques d’un Décugis sont constantes, au-delà de son goût démesuré pour « l’enquête » vite emballée qui vise à faire le plus de bruit possible : elles transparaissent dans l’affaire Mehra, l’affaire Nahel Merzouk, l’affaire Rédoine Faïd, ou les attaques violentes contre Eric Zemmour et Sarah Knaffo. Ce dont il convenait de convaincre le bon peuple, dans le meurtre de Crépol, comme dans les viols de Cologne, c’est que l’immigration est hors de cause, et qu’il n’y a jamais qu’un coupable, comme dans le soirées sordides de Monsieur Pélicot et dans le long cortège des abus sexuels en tout genre que les féministes dénoncent à leur manière depuis les frasques d’Harvey Weinstein sur Metoo : le mâle blanc patriarcal, la masculinité toxique, forcément toxique, comme aurait pu l’écrire Marguerite Duras.

 

Pauline Mille