Le 5 août dernier, à l’occasion de la fête de la Dédicace de Sainte-Marie-Majeure à Rome et de Sainte-Marie des Neiges, le sanctuaire Notre-Dame de Guadalupe fondé par le cardinal Raymond Burke dans le Wisconsin a accueilli Mgr Salvatore Cordileone, archevêque de San Francisco, pour la célébration d’une grand-messe pontificale dans le rite tridentin. En cette occasion si solennelle, la liturgie traditionnelle était accompagnée de la composition de musique sacrée contemporaine, la Mass of the Americas de Frank La Rocca, compositeur résident du Benedict XVI Institute for Sacred Music and Divine Worship fondé par Mgr Cordileone pour le renouveau de l’art sacré.
Cette « Messe des Amériques » est particulièrement marquée par l’approche mariale, alternant grégorien classique et mélodies traditionnelles populaires mexicaines en l’honneur de la Vierge de Guadalupe, patronne du Mexique et de toutes les Amériques. Certaines pièces sont chantées en nahuatl, la langue dans laquelle Notre Dame, jeune fille enceinte, s’est adressée à saint Juan Diego, drapée de soleil, la lune sous ses pieds, en 1531, marquant le début d’une vague de conversions sans précédent.
La Mass of the Americas illustre le rite traditionnel célébré par Mgr Cordileone
Frank La Rocca a voulu que cette musique soit « moderne mais compréhensible, classique sans être archaïque », et toujours au service de la foi et de la beauté liturgique, en intégrant ce que la culture catholique populaire a de plus admirable dans une liturgie totalement traditionnelle.
Il y avait donc une profonde logique à ce que cette messe soit célébrée – en présence du cardinal Burke qui a prononcé l’homélie – selon le rite qui était aussi celui des premiers missionnaires aux Amériques, dans un sanctuaire dédié à Marie à qui Dieu a concédé la « toute-puissance d’intercession », sous le vocable de Notre Dame de Guadalupe… D’autant que le sanctuaire du Wisconsin est affilié à la fois à sa basilique à Mexico et à la basilique de Sainte-Marie-Majeure à Rome, la plus vieille église dédiée à la Vierge en Occident.
On peut revivre cette messe ici en ligne.
Nous vous proposons ci-dessous la traduction intégrale, par nos soins, de l’homélie prononcée à cette occasion par le cardinal Burke. – J.S.
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Sermon du cardinal Burke à l’occasion de la messe au sanctuaire N.D. de Guadalupe le 5 août
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
Nous adorons Dieu aujourd’hui en rendant hommage au mystère de la maternité divine de la Bienheureuse Vierge Marie, ce mystère qui fut la source d’inspiration pour la construction et la dédicace de la basilique papale Sainte-Marie-Majeure. La beauté et la solennité de notre culte sont particulièrement rehaussées par la présence de Son Eminence Salvatore Joseph Cordileone, archevêque de San Francisco, qui célèbre le Saint Sacrifice de la Messe, et par le chant de la Messe des Amériques, première composition commandée par l’Institut Benoît XVI pour la musique sacrée et le culte divin. L’Institut Benoît XVI a été fondé par Mgr Cordileone en 2018 afin d’attirer les hommes vers Dieu, source de toute beauté, en utilisant ce qu’il y a de plus beau dans l’art pour enseigner la vérité et l’amour divins et, surtout, pour célébrer le culte divin.
Le très estimé compositeur de la Messe des Amériques, Frank La Rocca, s’est inspiré de la riche tradition de la musique sacrée, à commencer par le chant grégorien, en passant par la polyphonie sacrée et les chants et hymnes populaires traditionnels, pour nous aider à élever nos esprits et nos cœurs vers Notre Seigneur qui, par le sacrifice eucharistique, unit le Ciel et la terre. La beauté de la Messe des Amériques nous aide à reconnaître Notre Seigneur descendant de son trône glorieux à la droite de Dieu le Père pour renouveler sacramentellement pour nous son sacrifice sur le Calvaire et nous nourrir du fruit incomparable de son sacrifice : véritablement sa chair, son sang, son âme et sa divinité. Dieu le Fils, qui a uni notre nature humaine à sa nature divine dans le sein de la Vierge Marie, continue d’accomplir le salut qu’Il a obtenu pour nous au Calvaire à travers notre vie en Lui, dans sa sainte Eglise, en particulier à travers l’union de notre cœur avec son Cœur glorieux et transpercé dans le Saint Sacrifice de la messe.
La Vierge Marie continue de nous donner Notre Seigneur à travers son Cœur douloureux et immaculé, mystiquement transpercé comme a été transpercé le Sacré-Cœur de Jésus lorsqu’Il est mort sur la Croix pour notre salut éternel. Selon les mots du bienheureux Ildefonso Schuster, « comme Marie, au pied de la Croix, s’est unie au Prêtre éternel pour offrir le sacrifice de la Rédemption au nom de l’humanité, de même, aujourd’hui encore, ses prières maternelles s’unissent à celles du prêtre et des fidèles devant le saint autel ». La beauté sublime de la forme ancienne du rite romain de la messe attire les hommes vers la Vierge Mère de Dieu, qui les conduit à donner leur cœur, uni à son Cœur immaculé, totalement et sans cesse, au Cœur glorieux et transpercé de Jésus.
La musique sacrée, et plus particulièrement la Messe des Amériques, est entièrement au service du rite de la messe afin d’unir les cœurs au Sacré-Cœur de Jésus et d’assurer le salut éternel des âmes. En accueillant Mgr Cordileone au sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe pour célébrer la messe pontificale en la fête de Notre-Dame des Neiges, embellie par la musique sacrée de la messe des Amériques, je le remercie ainsi que les généreux bienfaiteurs qui ont rendu possible la célébration d’aujourd’hui. Que Dieu vous récompense abondamment. Que Dieu bénisse le travail de l’Institut Benoît XVI pour la musique sacrée et le culte divin.
La célébration en ce jour de l’anniversaire de la dédicace de la basilique Notre-Dame-des-Neiges, plus connue aujourd’hui sous le nom de basilique Sainte-Marie-Majeure, située sur la colline de l’Esquilin à Rome, revêt une importance particulière pour le sanctuaire Notre-Dame-de-Guadalupe. Depuis le 26 mai 2011, l’église du sanctuaire bénéficie d’un lien spirituel d’affinité avec la basilique Sainte-Marie-Majeure, permettant aux pèlerins qui s’y rendent d’obtenir les bienfaits spirituels d’un pèlerinage à la basilique papale. Ce lien merveilleux est tout à fait opportun, car selon les mots de Dom Prosper Guéranger : « La basilique que Libère, aimé de Notre-Dame, eut la gloire d’élever sur l’Esquilin, ne fut donc pas le plus ancien monument dédié par les chrétiens de Rome à la Mère de Dieu ; la primauté qu’elle prit dès l’abord, et conserva entre les églises de la Ville et du monde consacrées à Marie, lui fut acquise par les circonstances aussi solennelles que prodigieuses de ses origines. »
Bâtie en l’honneur du mystère de la maternité divine de la Bienheureuse Vierge Marie, la basilique Sainte-Marie-Majeure est le lieu tout désigné pour abriter la crèche dans laquelle l’Enfant Jésus a reposé à sa naissance à Bethléem. D’où l’un des titres historiques de la basilique : Sainte-Marie-de-la-Crèche. Conscients du lien qui les unit à la basilique Sainte-Marie-Majeure, l’autel et le baldaquin de l’église du sanctuaire sont inspirés de ceux de la basilique papale. L’église du sanctuaire a également reçu la grâce d’abriter une relique de la crèche de notre Sauveur, qui est conservée et vénérée sous le maître-autel de la basilique papale.
L’épître et l’évangile nous éclairent sur la profonde signification de la maternité divine de la Bienheureuse Vierge Marie pour notre vie quotidienne. L’épître loue le Christ, Sagesse divine incarnée, Verbe divin, expression parfaite de l’ordre – vérité, beauté et bonté – établi par Dieu dans sa création, et surtout inscrit par Dieu dans le cœur de l’homme, seul être terrestre qu’Il a créé « à [son] image et à [sa] ressemblance » en insufflant dans ses narines « le souffle de vie ». Sa Mère toujours vierge, à qui a été accordé le privilège de participer par anticipation à la Rédemption qu’il allait obtenir pour l’homme par sa Passion et sa mort, participe d’une manière singulière à la Sagesse divine. Le bienheureux Ildefonso Schuster commente ainsi l’épître :
« Les louanges du Christ, Sagesse éternelle, s’appliquent également à celle qui l’a porté dans son sein et qui était le “siège de la sagesse”. C’est pourquoi Marie partage avec le Christ sa souveraineté sur les élus, c’est-à-dire le peuple chrétien, auquel elle distribue, en tant que reine, mère et avocate, les trésors de la Rédemption. »
La Vierge Marie, Mère de Dieu, est, en vertu de sa maternité divine, également la Mère de la grâce divine. Chaque jour, et à chaque instant de chaque jour, elle intercède avec le plus profond des amours maternels pour que le Cœur glorieux et transpercé de son divin Fils déverse en abondance la grâce divine dans nos cœurs.
Rappelons les paroles que Notre-Dame de Guadalupe a adressées à saint Juan Diego lors de sa première apparition, le 9 décembre 1531, et par lesquelles elle s’est identifiée, tant dans sa relation avec Dieu que dans sa relation avec les hommes :
« Sache et tiens pour certain, mon fils, le plus petit, que je suis la parfaite et toujours Vierge Marie, Mère du vrai Dieu, de Celui par qui tout vit, le Créateur des hommes, le Maître du voisinage immédiat et le Seigneur du Ciel et de la terre.
« Je désire très ardemment et c’est ma volonté, qu’en cet endroit, on me construise mon petit “teocalli” (maison de Dieu). Là, je Le montrerai, je L’exalterai, je Le donnerai aux hommes par la médiation de mon amour, de mon regard compatissant, de mon aide secourable, de mon salut.
« Car je suis vraiment honorée d’être la Mère de Miséricorde, la Mère de tous ceux qui vivent unis dans ce pays et de toute l’humanité, de tous ceux qui m’aiment, de tous ceux qui m’implorent et de tous ceux qui ont confiance en moi. Ici [dans ma maison sacrée] j’entendrai leurs pleurs et leurs douleurs et je soulagerai leurs souffrances, leurs besoins et leurs malheurs. »
En adorant Dieu en ce jour, en louant la maternité divine de la Bienheureuse Vierge Marie, soyons remplis de confiance en la promesse de Dieu qui nous assure de son aide indéfectible et de l’abondance de sa grâce divine, pour notre bonheur pendant notre pèlerinage terrestre et pour la plénitude du bonheur au terme de notre pèlerinage : la vie éternelle au Ciel. Même dans les moments les plus difficiles, dans les souffrances les plus cruelles, Notre Dame est avec nous, tout comme Dieu a laissé son image imprimée sur la tilma de saint Juan Diego pour nous, afin de nous attirer vers le Christ, d’unir nos souffrances à sa Passion et à sa Mort, de le suivre sur le chemin de la Croix qui seul est notre salut.
Dans l’Evangile, Notre Seigneur nous enseigne ce que notre louange de la maternité divine de sa Mère toujours vierge exige de nous au plus profond de notre être. Quand « une femme dans la foule éleva la voix » pour proclamer la béatitude de sa Mère, Il enseigna à la foule la source de sa béatitude telle qu’il souhaite qu’elle soit partagée par tous : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent. » Notre Dame nous attire à elle afin de nous conduire à son Divin Fils avec le conseil maternel qu’elle a donné aux serviteurs de table lors des noces de Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira. » La dévotion qui consiste à faire un pèlerinage dans un lieu saint à l’invitation de la Mère de Dieu confère non seulement la grâce d’une connaissance plus profonde de l’amour incommensurable et incessant de Dieu pour nous, mais aussi la grâce de convertir notre vie vers Lui. La Mère de la Divine Grâce nous conduit à la fois à connaître son Divin Fils et à vivre en Lui en donnant notre cœur totalement et pour toujours à son Cœur glorieux et transpercé, toujours prêt à nous accueillir.
Tandis que Notre Seigneur descend vers l’autel pour renouveler sacramentellement pour nous l’effusion de sa vie pour notre salut, unissons nos cœurs au Cœur très sacré de Jésus, sous la protection de la Vierge Marie, Mère de Dieu. Offrons-nous nous-mêmes avec Lui dans son sacrifice sur le Calvaire, rendu sacramentellement présent dans son sacrifice eucharistique. Ainsi, puissions-nous être bénis maintenant et pour l’éternité en écoutant sa Parole et en la gardant de tout notre cœur.
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Amen.
Raymond Leo Cardinal Burke