Un Mauritanien condamné à mort pour « apostasie »

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Au deuxième jour de son procès qui s’est tenu à Nouadhibou, ville du nord-ouest de la Mauritanie, et sa capitale économique, un Mauritanien musulman âgé de vingt-huit ans, Mohamed Cheikh Ould Mohamed, a été condamné, tard mercredi soir, à la peine de mort pour « apostasie ». Il s’agit du premier procès de ce genre depuis l’indépendance du pays en 1960.
 
En détention depuis le 2 janvier, l’accusé était poursuivi pour avoir écrit un texte dénoncé comme « blasphématoire », et portant atteinte au prophète Mahomet. Il a eu beau plaider « non coupable », en expliquant qu’il n’avait pas l’intention de critiquer le prophète, mais bien de défendre une composante sociale « mal considérée et maltraitée », la caste des forgerons – les « maalemines », situés au bas de l’échelle sociale – dont il est lui-même issu, il a été condamné à mort, et s’est évanoui à l’annonce de la sentence.
 

L’« apostasie » d’un Mauritanien

 
Mohamed Cheikh Ould Mohamed avait pourtant fait mieux encore, puisque, de source judiciaire, on affirme qu’il s’est repenti. Qu’importe ! Comme l’a souligné un juge, Mohamed Cheikh Ould Mohamed est coupable d’« avoir parlé avec légèreté du prophète Mahomet et d’avoir enfreint les ordres divins », en contestant certaines décisions prises par Mahomet et ses compagnons durant les guerres saintes, et en dénonçant « un ordre social inique hérité » de cette époque…
 
Tant pis si cela est bien flou ; tant pis si cet article n’a été publié que brièvement sur internet ; tant pis s’il se repent, comme l’ont souligné ses deux avocats (commis d’office, les autres n’ont pas osé) : selon le procureur, en effet, il existe d’autres textes attribués à Mohamed Cheikh Ould Mohamed, qui outre le fait qu’ils sont « plus graves » – plus graves que le blasphème ? –, ne laisse planer aucune équivoque sur la « mauvaise foi » du prévenu. Un jeune homme qui osait essayer de comprendre en quoi l’enseignement du prophète favorisait les inégalités !
 
Il convient de préciser, pour comprendre le cadre politique de ce procès, que, fin 2012, un mouvement s’est fait connaître à Nouakchott, la capitale de la Mauritanie, sous le nom d’« Initiative des forgerons », qui entendait lutter contre cette marginalisation sociale. Un mouvement dont les responsables demeurent aujourd’hui particulièrement silencieux…
 
Il est vrai que, depuis le jugement du tribunal, le chef du parti islamiste mauritanien – réputé « modéré », que serait-ce sinon ? –, le parti Tewassoul, a salué la condamnation du jeune musulman accusé d’apostasie. « C’est l’affaire d’un criminel qui a eu ce qu’il mérite », a ainsi estimé jeudi, devant la presse à Nouakchott, Jemil Ould Mansour. Dont acte… Et personne ne proteste. Mais il ne faut pas oublier que le parti Tewassoul est la première force de l’opposition parlementaire en Mauritanie…
 

Condamné à mort à plusieurs reprises…

 
Cela dit, Jemil Ould Mansour ne prend guère de risques, sachant que, en début d’année, se sont déroulées plusieurs manifestations de colère contre le « blasphémateur » satanique, qu’un « homme d’affaires » de la région avait même promis l’équivalent de 4.000 euros à qui l’assassinerait, et que l’annonce de sa condamnation a donné lieu à de bruyantes scènes de joie.
 
Il y a eu, cependant, des réactions contraires, telles celle de ce responsable d’une ONG mauritanienne, qui a critiqué une décision « injustifiée » contre des opinions personnelles, et a dénoncé une justice « aux ordres ». Mais c’est évidemment une goutte d’eau dans un déferlement de haine.
 

La question d’une exécution capitale

 
Reste à savoir la suite qui sera donnée à cette condamnation à mort. En effet, la peine de mort n’a plus été appliquée en Mauritanie, république islamique vivant selon la Charia, depuis 1987.
 
Quel est donc l’avenir réservé à Mohamed Cheikh Ould Mohamed ? Pour l’heure, il n’a été question d’aucune possibilité de recours. Et celle d’une grâce présidentielle paraît bien ténue. Le 10 janvier dernier, en effet, le président Mohamed Ould Abdel Aziz avait déclaré, pour calmer les manifestants qui se pressaient devant son palais : « La justice s’est saisie de cette affaire et elle fera son travail ; mais soyez certains que l’islam est au-dessus de tout, de la démocratie et de la liberté. »