On sait, depuis au moins Bismarck et la Dépêche d’Ems en 1870, que le pouvoir se sert de la presse pour pousser sa politique : le patron tout juste retraité de Médiapart, Edwy Plennel, fut utilisé ainsi par son ami Pierre Joxe, ministre de la police de François Mitterrand, pour abattre son collègue au gouvernement Charles Hernu, ministre l’armée, dans l’affaire du Rainbow Warrior en 1985. Mais Médipart s’est donné aujourd’hui une mission : de faire la police de tout ce qui peut paraître « d’extrême droite » dans le paysage politique français, et par le procédé du « name and shame », c’est-à-dire la délation vertueuse, de le chasser de partout, y compris du gouvernement et de ses conseillers. C’est ainsi que, moins de trois mois après sa nomination, un conseiller de la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot a dû démissionner, sous la menace : car Médiapart n’a même pas eu à publier son « enquête » : le malheureux est parti avant. Telle est la toute-puissance de la police politique d’une certaine presse.
La police de Médiapart fouille le passé du conseiller
Le monstre, Alexis Bétemps, avait pourtant été embauché en octobre 2023 pour rédiger des notes et des discours par un garçon au-dessus de tout soupçon, Olivier Véran : quand celui-ci quitta le poste de porte-parole du gouvernement en janvier, il « passa » son collaborateur à celle qui lui succédait, Prisca Thévenot, qui accepta sans vérifier son CV. Quelle erreur, aux yeux de Médiapart ! Jugez-en : ce Bétemps a écrit des tribunes dans Marianne ! Il était rédacteur en chef « philosophie » de la revue Philitt. Vous ne la connaissez pas ? Moi non plus, mais elle porte en couverture une citation de Charles Péguy sur le « grand cadavre » du « monde moderne », et le Monde y voit de « jeunes conservateurs décomplexés ». Diable !! Mais Médiapart a trouvé plus « embarrassant » : il a été chef d’édition de Russia Today France et été « attiré » par les idées d’Alain Soral et a « relayé des idées d’extrême droite ». Médiapart a interrogé Bétemps, qui a avoué mais assuré avoir « changé », puis Véran, puis Prisca Thévenot, et avant même que celle-ci n’ait officiellement répondu, Bétemps avait « spontanément » offert sa démission, immédiatement « acceptée ».
Le ministre et son prédécesseur regrettent la nomination
Olivier Véran a répondu dans une longue lettre qu’il n’« étai[t] absolument pas au courant du passé professionnel » de son conseiller, « ni des tweets qu’il avait pu liker », sinon il ne l’aurait « pas recruté, quand bien même aurait-il changé ». Prisca Thevenot pour sa part n’a réagi qu’après la publication de l’article : « Il ne fait plus partie du cabinet. J’ai signé son décret de sortie aujourd’hui. Je suis ulcérée. Je n’aurai jamais dû le reprendre du cab précédent. » Alexis Bétemps, lui, revendique avoir fréquenté « les milieux d’extrême droite et d’extrême gauche », et avoir nourri une « attirance » pour les idées d’Alain Soral, par positionnement « antisystème », « anti-UE », « anti-impérialisme », par intérêt pour « le discours anti-israélien » de l’essayiste et par « provocation ». Il assure que sa « connaissance des discours d’extrême droite et d’extrême gauche » a contribué à son embauche, que c’était un « atout », puisqu’il était « mobilisé sur ces questions d’argumentaires et de stratégie contre le RN, contre Zemmour ».
Un spécialiste de la radicalité conseille le gouvernement
De famille communiste, Alexis Bétemps, après un master de philosophie à l’université de Berlin et un cursus à Sciences Po-Paris fut conseiller en communication de Christophe Girard, maire PS du IVe arrondissement de Paris (2013-2014), puis collaborateur du sénateur PCF Pierre Laurent (2015-2017). Pour montrer à quel point son « attirance » pour Alain Soral l’avait changé, Médiapart est allé fouiller ses tweets sur plusieurs années. Et cette police de la pensée intime partagée sur les réseaux est fructueuse. Par exemple, sur une condamnation de Dieudonné, le 25 novembre 2015, cette appréciation : « C’est drôle comme la démocratie poussée à l’extrême ne ressemble plus du tout à la démocratie. » Pire, il a le front de noter « l’arrogance bourgeoise » d’un journaliste face à Nicolas Dupont-Aignan. Et de « liker » des tweets des Le Pen, Jean-Marie, Marine et Marion, de Florian Philippot ou SOS Chrétiens d’Orient ou d’Elisabeth Levy !
Médiapart délateur de la République
Le papier est très long et très fouillé. C’est minutieux, une enquête de police de la pensée. On ne doit rien oublier. Bien sûr, il y a de grosses erreurs, comme par exemple, lorsque Médiapart rapproche Limite, revue d’écologie intégrale fondée par de jeunes catholiques autour d’Eugénie Bastié, d’être proche de la Nouvelle Droite païenne d’Alain de Benoist. Mais dans l’ensemble la délation est assez bien documentée. On en retient deux choses. Un, la chasse à l’extrême droite, dont Médiapart s’est fait une spécialité, justifie une police minutieuse remontant sur plusieurs années. Deux, le gouvernement a si peur d’avoir touché la main du diable, fût-il tout petit, et eût-il changé, qu’il le démissionne immédiatement sans rien examiner. La Tchéka de la Macronie est toute-puissante.