Le meilleur apprenti menuisier de France en situation irrégulière reçu au… Sénat

Le meilleur apprenti menuisier de France en situation irrégulière reçu au… Sénat
Il est devenu, mercredi, le meilleur apprenti menuisier de France sous les ors du Sénat. Il est aussi en situation irrégulière. Armando Curri, un Albanais de 19 ans, a réussi, à force de travail, à obtenir cette distinction très prisée. D’un peu de chance aussi car il s’était, dans un premier temps, vu interdire l’accès au Sénat du fait de cette situation irrégulière qui avait même fait l’objet, en octobre dernier, d’une obligation de quitter le territoire français. La presse, bien sûr, s’est ruée sur le sujet…
 
Armando Curri est arrivé en France il y a trois ans, et bénéficiait du statut de mineur isolé – sa famille étant demeurée en Albanie – jusqu’à sa majorité. Inscrit en baccalauréat professionnel dans un lycée de l’agglomération roannaise, il se retrouve, à sa majorité, dans l’obligation de quitter le territoire. Armando Curri conteste la décision devant le tribunal administratif, et finalement la décision est abrogée, la veille de son passage au Sénat, par la préfecture qui lui délivre une autorisation provisoire de séjour de trois mois. Le temps pour lui, désormais, de faire valoir son mérite pour obtenir de rester en France.
 

Le meilleur apprenti menuisier de France au Sénat

 
Car, après s’être opposé à sa venue au Sénat, le président de l’institution, l’UMP Gérard Larcher, « a décidé, après en avoir informé le ministère de l’intérieur, de ne pas faire obstacle à l’accueil de ce jeune dans le cadre strict de la cérémonie organisée par la Société des meilleurs ouvriers de France (SMOF) » en évoquant une « réussite qui mérite d’être saluée ».
 
Un brin embarrassé tout de même, le brave Larcher, dont les services précisent : « Au plan des principes, le Sénat, institution de la République chargée d’élaborer la loi, se doit de la respecter. Au plan des réalités, l’apprentissage est une voie d’excellence que le Sénat ne cesse de promouvoir. »
 
Même discours chez le secrétaire d’Etat au commerce et à l’artisanat, Carole Delga : « L’apprentissage est une voie d’excellence et aussi une voie d’intégration. La République doit toujours donner sa chance à l’excellence, au mérite et à l’exemplarité. »

 

Le mérite ne vient pas de la situation irrégulière

 
Bien ! Très bien, sans doute. Même si ce n’a pas toujours été le cas. Fut un temps où le mérite n’était pas nécessairement reconnu par la République. Lavoisier ainsi a payé pour savoir que « la République n’a pas besoin de savants… »
 
On ne discutera donc pas le fait que, en prenant de la bouteille, la République s’assagisse un peu – même s’il y a encore bien du chemin à faire.
 
On ne discutera pas non plus le fait que la France reconnaisse le mérite.
 
Mais il y a dans la précipitation de certains de certains de nos confrères à monter l’affaire en épingle autre chose que la reconnaissance du mérite. Il s’agit bien plutôt de montrer que la loi sur la situation irrégulière n’est pas si bonne chose que cela, et, partant, qu’on devrait sans doute laisser leur chance à tous les sans-papiers qui se précipitent chez nous.
 
Eh bien non ! L’on peut fort bien concevoir qu’une distinction particulière dans le travail – comme dans les sciences ou les arts – mérite une reconnaissance particulière. Mais ce ne sera jamais qu’au cas par cas. En faire un système serait détruire l’idée même du mérite…