Commentant le succès actuel de Mélenchon, les médias en font un populiste, ce qu’il dit « assumer ». C’est une imposture : il s’agit d’un démagogue de la gauche cosmopolite, un altermondialiste qui menace de transposer Syriza en France.
C’est une histoire à dormir la nuit debout. Mélenchon, l’un des plus vieux chevaux de retour de l’extrême gauche, s’est fait un masque de représentant de l’humanité souffrante et du bon sens réunis, recherchant dans le peuple l’énergie nécessaire à vaincre les puissances néfastes de la fortune anonyme et vagabonde. Un homme, un vrai, face au système. Et ça marche. Les médias se pâment. Les foules se pressent. Les sondages frémissent. L’homme sera-t-il au deuxième tour ? Fera-t-il rempart à la France de son corps pour la protéger de la louve Le Pen ?
Mélenchon, vieil apparatchik d’extrême gauche
Pourtant, c’est du vent, son CV le dit. D’abord, Mélenchon est l’apparatchik type. Il a commencé tout petit, à l’UNEF. Il a vaguement travaillé entre 1975 et 1978 comme prof, typographe, et un peu journaliste, mais dans un journal de parti. Puis, après une jeunesse trotskiste à l’OCI (organisation communiste internationale) lambertiste, il s’est accroché dans l’Essonne à Claude Germon pour construire une honnête carrière de tribun de gauche au PS, qu’il a quitté au bon moment pour lancer le Front de gauche avec Marie George Buffet, le coelacanthe du PCF. Il est copain avec Bové, Besancenot, Julien Dray, Harlem Désir, avec qui il a écrit un bouquin, bref, l’éternel gratin de la gauche de la gauche cosmopolite. La seule chose qu’il nous épargne, c’est d’avoir été énarque et ministre de François Hollande.
Syriza, le communisme cosmopolite maquillé en populisme
Ce parcours et ses amitiés rappellent étonnamment ceux du Grec Tsipras et de son mouvement Syriza, qui est l’abréviation de synapismos rizopastikis Aristera, ce qui ne veut pas dire sinapisme de rizotto aristocratique mais coalition de la gauche radicale, exactement comme la France insoumise de Mélenchon. Cette coalition est la fille de celle qu’avait lancée en 1989 pour se recycler le KKE, le parti communiste grec.
Un même internationalisme communiste anime Mélenchon et Tsipras. Tous deux approuve l’immigration massive. Tous deux dénoncent le capitalisme et les banques. Tous deux sont flous sur l’Europe de Bruxelles. Tsipras a pris des postures agressives contre elle pour parvenir au pouvoir, mais a fini par se coucher devant la commission, ce qui correspond à ses convictions profondes, puisqu’il avait publié dès 2012 un papier pro-euro dans Die Zeit. Mélenchon quant à lui fait des phrases mais a voté le traité de Maastricht. En somme, ce qu’il propose, c’est de transplanter Syriza en France.
Le démagogue réhabilite les vieilleries marxistes en France
Jusqu’ici, personne n’avait réussi l’adaptation de Syriza en France, pas même Stephen Hessel qui s’y était essayé avec ses Indignés, car le nom Le Pen tient en France le créneau populiste, ayant séduit le petit peuple par son discours sur l’immigration, bien avant que Marine n’ait donné un coup de barre à gauche. On peut d’ailleurs penser que ce coup de barre à gauche explique la stagnation du Front national quand le mouvement populiste progresse dans le monde entier : d’abord parce qu’il effraie la frange de la droite qui pourrait le rejoindre, ensuite parce qu’il réhabilite dans le débat public les vieilles explications et revendications ringardes héritées du vingtième siècle.
La dérive à gauche du FN crédibilise Mélenchon
Voilà le maximalisme du démagogue Mélenchon en quelque sorte justifié, un peu comme Sarkozy avait apporté de l’eau au moulin du FN en reprenant son vocabulaire. Avec l’effondrement du PS et la baisse de la droite modérée, la gauchisation du FN est l’une des raisons du succès de Mélenchon : là aussi le parallèle avec la Grèce est parlant.
La dernière des raisons du succès de Mélenchon est son talent. Tout le monde se répète ses mots, savoure ses meetings, depuis qu’il a, seul des grands candidats, surnagé dans les débats télévisés à cinq ou à onze. Or si c’est un talent, c’est un talent de révolutionnaire. Je l’ai déjà dit : les débats sont de petites AG qui profitent aux apparatchiks bien formés. Manipuler une petite foule est un boulot de technicien. Ils savent faire à l’extrême gauche. Fillon et Marine Le Pen sont des enfants de chœur.
Mélenchon, Macron, deux masques d’une France cosmopolite
Mélenchon réussit à nous faire rire, comme Marchais naguère. On en oubliait que le secrétaire général du PCF était l’héritier moral de Beria, Béla Kuhn et quelques autres. De même doit-on se rappeler que Mélenchon est le représentant du mondialisme altermondialiste. On ne doit pas s’étonner que les médias et sondages qui sont la propriété de riches amis de Macron lui fassent les yeux doux. Les deux adversaires sont les deux faces d’un même Janus, la face golden boy mondialiste, la face humaniste altermondialiste. Tous deux mènent au même monde ouvert aux nomades, Lgbt friendly, éco-citoyens, etc. Tous deux nient les frontières et les identités et rêvent d’une planète tiède, aux peuples nivelés. L’un veut l’imposer par un socialisme ouvertement contraignant, l’autre moud l’utopie un peu plus fine. Le but est le grand remplacement des gens, des cœurs et des cervelles pour une humanité une adorant sa Terre-Mère.
Pourquoi l’altermondialiste se grime en populiste
Le moment de l’alternative altermondialiste est venu en Grèce parce que le pays était dans la panade et que la classe politique était discréditée. Imiter Syriza en France exige d’éliminer le FN, qui est encore le recours d’une grand part du petit peuple. D’où le stratagème altermondialiste qui entend faire passer Mélenchon pour « populiste », mot hier tabou. Il faut que son style amuse, que le démagogue se grime en Poujade d’extrême gauche et se fasse le meilleur opposant aux « gros », pour que le peuple écoute sa variante du discours dominant : à savoir que le problème n’est pas l’ouverture des frontières, la guerre des communautés, la paupérisation par la péréquation Nord Sud, l’écrasement de la civilisation chrétienne, mais juste « 1 % de super riches ». C’est pourquoi Danielle Simonnet, porte parole de la France insoumise, « assume le populisme de gauche » dans le Huffington Post, le journal officiel des bobos mondialistes. C’est une imposture nécessaire : Mélenchon se fiche du peuple au propre comme au figuré, il ne s’intéresse qu’aux masses migrantes, mais il lui faut capter le suffrage populiste pour le détourner du combat antimondialiste, le mettre au service de la stratégie altermondialiste, et réussir ainsi la France Syriza.