Menaces « romaines » sur le pèlerinage de Chartres : un entretien avec Jean de Tauriers, président de Notre-Dame de Chrétienté

 

Un article publié jeudi dernier dans La Croix affirme que le Vatican s’applique à mettre sous surveillance le pèlerinage de Chartres de Notre Dame de Chrétienté en raison de son attachement exclusif à la messe tridentine. Le Dicastère pour le culte divin estimerait que les organisateurs ne respectent pas les règles en vigueur pour la célébration de la messe selon la liturgie d’avant Vatican II établies par Traditionis Custodes. A la manœuvre, selon La Croix, le préfet du dicastère, le cardinal Arthur Roche, qui affirme volontiers sa propre hostilité à la messe traditionnelle de rite latin. Le succès croissant du pèlerinage de Pentecôte de Paris à Chartres, qui a réuni cette année 18.000 personnes, n’est sans doute pas pour rien dans les démarches « romaines », si elles s’avèrent. J’ai interrogé Jean de Tauriers, président de l’association Notre Dame de Chrétienté au sujet de cette nouvelle qui agite beaucoup les réseaux sociaux.

Deux idées force à retenir : on en est au stade de la simple rumeur, d’une part, et de l’autre, le Pèlerinage de Chrétienté ne bougera pas sur la question liturgique, quitte à se trouver enfermé dehors.

Mais une chose lui paraît impossible : faire comprendre une telle mesure – si elle était prise – aux milliers de jeunes qui viennent au pèlerinage et qui en retirent tant de bienfaits spirituels.

La question revient toujours : quel père, à qui son enfant demande du pain, lui donnerait des pierres ? Voire les lui lancerait… – J.S.

 

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Notre entretien avec Jean de Tauriers, président de Notre Dame de Chrétienté

 

Une information parue dans La Croix et qui a circulé dans le monde entier affirme que le cardinal Roche, un peu de concert (quoique à divers degrés) avec Mgr Ulrich, archevêque de Paris, et Mgr Christory, évêque de Chartres, souhaiterait revoir la question du Pèlerinage de Chartres et remettre en cause la célébration de la messe traditionnelle dans son cadre, que ce soit dans la cathédrale de Chartres ou ailleurs. Cette information de La Croix vous semble-t-elle sérieuse ?

C’est un journal sérieux ! C’est certainement très, très sérieux… J’ai quand même été interviewé par le journaliste de La Croix qui m’a demandé si je confirmais ces bruits et nous, nous n’avons aucune information sur une démarche de de Mgr Ulrich, donc nous n’en savons rien. Maintenant, que ça déplaise fortement – surtout à Mgr Christory puisque je l’ai entendu de sa bouche : il aimerait bien que la messe de clôture de notre pèlerinage soit célébrée en forme ordinaire – ça ne m’étonne pas. Dans l’article, Mgr Christory dit que c’est Rome qui tranchera.

Alors, que se passe-t-il pour nous, Notre Dame de Chrétienté ? Cet évêque – parce que je ne peux pas me prononcer pour tous les évêques – mais en tout cas, cet évêque à Chartres, et aussi l’évêque de Paris ont beaucoup de mal à accepter qu’il y ait une spiritualité de notre pèlerinage attachée à la forme extraordinaire. Et cela fait 43 ans que ça dure. Donc ce n’est pas d’aujourd’hui, et nous avons beau leur dire que nous aimons la messe traditionnelle, que c’est la spiritualité de notre pèlerinage depuis longtemps, dire nos chiffres puisqu’il faut parler de chiffres pour impressionner, essayer aussi de raconter ce qui se passe dans notre pèlerinage, pour essayer d’attendrir aussi, finalement, rien ne fonctionne : ce qu’ils veulent, c’est que demain, on ait des messes privées ou la messe de clôture Paul VI. Donc, en fait, ils n’admettent pas notre attachement exclusif de la messe à la messe traditionnelle. C’est aussi simple que ça. Il y aurait certainement des raisons très profondes à tout cela ; ils ont peut-être envie, aussi, de plaire à certaines autorités de Rome. Certaines, parce que je ne suis pas sûr qu’à Rome, tout le monde soit d’accord là-dessus.

Donc, à la fois, il y a des bruits, mais en même temps, nous avons comme toujours beaucoup de réactions de soutien qui viennent de partout. Cela me fait penser à Traditionis Custodes : juste après sa publication, nous avons eu beaucoup de soutiens de prêtres qui ne sont pas du tout des prêtres dits traditionalistes – j’en avais encore ce matin qui m’écrivait là-dessus – qui nous encouragent à rester fermes dans ce qui est le droit de tout catholique d’être attaché à cette messe « de toujours ».

 

Alors, sachant qu’on ne sait pas trop s’il s’agit d’une rumeur ou d’une information exacte, prenons l’hypothèse qu’elle soit exacte. Elle semble indiquer que le cardinal Roche, qui est le préfet du Dicastère pour le culte divin, est aux commandes. Or, on dit aussi que le dernier document qu’il a voulu promouvoir pour restreindre encore la célébration de la messe traditionnelle est restée lettre morte, il serait resté sur le bureau du pape. Ces informations sont toujours des rumeurs, puisqu’on n’a pas de photos, mais n’y aurait-il pas là, peut-être, une manœuvre de sa part pour affirmer son autorité face à un pape François qui, lui, ne semble pas vouloir aller davantage dans cette direction ?

Peut-être, oui. Moi, je vois circuler ce genre de rumeurs tous les jours. Je ne connais pas le cardinal Roche, il m’est donc difficile d’avoir une opinion personnelle. Oui, peut-être… Mais en vérité, nous, nous restons très, très sereins, très calmes, et nous sommes prêts à affronter toutes les fermetures de cathédrales ou d’églises. Et là aussi, j’ai envie de dire qu’on en a vu d’autres. En répondant à La Croix, je parlais de bureaucratie parce qu’on nous reproche également de ne pas avoir demandé l’autorisation de célébrer la messe traditionnelle le lundi à la cathédrale de Chartres, messe qui, accessoirement, était célébrée par le cardinal Müller. Le journaliste m’a demandé si j’avais l’autorisation de Rome, et je lui ai dit que le cardinal Müller venait directement de Rome. Mais, semble-t-il, ça ne suffit pas. Ensuite, s’il y a des imprimés à remplir, j’imagine que Mgr Christory, qui est très attaché aux formalités administratives, a dû le faire. C’est lui-même, d’ailleurs, qui a invité le cardinal Müller. On s’y perd un peu, mais surtout, je ne veux pas trop m’y intéresser.

 

Jean de Tauriers : « Nous ne sommes pas inquiets »

 

Nous ne sommes pas du tout inquiets. En fait, je pense et j’espère que ce sont des rumeurs sans fondement. C’est sûr que les gens sont un peu inquiets, un peu fébriles, mais nous resterons très sereins. Et même s’il y a des interdictions dans les cathédrales, il y aura de la tristesse, mais je suis certain qu’on aura de toutes façons plus de monde et certainement plus d’enthousiasme. Mais une telle décision romaine sera très difficile à faire comprendre aux pèlerins, et aux jeunes pèlerins notamment, puisque la moitié a moins de 20 ans. Il faut quand même, à un moment, comprendre les ordres, les instructions : personne ne comprendra les raisons de cette de cette sévérité.

 

Surtout de la part d’une Eglise qui se veut plus « ouverte ».

Oui, oui, tout cela est absurde. En fait le mot est grotesque. C’est grotesque. Donc on essaye de ne pas s’énerver, de prendre cela avec sérénité, de poursuivre l’organisation de notre pèlerinage. Eh bien, il faut qu’on mette comme option le fait de rester en dehors des cathédrales.

Déjà, la cathédrale de Paris. Notre-Dame de Paris n’est pas ouverte, mais nous avons théoriquement ce qu’il faut. Comme je me méfie, je demande confirmation ! Nous n’avions pas l’autorisation d’être dans Notre-Dame de Paris, on ne sait pas très bien pour quelle raison… parce que l’archevêque de Paris ne le souhaitait pas ? Nous avions quand même Saint-Sulpice. Nous verrons bien. Nous avons souvent parlé à nos jeunes pèlerins de l’époque des premières années où on était dehors, où les portes des cathédrales étaient fermées : ils le vivront. C’est tout.

 

En effet, c’est ainsi que tout a commencé. Je lis cependant dans le papier de La Croix, et cela m’a un peu amusée, je dois dire : « De la même manière, l’usage des livres liturgiques préconciliaires sur les plaines du bassin parisien n’a pas été approuvé par les autorités romaines. » C’est quand même assez rigolo, non ?

C’est drôle parce que c’est dans une Eglise où plus personne n’obéit, où tout le monde se moque de l’autorité. Par ailleurs, et c’est assez logique, cela se voit aussi dans l’histoire, il y a un autoritarisme très important et un attachement méticuleux a des formes administratives de plus en plus lourdes que personne ne comprend. C’est assez fascinant.

 

Y a-t-il eu des réactions d’anciens ou de futurs pèlerins auprès de l’organisation du pèlerinage, et quel est l’état d’esprit de de ces réactions ?

Nous sommes en relation avec nos pèlerins. Ce qui est très amusant à Notre Dame de Chrétienté, c’est que tout le monde a son avis, et j’aime beaucoup ça. Chacun a des conseils sur la stratégie à aborder, sur la tactique, mais en général, ce sont toujours des encouragements à rester ce que l’on est tout simplement, j’allais dire : être ferme. Mais c’est plutôt : être ce que l’on est. C’est tout simplement ce que nous faisons.

Nous avons une grande caractéristique. Nous n’avons pas changé d’un iota depuis 43 ans, nous sommes extrêmement prévisibles et on sait très bien ce que nous allons dire. Cela fait douze ans que je suis président. Je quitte mes fonctions le 18 janvier prochain, mais pendant douze ans, j’ai tenu justement à répéter, au risque de lasser les pèlerins, les positions de Notre Dame de Chrétienté, qui sont les positions du Centre Henri et André Charlier de toujours en fait : cet attachement exclusif au rite tridentin, dont j’explique les raisons. Rien n’a changé, tout au contraire ! La crise de l’Eglise est là, les familles se précipitent dans ce pèlerinage. Ils se rapprochent du rite traditionnel justement en raison de cette crise de l’Eglise, et justement pour tout simplement transmettre la foi à leurs enfants. Nous avons beaucoup de familles avec enfants, ils sont 5.000 : des gens qui pour un très grand pourcentage ont fait le choix du monde traditionnel. Evidemment, nous avons aussi beaucoup de pèlerins étudiants qui ont moins de 20 ans. Ceux-là peuvent être beaucoup moins engagés dans le monde traditionnel, mais il n’empêche qu’ils viennent pendant trois jours, et ils viennent de plus en plus nombreux. En fonction des origines – Paris, province, étranger – il y a des types de pèlerins un peu différents, et on s’amuse à les retrouver chaque année. Nous les connaissons bien, mais tous, de tout ce que j’ai pu lire, nous soutiennent.

 

Paris-Chartres : ce sera avec la messe traditionnelle

 

Il y a un attachement énorme à ce pèlerinage, tellement énorme que les gens ont voulu le multiplier. C’est pour cela que des pèlerinages se sont créés en province, en Provence ou en Bretagne. Il y en a d’autres qui se préparent en ce moment dans d’autres régions. Et c’est ce qui va se passer.

La piété populaire est souvent un argument du pape François, et le pèlerinage en est un exemple. De même, la motivation, ce désir d’aller dans ce type de pèlerinage et dans une forme traditionnelle, c’est aussi le sens de la foi du catholique de base, qui est un thème très souvent abordé par le pape François. Le pape François devrait aimer Notre-Dame de Chrétienté, le pèlerinage de Chartres. Ce sont des arguments de simplicité, de bon sens, de pastorale, de transmission, de base que tout le monde doit comprendre. Et d’ailleurs, tout le monde le comprend, sauf quelques évêques.

 

Le pèlerinage a eu plusieurs célébrants cardinaux ; il y a eu des encouragements pontificaux par le passé. Cela ne suffit-il donc pas ?

Je ne sais pas très bien. J’ai l’impression, pour revenir un peu au début de notre conversation, qu’en fonction des strates de la Curie, il y a des approches différentes. On disait récemment que le pape François n’avait pas accepté un texte de durcissement de Traditionis Custodes – moi, je veux bien le croire. Mais encore une fois, on s’y perd un petit peu ; nous, petits laïcs du bout du banc, nous ne passons pas notre temps à Rome – je ne sais pas si on nous recevrait d’ailleurs – à essayer de comprendre ce que pensent certaines hautes personnalités. Nous organisons un pèlerinage. Il est très compliqué à organiser ce pèlerinage, il attire beaucoup de monde. Il y a un très grand intérêt médiatique autour de lui et c’est ça aussi qui énerve un peu tout le monde.

Il faut bien comprendre que tous les pèlerinages qui se font vers Chartres se sont quand même étiolés ; il y a le pèlerinage tamoul qui reste important. Sinon c’est le pèlerinage de Notre Dame de Chrétienté. Le pèlerinage étudiant, lui, s’est effondré. Je ne dis pas du tout que nous sommes les seuls à faire des bons pèlerinages, que nous sommes les derniers catholiques, mais en attendant, notre pèlerinage se porte bien.

Moi, si j’étais eux, je viendrais plutôt comme pèlerin. J’essaierais plutôt d’encourager les valeureux catholiques qui viennent, et parmi eux de plus en plus de non pratiquants, ce qui est un défi, pour notre organisation, colossal. Moi, j’ai connu les premières années ou c’était vraiment 100 % pratiquant et traditionaliste. Maintenant, ce n’est plus du tout ça. Nous avons une majorité, parmi les pratiquants, de pèlerins attachés à la tradition, ce qui ne veut pas dire qu’ils sont 100 % traditionalistes, si on essaie de définir tous ces mots. Mais nous avons aussi, et ça, ça m’intéresse bien davantage, les non pratiquants, même d’autres religions. Comme me le disait un prêtre diocésain récemment de manière drôle – d’ailleurs il n’est pas très sympathisant de Notre Dame de Chrétienté et de notre pèlerinage, même si de temps en temps il y est allé – : « Le pèlerinage de Chartres, aujourd’hui, dans l’Eglise de France, c’est “the place to be”. »

Tout le monde veut venir et là aussi, c’est un enjeu très important pour nous parce qu’il nous faut expliquer notre spiritualité, les enseignements que nous donnons qui ne sont rien d’autre que l’enseignement de l’Eglise. Ça n’a rien d’extraordinaire, mais il y a quand même une exigence catéchétique.

Après le pèlerinage de cette année, certains évêques, ceux qui s’occupent des mouvements ex-Ecclesia Dei, avaient reproché nos enseignements sur les fins dernières, qui en étaient le thème : « Je veux voir Dieu. » J’aimerais que plutôt que de lancer des grands propos de la sorte qui n’ont pas de fondement, on nous dise exactement où ce que l’on dit dans nos livrets, qui sont très lus et très diffusés, n’est pas une théologie catholique, ou constitue une théologie dangereuse. J’aimerais bien qu’on entre dans les choses précises, mais ce n’est pas du tout le cas. On balance des propos comme ça qui sont censés déstabiliser. Ça ne nous déstabilise pas du tout parce qu’encore une fois, nous sommes des gens très simples avec des connaissances catéchétiques de base, mais en lesquelles nous avons quand même une certaine confiance, et même toute confiance. On nous avait dit aussi que nous terrorisions nos fidèles, mais pas du tout : nous expliquons la théologie de l’Eglise sur les fins dernières, qui est importante et qui doit saisir tout catholique. Cela fait-il peur ? Non, cela ne fait pas peur, mais cela doit préoccuper.

 

Les jeunes qui sont très convaincus, évidemment, ne seront pas rebutés par ce qui pourrait éventuellement se passer (une fois de plus, rien n’est certain). Mais les autres ? Est-ce que, la jeunesse étant rebelle, ce ne sera pas une façon de les appeler davantage ?

Je le pense. Je ne voudrais pas tenir des propos désobligeants pour les autorités. Nous sommes quand même très soutenus par des cardinaux, des évêques, énormément de prêtres français, qui ne sont pas forcément d’ailleurs « traditionalistes ». Je crois que tout ça est su dans les milieux catholiques, puisqu’il s’agit d’un pèlerinage de pratiquants issus de milieux catholiques fervents. Je ne crois pas que quelques directives et quelques imprimés administratifs supplémentaires arrêtent des pèlerins valeureux.

 

Selon l’article de La Croix, Mgr Christory n’aurait pas obtenu la permission du Vatican pour la messe en sa cathédrale, et c’est là que le bât blesserait. Mais d’une part, à sa place, je serais quand même un peu irrité de voir mon autorité ainsi contestée. Et d’autre part, il faut bien dire que dans beaucoup d’endroits du monde, Traditionis Custodes n’est pas appliquée à la lettre, loin s’en faut.

Oui, exactement. Nous sommes un pèlerinage international, et donc nous voyons beaucoup d’étrangers. Moi, je suis en relation maintenant de plus en plus avec des pèlerinages internationaux, et avec nos pèlerins qui les font. C’est une histoire franco-française, encore une fois : il y a une animosité envers le mouvement en fait, et ce qu’on représente, parce que nous sommes une réaction devant une crise de l’Eglise qui a été particulièrement forte en France. Notre réaction est une critique, même si elle n’est pas une critique dans l’attitude et dans le comportement des pèlerins, surtout des pèlerins qui ont aujourd’hui moins de vingt ans pour un grand nombre chez nous. Eh bien, le simple fait qu’ils donnent leur suffrage à ce pèlerinage, pour certains évêques – un très petit nombre – reste le désaveu de tout un mouvement de réforme qui d’ailleurs, a été catastrophique pour l’Eglise, mais auquel ils restent très attachés. Ils voient cette réaction traditionnelle si forte en France comme un désaveu, comme une critique de ce qu’ils ont fait ; une critique de leurs maîtres, parce qu’ils ont quand même maintenant entre 60 et 70 ans. Ils n’ont pas du tout connu les années 1960, mais ils ont été formés dans ces années 1970, 1980, 1990, et ça, ça compte beaucoup. Nous sommes nous aussi comme nos maîtres nous ont formés. Et c’est très bien parce que nous avons eu de très bons maîtres. En tout cas, moi, j’ai eu la chance d’avoir des parents qui justement, ont su réagir et être avec de très bons prêtres. J’en rends grâce à mes parents, et c’est très important. On est formé par ses maîtres, par ses parents. Eh bien, c’est vrai pour tout le monde.

Je pense que chez certaines personnes, probablement celles avec des tempéraments certainement plus autoritaires, d’une grande fermeté dans leurs convictions certainement modernisantes, c’est de cela que vient ce côté un peu implacable, cette rancune, cette volonté de supprimer, d’imposer, de ne pas comprendre, de ne pas s’adapter… Ce sont aussi parfois, ou souvent, des réactions par simple obéissance.

Nous, en tout cas, nous continuerons. On a refusé tellement de milliers de gens cette année, que si ça déplaît à certains, eh bien, ils ne viendront pas au pèlerinage de Chartres et nous prendrons d’autres personnes qui seront plus en phase avec ce que nous soutenons, et qui viendront prier avec nous, pour la sainte Eglise d’ailleurs.

 

Qui célébrera la messe du lundi de Pentecôte ?

Nous n’avons pas encore choisi le célébrant, mais nous savons que l’homélie sera donnée par Mgr Christory. Pour les mille ans de la crypte de la cathédrale de Chartres et pour le jubilé de l’Eglise, il voulait donner l’homélie qui sera sur le thème de l’année, qui est « Le Christ-Roi : pour qu’Il règne ». C’était ce qui était prévu. Maintenant, si la cathédrale nous est fermée – j’écarte cette hypothèse, mais jouons à cela – si sa cathédrale était fermée, Mgr Christory s’autoriserait peut-être à donner l’homélie en dehors de la cathédrale qu’il aura lui-même fermée. En tout cas, on lui en laissera la possibilité, bien sûr !

 

De Jean de Tauriers à Philippe Darantière : une même charte

 

Vous passez la main en tant que directeur du pèlerinage à Philippe Darantière. Etes-vous exactement sur la même longueur d’onde à ce sujet ?

Nous sommes différents, quand même, nous avons des caractères différents et c’est très bien. C’est pour cela aussi qu’on change aussi de président, parce que c’est bien qu’il y ait des personnalités différentes. Cela faisait douze ans pour moi, et au bout de douze ans, je pense que c’est une très bonne chose. Je reste bien sûr, parce que quand on est pèlerin, quand on s’engage, on reste longtemps. Je resterai à côté de Philippe pour l’aider à prendre les fonctions de président. Il n’y a aucun changement quant aux engagements de Notre Dame de Chrétienté. Ce qu’il y a de bien avec Notre Dame de Chrétienté, c’est qu’on ne change pas le programme. En fait, on n’a pas de programme, ou plutôt il a été fixé une fois pour toutes. Je ne comprendrai jamais, d’ailleurs, les associations, les communautés qui n’ont qu’une cesse, c’est de changer leur charte, changer leurs programmes, changer leurs fondamentaux, comme si c’était ce que l’on demandait de simples membres de l’association ou de la communauté. Nous n’allons surtout pas faire cela. Nous avons une charte à laquelle nous sommes très attachés, et une histoire que nous aimons beaucoup. Nous la racontons d’ailleurs à nos jeunes pèlerins, au risque de les lasser parfois, mais nous la racontons quand même. Nous y resterons fidèles.

 

Ma dernière question concerne Mgr Christory. Interviewé directement par La Croix, il a parlé des nombreux fruits du pèlerinage. Dans le monde de la tradition en général, on voit que la foi est transmise, qu’elle est missionnaire, puisque des non pratiquants ou des non catholiques viennent à ce pèlerinage. Pensez-vous que la messe traditionnelle joue un rôle prééminent dans cette capacité de transmettre ou de proposer la foi ?

Oui, je le pense, Bien sûr, c’est le bon Dieu qui convertit. Quand je dis que nous sommes missionnaires, j’ai souvent cette expression, qui est de dire que nous sommes missionnaires grâce à la messe traditionnelle. Je suis souvent repris : on me dit que c’est Dieu qui convertit. Bien évidemment ! Mais grâce à la messe traditionnelle… C’est justement une de nos différences. Et ils ne peuvent accepter que ce soit par une liturgie ancienne qu’ils ne connaissent pas, alors qu’ils ont réformé la liturgie en 1969. C’est impossible pour eux d’admettre que cet attachement à une forme ancienne, vénérable de l’Eglise, puisse avoir des effets et convertir des âmes. C’est extrêmement curieux : il y a un véritable déni de réalité, alors que tout ce que nous voyons, tout ce que nous constatons nous dit le contraire. Il faudrait une approche vraiment pastorale, qu’ils ouvrent leur cœur, qu’ils voient ce qui se passe. Souvent l’après-midi de Pentecôte, Mgr Christory vient marcher, il connaît bien les pèlerins et il voit les fruits. D’ailleurs il le dit – et merci à lui. Mais tout cela est lié à ces prêtres, à cette liturgie, à ces sacrements ; à cet enseignement aussi ou ce qu’on appelle maintenant les « pédagogies traditionnelles de la foi ». C’est tout cela qui fait la conversion : cet écrin qui donne la conversion. En tout cas, nous le constatons et nous le croyons profondément.

Je trouve d’ailleurs incroyablement imprudent de vouloir changer quelque chose qui fonctionne. Dans les sociétés commerciales où j’ai beaucoup travaillé, eh bien, quand quelque chose fonctionne, on cherche surtout à augmenter l’efficacité : à dupliquer. On est aux aguets de ce qui fonctionne. On part toujours du réel. Ces personnes qui refusent l’efficacité de la messe traditionnelle ne veulent pas admettre ce qui pourtant se déroule sous nos yeux. C’est très mystérieux.

 

Propos recueillis par Jeanne Smits