Des catholiques suisses présentent des “Dubia” au cardinal Roche au sujet des délégations accordées aux laïcs pour la célébration des sacrements

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Une association de fidèles laïcs catholiques suisse, Vera Fides, vient de présenter une série de cinq Dubia au cardinal Arthur Roche, préfet du Dicastère pour le Culte divin et la discipline des sacrements, afin de demander des réponses claires au sujet de multiples délégations accordées aux laïcs des paroisses pour mener des assemblées sans prêtres, avec ou sans distribution de la communion, pour baptiser, assister à des mariages ou prononcer les homélies lors des messes célébrées par un prêtre.

Ces délégations, supposées réservées aux cas exceptionnels, se révèlent de plus en plus fréquentes, voire systématiques, au risque de créer la confusion chez de nombreux catholiques sur le rôle du prêtre et celui des laïcs, regrette Vera Fides.

La lettre présentant cinq questions, ou Dubia – des « doutes » – est datée du 21 avril dernier et vient seulement d’être rendue publique. A travers les questions posées sous la forme factuelle de l’exposé du Dubium, on devine tout de même la grande préoccupation de ces laïcs qui ont envoyé une copie de leur missive à Mgr Felix Gmür de Bâle, Mgr Joseph-Maria Bonnemain de Coire et Mgr Markus Büchel de Saint-Gall.

A ce jour, leur demande n’a pas reçu de réponse.

Elle peut sembler ponctuelle, mais alors que Traditionis custodes a rallumé la guerre liturgique, elle porte sur un point essentiel : celui du sacerdoce et de ce qui lui est propre. Il devient de plus en plus clair, en effet, que le cantonnement ou l’interdiction de la messe traditionnelle, tout comme le synode sur la synodalité à venir, visent la conception traditionnelle du sacerdoce au nom de la promotion du « peuple de Dieu ».

Voici la traduction intégrale de la lettre de Vera Fides

 

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“Dubia” concernant l’administration des sacrements par des laïcs dans les diocèses suisses de Bâle, Coire et Saint-Gall

A son Eminence révérendissime, le Cardinal Arthur Roche

Depuis de nombreuses années, les évêques des diocèses germanophones de Suisse confient aux agents pastoraux laïcs un nombre croissant de fonctions au sein de leurs paroisses, au point de faire disparaître les différences entre le sacerdoce commun et le sacerdoce hiérarchique. En invoquant la pénurie endémique de prêtres, ces évêques accordent aux agents pastoraux laïcs, par le biais de la « Missio canonica » ou de l’« Institutio », une autorisation globale leur permettant de donner l’homélie lors des célébrations eucharistiques, et de baptiser. Les évêques des diocèses de Bâle et de Saint-Gall accordent dans de nombreux cas à des laïcs une délégation extraordinaire pour la célébration de mariages. Dans de nombreuses paroisses, ces pratiques se sont si bien installées que l’administration des sacrements par des laïcs est considérée comme normale. Il n’y a plus de distinction entre situation ordinaire et situation extraordinaire. Ces règles et pratiques suisses ont aussi été évoquées au cours du « chemin synodal » en Allemagne.

En outre, le dimanche, dans environ la moitié des paroisses du diocèse de Bâle, ce sont des laïcs qui célèbrent la liturgie de la Parole accompagnée de la distribution de la communion, en lieu et place de la célébration eucharistique dominicale. De nombreux catholiques, heurtés par les abus liturgiques, ont fait les signalements dans les formes à leur évêque. Mais aujourd’hui beaucoup de fidèles ne savent plus faire la différence entre une célébration de la Parole avec distribution de la communion et une célébration eucharistique.

Les évêques des diocèses de Bâle, Coire et Saint-Gall ont rappelé, dans leur lettre du 5 janvier 2023 adressée aux agents pastoraux de leurs diocèses, que les règles liturgiques s’appliquent conformément aux dispositions des évêques. De nombreux catholiques doutent cependant que les délégations accordées aux laïcs par les évêques des diocèses de Bâle, Coire et Saint-Gall soient conformes aux règles de l’Eglise universelle.

Des doutes subsistent en effet quant au fait que la délégation de fonctions « extraordinaires » pour l’administration des sacrements – motivée par le manque de prêtres – et la pratique dans les diocèses de Bâle, Coire et Saint-Gall se fassent en unité avec l’Eglise catholique de Rome.

Au nom de nombreux catholiques suisses, l’organisation de laïcs Vera Fides présente les Dubia suivants au Dicastère pour le Culte divin et la discipline des sacrements:

1er Dubium : Y a-t-il une pénurie de prêtres dans les diocèses de Bâle, Coire et Saint-Gall, compte tenu de l’évolution passée et des perspectives futures de l’Eglise catholique romaine (nombre de membres, nombre de catholiques pratiquants, nombre de baptêmes et de mariages religieux) ?

2e Dubium : Dans les diocèses de Bâle, Coire et Saint-Gall, les évêques confèrent à des laïcs, dans le cadre de la Missio canonica ou de l’Institutio, le mandat général de prononcer l’homélie lors des célébrations eucharistiques. Ces mandats diocésains, qui ont pour conséquence que le prononcé de l’homélie par des laïcs au cours des célébrations eucharistiques est pratiquement devenu la norme, sont-ils conformes au droit canonique ?

3e Dubium : Conformément à la réforme liturgique du Concile Vatican II (Constitution sur la sainte liturgie Sacrosanctum Concilium), il convient de promouvoir des célébrations propres de la Parole les veilles des grandes fêtes, les jours de semaine de l’Avent ou du Carême, ainsi que les dimanches et les jours fériés, en particulier là où aucun prêtre n’est disponible (article 35.4). Dans le diocèse de Bâle, sur 678 célébrations dominicales, 237 prennent la forme d’une célébration de la Parole avec distribution de la communion, et 10 sans distribution de la communion (source : célébrations de février 2022, SPI, St-Gall). Cette forte proportion correspond-elle aux intentions de la Constitution sur la sainte liturgie Sacrosanctum Concilium ?

4e Dubium : Les évêques des diocèses de Bâle, Coire et Saint-Gall accordent dans de nombreux cas à des laïcs une autorisation extraordinaire de baptiser. En réalité, la praxis ne fait plus guère de différence entre les cas extraordinaires et les cas ordinaires. Les règles de délégation et la pratique dans les diocèses de Bâle, Coire et Saint-Gall sont-elles conformes au droit canonique ?

5e Dubium : Les évêques des diocèses de Bâle et de Saint-Gall mandatent des laïcs pour que ceux-ci assistent aux mariages religieux. On ne sait pas si les exigences formelles du can. 1112 CIC 1983 sont respectées dans tous les cas, à savoir si un avis de recommandation de la conférence épiscopale et une autorisation du Saint-Siège sont demandés au préalable. Les exigences formelles du droit canonique sont-elles respectées lors de la délégation à des laïcs de l’assistance au mariage dans les diocèses de Bâle et de Saint-Gall ?

Nous prions Son Eminence de bien vouloir vérifier si les délégations de laïcs dans les diocèses suisses germanophones sont compatibles avec la doctrine catholique. La cléricalisation croissante des laïcs entraîne une confusion croissante chez les catholiques. Une précision de la part des dicastères romains permettrait de clarifier les choses.

Salutations amicales, en union de prière,

Le président de Vera Fides, Davor Novakovic

 

Traduction par Jeanne Smits