Nouveaux “dubia” sur les divorcés-remariés ; nouvelles manœuvres du Vatican

Nouveaux dubia divorcés manœuvres
Le cardinal Dominik Duka


Les demandes au pape François le priant de préciser et de rappeler la doctrine de l’Eglise à divers égards se sont multipliés ces derniers mois. Nous avons évoqué hier les dubia des cardinaux Brandmüller, Burke, Sarah, Sandoval et Zen (auxquels le cardinal Gerhard Müller vient de manifester son adhésion) ; viennent de s’y ajouter une série de dubia présentés au nom de la Conférence épiscopale tchèque par le cardinal Dominik Duka, archevêque émérite de Prague, sur l’accès des divorcés remariés à la communion. Les « réponses » à ces dernières dix questions ont été publiés mardi par l’Osservatore Romano, en même temps que la lettre intégrale envoyée par le pape aux cardinaux Burke et Brandmüller le 11 juillet, présentée comme étant la réponse à leurs dubia actuels. Le Vatican se livre de nouveau à des manœuvres, comme nous allons le voir.

Les dubia du cardinal Duka, présentés au pape le 13 juillet, ont quant à eux suscité une réponse du Dicastère pour la Doctrine de la foi, sous la responsabilité du cardinal Victor Manuel « Tucho » Fernandez, à la date du 25 septembre dernier.

 

Nouveaux dubia sur les divorcés remariés, le cardinal Victor Manuel Fernandez à la manœuvre

Infovaticana cite quelques éléments de cette réponse assez longue.

« Sur la question de l’admission à l’Eucharistie d’un catholique divorcé de son conjoint auquel il est lié par un mariage sacramentel, mais remarié civilement avec une autre personne, le cardinal argentin a répondu que si les prêtres doivent offrir un accompagnement pastoral à la personne, “c’est chaque personne, individuellement, qui est appelée à se placer devant Dieu et à lui exposer sa conscience, tant avec ses possibilités qu’avec ses limites”. »

On le voit, cela relativise déjà la règle du refus de principe qui écarte le divorcé remarié sans déclaration de nullité du mariage précédemment contracté, et sans intention de changer de vie, de l’accès à la communion, l’intéressé devant lui-même déterminer sa ligne de conduite.

« Cette conscience, accompagnée par un prêtre et éclairée par les directives de l’Eglise, est appelée à se former pour évaluer et donner un jugement suffisant pour discerner la possibilité d’accès aux sacrements », ajoute le préfet du Dicastère.

Infovaticana poursuit :

« Amoris Laetitia “ouvre également la possibilité d’accéder aux sacrements de la réconciliation et de l’Eucharistie lorsque, dans un cas particulier, il existe des contraintes qui atténuent la responsabilité et la culpabilité” – bien que le cardinal Fernandez souligne que “ce processus d’accompagnement ne se termine pas nécessairement avec les sacrements”, mais pourrait indiquer d’autres formes non sacramentelles de communion et d’inclusion. »

Une fois de plus, la porte est explicitement laissée ouverte à l’accès à la communion. On pense ici aux époux abandonnés, qui ont subi un divorce. La règle de l’Eglise quant à la subsistance de leur mariage – pour tragiques qu’en soient les conséquences pour la vie personnelle d’une telle victime – peut demander certes l’héroïsme. Qui est le signe de la fidélité de Jésus-Christ à son Eglise…

« S’inspirant directement d’Amoris laetitia, la réponse du Dicastère précise que dans le nécessaire processus de discernement, “les divorcés-remariés doivent se demander comment ils se sont comportés envers leurs enfants lorsque l’union conjugale est entrée en crise ; s’il y a eu des tentatives de réconciliation ; comment le couple a abandonné son état ; quelles sont les conséquences de la nouvelle relation pour le reste de la famille et la communauté des fidèles ; quel exemple elle offre aux jeunes qui doivent se préparer au mariage. Une réflexion sincère peut renforcer la confiance dans la miséricorde de Dieu, qui n’est refusée à personne”. »

En tous les cas, cette approche ouvre la possibilité à l’autojustification et à l’idée que le comportement pendant la séparation pourrait blanchir le désordre objectif de l’engagement dans une union civile postérieure.

 

Liberté de conscience contre enseignement de l’Eglise

Infovaticana poursuit :

« La réponse indique également que les évêques devraient développer dans leurs diocèses des critères basés sur Amoris Laetitia qui “peuvent aider les prêtres dans l’accompagnement et le discernement des personnes divorcées vivant une nouvelle union”, et que les évêques de la région pastorale de Buenos Aires ont appliqué Amoris, au moyen de ce que François a qualifié d’“unique interprétation”, qui doit être considéré comme un “magistère authentique” ; on ne donnera aucune autre explication complète.

« Les réponses évitent de réagir directement à la question de savoir si les actes commis dans la vie sexuelle du couple formé par au moins un catholique divorcé remarié doivent “être mentionnés dans le sacrement de réconciliation”, mais le préfet du DDF a précisé que la vie sexuelle du couple doit être “soumise à un examen de conscience pour confirmer que c’est une véritable expression de l’amour et que cela aide à grandir dans l’amour”. »

Autrement dit : il n’y a pas de règle ; faites ce que vous voulez si vous jugez que votre nouvel amour en sort renforcé.

 

Les dubia des cardinaux Burke et Sarah… n’ont pas reçu de réponse

Dans le même numéro de l’Osservatore Romano, on peut lire la réponse fleuve du pape datée du 11 juillet (ma traduction ici) aux cardinaux Brandmüller et Burke. Elle est présentée comme répondant aux dubia, alors que les cinq cardinaux – les deux sus-nommés ainsi que Sarah, Sandoval et Zen – au vu de leur manque de précision, ont reformulé les dubia pour avoir une réponse claire par oui ou par non, comme le veut la formule.

Devant cette manœuvre, les cinq cardinaux ont tenu à rappeler la chronologie des événements ; la voici :

 

Chronologie des Dubia présentés par les cardinaux

Burke, Brandmüller, Sandoval Iniguez, Sarah, Zen

Eté 2023

1. 10 juillet 2023 : Envoi de la Lettre des cardinaux adressée au pape François, comportant les dubia.

2. 11 juillet 2023 : Réponse du pape François aux dubia.

3. 13 juillet 2023, vers 9 heures : remise de la réponse du pape François aux cardinaux Burke et Brandmüller.

4. 21 août 2023 : Lettre des cardinaux au pape François, comportant les dubia reformulés.

5. 25 septembre 2023 : audience du préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi avec le pape François. Aucun document n’est publié ce jour-là.

6. 2 octobre 2023, vers 8 heures à Rome : publication des lettres et des dubia (§1 et §4) et de la notification aux fidèles.

7. 2 octobre 2023, matin : publication sur le site du Dicasterium pro doctrina fidei d’une partie de la réponse du pape François du 11 juillet (§2) et d’un rescrit ex auditu du 25 septembre 2023.

8. 2 octobre 2023 dans l’après-midi : publication de la lettre complète du Pape François (§2).

A ce jour, la lettre du 21 août 2023 (§3) et les dubia reformulés n’ont pas reçu de réponse.

 

Jeanne Smits