Horst Seehofer a annoncé son intention de démissionner dimanche soir après une réunion du parti qu’il dirige, la CSU, en coalition avec la CDU de Merkel et le SPD social-démocrate. Si les députés CSU au Bundestag devaient retirer leur soutien au gouvernement d’Angela Merkel, celle-ci aurait le choix entre diriger un gouvernement minoritaire, former une autre coalition ou convoquer de nouvelles élections. Pourra-t-elle s’entendre avec son ministre de l’Intérieur lors de la réunion « de la dernière chance » convoquée pour lundi soir ? Cela pourrait s’avérer difficile, Seehofer se déclarant très insatisfait de l’accord sur l’immigration ramené vendredi du Conseil européen de Bruxelles. Il semblerait que cet accord ne lui permette pas de mettre en œuvre la mesure-phare de son plan contre l’immigration : le refoulement « à chaud », aux frontières de l’Allemagne, des « migrants » déjà déboutés du droit d’asile ou qui ont simplement déjà été enregistrés dans un autre pays de l’UE.
La “
fake news”
d’une Angela Merkel visiblement désespérée rapidement démentie par les pays concernés
Aggravant la situation, le chancelier Angela Merkel a envoyé une lettre aux partenaires de sa coalition après le Conseil européen de la semaine dernière à Bruxelles, en leur expliquant que 14 pays européens, dont ceux du Groupe de Visegrád, avaient pris des engagements politiques en vue de conclure avec l’Allemagne des accords pour le renvoi chez eux des immigrants qui y avaient été enregistrés. Lorsque cette information a été donnée par les médias allemands dimanche, la Hongrie, la Tchéquie et la Pologne ont rapidement apporté un démenti ferme, assurant qu’aucun engagement n’avait été pris dans ce sens au Conseil européen vis-à-vis de l’Allemagne et que de tels accords n’étaient même pas envisagés.
La Bulgarie veut bien reprendre des « migrants », mais quand on aura bien fermé les frontières de l’UE
La Bulgarie, qui fait partie des premiers pays d’arrivée en raison de sa frontière avec la Turquie, a également assuré par la voix de son premier ministre Boyko Borissov qu’elle n’accepterait pas les retours de « migrants », expliquant que si la Grèce, l’Italie et la Bulgarie avaient laissé passé les migrants qui se rendaient en Allemagne, c’est parce qu’Angela Merkel les avaient invités à venir. Le Bulgare a toutefois laissé la porte ouverte aux négociations, mais à ses propres conditions, en déclarant : « Angela Merkel pourra demander des accords bilatéraux quand les frontières extérieures de l’UE seront entièrement fermées et sécurisées. Mais avant de renvoyer [les migrants], il faudra accepter que nous construisions des prisons et que nous les gardions dans ces prisons ». Au 1er juillet, la Bulgarie a transmis la présidence du Conseil de l’UE à l’Autriche pour les six mois à venir. Vienne a fait de la sécurisation des frontières de l’UE et de la lutte contre l’immigration illégale la priorité de sa présidence.
Seehofer avait prévenu : sans un bon accord au Conseil européen pour lutter contre l’immigration, il démissionnerait
Si l’intention de démissionner de Seehofer est confirmée après sa réunion avec Merkel lundi, ce sera au président Frank-Walter Steinmeier de le libérer de ses fonctions de ministre de l’Intérieur sur demande du chancelier. Seehofer a également annoncé son intention de démissionner simultanément de la présidence du parti bavarois CSU. Sa démission éventuelle du gouvernement n’entraînera donc pas automatiquement la fin de la coalition entre la CDU-CSU et le SPD, mais cela affaiblira forcément encore plus la position d’Angela Merkel à la tête de l’Allemagne.
Cette nouvelle crise allemande illustre l’échec du Conseil européen de jeudi et vendredi malgré la signature d’une déclaration commune où la seule véritable nouveauté était l’abandon officiel par les 28 de l’idée des relocalisations obligatoires des demandeurs d’asile dans toute l’UE. Il y a deux semaines, le ministre de l’Intérieur allemand avait adressé un ultimatum à Angela Merkel, la menaçant de démissionner si un accord n’est pas trouvé au sommet européen des 28 et 29 juin pour lutter ensemble contre l’immigration et si le chancelier continue malgré son échec de lui refuser la possibilité de pratiquer les refoulements aux frontières.
Il faut dire qu’il y aura des élections en Bavière en octobre et que la CSU a peur, en tant que parti frère de la CDU depuis 1949, de se faire doubler sur sa droite par l’AfD.