Gouvernement Barnier : la stratégie Wagenknecht contre le RN

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Le Premier ministre Michel Barnier a communiqué jeudi au président de la République la liste des 38 ministres, dont 16 de plein exercice, qu’il entend prendre dans son gouvernement. Les deux hommes ont eu un entretien cordial. La haute autorité pour la transparence de la vie politique vérifie leur CV, et, sauf surprise, le gouvernement devrait être dévoilé dimanche 22 septembre. Quelques noms ont fuité et choquent à gauche ou au centre, Bruno Retailleau, qui passa chez Villiers, à l’intérieur, Laurence Garnier, opposée à l’IVG dans la Constitution, à la famille, et, à l’Enseignement supérieur, Patrick Hetzel, ancien porte-parole de Fillon. Ces réactions ne tiennent pas compte de la stratégie d’Emmanuel Macron depuis son élection, qui est d’empêcher la venue au pouvoir du RN, et de la mission de la dernière chance confiée à cet effet à Michel Barnier. Or celui-ci est un vieux praticien de l’Europe : il a vu récemment les Pays-Bas et l’Italie basculer, il voit l’Allemagne sous la pression de l’AfD. Or, ce qui a empêché les nationalistes allemands de prendre le pouvoir en Thuringe est la stratégie de Sarah Wagenknecht, qui, avec son nouveau parti de gauche anti-immigration, a capté dix pour cent des voix des Allemands en colère.

 

Macron, Barnier et « l’équilibre » du gouvernement

Deux semaines après sa nomination à Matignon, Barnier paraissait mercredi déjà usé, au bord de la démission. Dans une cohabitation inédite (d’habitude, le président vaincu nomme le chef du parti vainqueur, or, cette fois, il n’y en avait pas en dehors du RN qu’il n’était pas question d’appeler, par définition), Macron a fait valoir ses exigences, jugeant que la première ébauche de cabinet présenté par Barnier ne « respectait pas les équilibres ». Lesquels, comment les mesurer, c’est bien difficile à dire, mais enfin tout le monde comprenait qu’il n’y avait pas assez de macronistes d’Ensemble. Depuis le Brexit, Barnier a l’habitude de négocier, et, après qu’il a laissé courir la menace de sa démission (elle aurait provoqué une nouvelle plongée dans l’inconnu), un équilibre a été trouvé jeudi. Parmi les 16 ministres de plein exercice, 7 devraient revenir à Ensemble, 3 aux Républicains, 2 au Modem, 1 à Horizon (le parti d’Edouard Philippe), un à l’UDI, un divers gauche et un divers droite. Au-delà d’un dosage très IVème République, c’est la politique du président et la stratégie de Barnier qui comptent – les étiquettes politiques n’ayant d’importance que pour les partis qui se répartissent, ou non, les places. La réalité des idéologies est autrement plus éclairante et solide : ainsi le Modem, qui fut démocrate-chrétien, se dit-il aujourd’hui « humaniste », ce qui est une signature.

 

La stratégie de Wagenknecht : gauche sociétalement conservatrice

Or la seule chose que redoutent l’Europe mondialiste dont Macron et Barnier sont chacun à son poste les commis, c’est la création d’un axe de nationalistes dans toute l’Europe, autour d’Orban, Wilders, Meloni, et peut-être Le Pen et d’autres, qui leur permettrait d’agir. En France, il s’agit donc aujourd’hui de couper l’herbe sous le pied du RN. Cette stratégie, même un Olaf Scholtz, socialiste mondialiste, la suit en Allemagne, où il vient de rétablir les contrôles aux frontières. C’est en quelque sorte une NEPS, une nouvelle politique de l’émigration et de la sécurité, toute provisoire et en effets d’annonce. Un Bruno Retailleau serait parfait pour la mener un peu plus loin qu’un Gérald Darmanin, ce n’est pas bien difficile. Le temps d’apaiser la colère du peuple. Et la présence de personnalités de droite qui ont participé à la Manif pour tous et ne veulent pas entendre parler de droit à l’avortement ne doit pas effrayer la gauche. C’est la stratégie de Sarah Wagenknecht, naguère à la gauche de Die Linke, marxiste entre les marxistes, aujourd’hui promotrice d’une politique de gauche conjuguée au « conservatisme sociétal ».

 

La mission de Barnier : couper l’herbe sous les pieds du RN

Cela promet d’être la stratégie aussi de Michel Barnier. Pour qu’il puisse à la fois servir « la dette écologique » (les associations écologistes le soutiennent pour l’instant à fond), donc entrer dans la pratique de l’économie mondialiste, trouver les compromis nécessaires sur le budget, les impôts, la retraite, le tout sous l’œil bienveillant mais attentif de Bruxelles, sans encourir de censure, il n’a pas d’autre choix que de paraître « réactionnaire » à la gauche parisienne sur plusieurs questions de société. Et tout le monde le sait. Et tout le monde sait aussi que, s’il devait renoncer, « ce serait le début des emmerdes sévères », pour reprendre les mots d’un courageux centriste anonyme avide de faire un mot. C’est pourquoi il va mener une politique à la Wagenknecht, de gauche, mais d’aspect assez conservateur sur le plan sociétal. La révolution vaut bien une messe et trois petits pas en arrière, pour mieux avancer.

 

Pauline Mille