Les images de pauvres miséreux se pressant aux portes de l’Europe sont ambivalentes – et tout le monde le sait. D’un côté, elles suscitent la pitié. Comment ne pas se mettre à la place de ces gens qui ont tout quitté, après avoir subi on ne sait quels malheurs, quelle pauvreté, quels manques ? Et si c’était nous ? Et si c’était moi ? Mes enfants ? En parlant aux tripes les chaînes de télévision remplissent une mission : rendre acceptable ce que l’on trouve déjà difficile à supporter. De l’autre côté, elles font peur. On ne peut éviter que le téléspectateur moyen se pose des questions : combien ? Combien de temps ? Quelles sortes de gens ? Qu’en sera-t-il de nous, de moi, de mes enfants ? Malaise assuré. Les conditions sont idéales pour imposer une idée au moyen de l’émotion pour annihiler la raison et pour la manipulation des esprits.
Emotion et manipulation
Voyez l’exemple des embarcations de fortune qui tentent la traversée de la Méditerranée. Les grappes humaines s’accrochant à des canots en caoutchouc renvoient le même message inquiétant : que faire de ces gens ? Mais comment assumer les conséquences quand on ne fait rien ? Les noyés qui coulent à proximité des côtes deviennent ainsi des reproches – on n’ose pas dire de vivants reproches… C’est la culpabilité qui fonctionne et qui s’impose. Jusqu’à ce qu’elle s’émousse, par le simple effet de la répétition – et de l’impuissance du spectateur. Ces morts, disent les mots et les images, c’est nous qui en portons la responsabilité
Créer la culpabilité de l’Occident au moyen d’images manipulées
« La mort d’un homme est une tragédie, celle d’un million d’hommes est une statistique », disait Staline.
Leçon bien apprise par les manipulateurs contemporains… A force de montrer des masses de candidats à l’immigration clandestine, ils étaient en train de trop charger le côté négatif de la balance, et de susciter une émotion, un sentiment trop contraire à « l’accueil des immigrés ». Il fallait une image, une personne, une tragédie clairement identifiable. Ce fut Aylan.
On a su par la suite les interrogations qui entourent cette réelle tragédie. L’enterrement de l’enfant dans le pays qu’il était censé fuir. Le réel propos de son père. Le fait que ce dernier était seul équipé d’un gilet de sauvetage, contrairement aux siens – femme et enfants… Les soupçons quant à son rôle : était-il un passeur ? Il ne semble pas que les grands médias en aient parlé.
C’est ainsi que l’on retourne une opinion – ne serait-ce que provisoirement.
C’est aussi avec de telles images qu’on justifie une intervention militaire. Le pauvre petit Aylan aura été utile, et utilisé pour cela : faire admettre que les frappes militaires sont nécessaires, partout où sévissent ceux qui portent la responsabilité ultime de ces morts – sur qui il est bien réconfortant, finalement, de rejeter la nôtre, où du moins celle qui est présentée comme nôtre, et qui pèse, et qui dérange.
Ne surtout pas voir la réalité des « migrants » avec les yeux de la raison
Cela ne fonctionne pas à coup sûr. Mais à l’évidence, c’est un procédé qui vaut le coup d’être mis en œuvre. Surtout lorsque l’instabilité « là-bas » se double d’une nouvelle instabilité, « ici », créée par l’arrivée massive de personnes qui ne partagent ni notre culture, ni notre foi.
C’est d’autant plus intéressant que dire ces différences est déjà une manière de « tuer » l’autre – comme l’affirme et le répète le message incessant de l’« antiracisme » et de la « non discrimination », depuis les salles de classe jusqu’aux médias d’information et de divertissement. Que reste-t-il, alors ? La culpabilité… ou la colère. Dans un cas comme dans l’autre, d’excellents leviers pour manipuler davantage.