Alors que le nombre de migrants en provenance de l’UE pourrait être beaucoup plus important que ne veulent l’avouer les services compétents, David Cameron est sous le feu de l’accusation d’avoir délibérément « couvert » l’ampleur des nouvelles arrivées ces dernières années. On parle d’un million de personnes comptabilisées mais qui ne paraissent pas dans les statistiques officielles. Et pour ajouter aux soupçons, les ministères qui disposent des vrais chiffres ne veulent pas les rendre publics.
La raison de cette dissimulation serait la peur de pousser les Britanniques à ressentir encore davantage d’hostilité à l’égard de l’Union européenne. Désastreux, quand le Premier ministre est précisément en pleine négociation avec Bruxelles pour pouvoir présenter aux électeurs un compromis capable d’arracher un vote de maintien dans l’UE lors du référendum qu’il a dû promettre pour obtenir sa propre réélection.
Un million de migrants de l’UE n’apparaissent pas dans les statistiques officielles du Royaume-Uni
Les ministères l’ont quasiment reconnu en expliquant qu’ils s’étaient abstenus de publier les données parce que cela « n’aiderait pas » la renégociation actuellement menée par Cameron. Mais ce n’est certes pas Bruxelles qui peut être gênée, ou Cameron affaibli face à la Commission, par ces statistiques : c’est bien le sentiment anti-européen des électeurs qui risque d’être exacerbé. Et ce d’autant que Cameron n’a pas pu faire accepter son plan de priver les migrants de l’UE d’allocations publiques pendant les quatre premières années de leur séjour : disposition qualifiée de discriminatoire et de contraire à la liberté de circulation, notamment par la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque.
Alors qu’on lui dit que le Traité européen est sur ce point à prendre ou à laisser, Cameron se trouve confronté chez lui au problème des arrivées massives de citoyens des autres pays de l’Union, quand il s’est engagé à ramener l’immigration nette à des « dizaines de milliers » d’individus par an. Officiellement, le nombre de migrante UE entrés au Royaume-Uni s’élève à 760.000 au cours des quatre dernières années.
Voilà pour l’Office national des statistiques, fondés sur les entretiens face-à-face lors des nouvelles arrivées par avion comptabilisés par l’International Passenger Survey. Les chiffres de Britain’s Labour Force n’en comptent même que 525.000.
2 millions de numéro de sécurité sociale distribués : où sont les bénéficiaires ?
Mais le nombre de demandes de numéros de sécurité sociale nationale a explosé sur la même période : près de deux millions de migrants originaires de l’Union européenne en ont obtenu sur ces quatre dernières années.
Certains d’entre eux ont pu certes repartir. Mais les Britanniques restent sceptiques : le gouvernement a été saisi d’une demande sur la base du « Freedom of Information Act » sur la transparence des informations publiques pour savoir combien de ces numéros nationaux d’assurance sont « actifs », afin d’avoir une idée plus exacte du nombre de migrants vivant aujourd’hui au Royaume-Uni.
Le ministère des revenus et des douanes (HMRC) a répondu que les données sont actuellement utilisées par David Cameron dans le cadre de ses négociations : « HMRC continue de croire que la mise à disposition d’informations selon les modalités de la requête n’aiderait pas, à ce stade, la réalisation du processus de négociation. »
Autrement dit, c’est une information de type « patate chaude », explosive si vous préférez, et il est urgent de la maintenir sous cloche. Le secret invoqué par le ministère tend à faire penser que la différence entre les chiffres officiels et la réalité n’est pas insignifiante.
David Cameron craint-il le Brexit si les migrants non comptabilisés apparaissent dans les chiffres officiels ?
Steve Baker des « Conservatives for Britain » estime que le gouvernement a pu calculer que le Brexit serait inévitable si les vrais chiffres étaient publiés : « Ils savent que si les gens se rendent compte de la véritable importance de la migration UE ils voteront pour partir. »
Des dizaines ou des centaines de milliers d’introuvables ? Les estimations varient, mais le problème existe bien et il est aggravé par le fait que les demandeurs d’asile ont également disparu des « radars » gouvernementaux par milliers. On parle de 10.000 dossiers où le demandeur principal – et avec lui ayants droit et enfants à charge – ne répond plus aux pouvoirs publics ou s’est évaporé dans la nature.
Gêné, le HMRC assure désormais qu’on l’a mal compris et que les informations demandées sont en voie d’être collationnées pour une publication après le Nouvel An. Une résolution qui ne convainc guère les millions de Britanniques qu’inquiète l’immigration, tandis que Cameron lui-même fait mine de les comprendre en affirmant : « Il s’agit d’une préoccupation majeure des Britanniques qui sape la confiance à l’égard de l’Union européenne. Nous avons besoin d’une solution efficace. »
En attendant, le flot continue.