Mister Gaga : sur les pas d’Ohad Naharin est un documentaire consacré à la vie et l’œuvre de l’Israélien Ohad Naharin, un des plus grands maîtres et chorégraphes de la danse contemporaine. Il a développé le style ou la manière propre de danser dite Gaga, suivant un jeu de mots hébreu. Il n’a rien à voir avec l’artiste de variété provocatrice infiniment plus célèbre et inintéressante Lady Gaga.
 
Ce film s’adresse avant tout aux amateurs de danse contemporaine. Ils seront certainement ravis. Ohad Naharin fait danser ses artistes en caleçons et maillots, ce qui est esthétiquement déjà douteux, fait hurler dans son pays les rabbins opposés à l’impudeur, mais paraît relativement conservateur dans un milieu où la danse nue est assez courante. Si la beauté des chorégraphies reste souvent discutable, donnant parfois dans l’avant-gardisme absurde, le film ne nous a pas semblé impudique. Le mouvement Gaga insiste sur l’extrême souplesse des mouvements, et leur fluidité. Il consiste en une technique de danse mixte, très exigeante.
 

Mister Gaga : sur les pas d’Ohad Naharin

 
Le parcours professionnel d’Ohad Naharin est intéressant. Il a débuté au ballet de l’armée israélienne, lors de son service militaire. Cette affectation, après tout rationnelle du fait de son indiscutable talent, lui aurait été imposée. Il affirme souffrir moralement de ne pas avoir été en toute première ligne avec ses amis : certains sont morts lors de la Guerre du Kippour en 1973, tandis que lui participait à des spectacles du théâtre aux armées. Il a participé dans les années 1970-80 à différentes troupes de ballets, alors célèbres. En 1990, il est rentré définitivement dans son pays, et a fait de Tel-Aviv, jusque-là une scène de danse contemporaine très marginale sinon inexistante, une place qui compte dans ce domaine. Il a rencontré malgré tout des difficultés, du fait du caractère particulier d’Israël, à la fois juif laïc et religieux. Les religieux n’apprécient pas du tout son art, et il y a eu un scandale lors de la représentation prévue du ballet national pour les 50 ans de l’Etat d’Israël en 1998.
 

Ohad Naharin, un traite en puissance ?

 
Ohad Naharin relève d’un sionisme de gauche typique des années 1990. Il se sent donc de plus en plus marginalisé politiquement en Israël d’aujourd’hui. Il définit son pays comme devenu « brutal et raciste ». Il a indiscutablement beaucoup contribué à son rayonnement international. Mais ses mariages, avec de brillantes danseuses internationales non juives, ont fait quand même de lui un traître en puissance, par dissolution du judaïsme pour la droite sioniste et les religieux. Ces réflexions sur Israël ont pu nous intéresser davantage que les spéculations sur les techniques de danse contemporaine, qui forment néanmoins le cœur du propos.
 

Hector Jovien