S’imaginer mort et momifié : la nouvelle mode de la « pleine conscience »

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Parmi les pratiques de « bien-être » qui attirent les foules déchristianisées (ou non…), il en est une, particulièrement bizarre, qui défraie désormais la chronique : celle de la « death meditation » ou méditation sur la mort, façon travaux pratiques. Ses adeptes s’enveloppent par exemple d’un linceul pour s’imaginer mort et momifié, et considèrent ensuite leur propre « cadavre ». Il paraît que cette nouvelle variante de la méditation pleine conscience fait des merveilles pour améliorer le sentiment de bonheur et faciliter l’acceptation de la mort.

La pratique fait le buzz sur les réseaux sociaux, notamment sur le média chinois TikTok, particulièrement prisé des jeunes, où des messages la concernant ont déjà obtenu plus de 2,5 millions de vues. Sur Instagram, autre réseau social privilégiant le visuel, plus de 3.000 posts mettent en scène ces morts virtuelles.

 

La « pleine conscience » de la mort est tout sauf une vraie conscience

Le Dr Carolyn Rubenstein, psychologue de Floride qui se spécialise dans le soin de l’anxiété face à la mort, a qualifié les différentes manières de pratiquer cette méditation de « formidables » en réponse à une question du Daily Mail britannique.

Aux pratiques de momification imaginaire s’ajoutent d’autres formes de « méditation » plus crues, telles celle qui consiste à imaginer la décomposition de son propre corps après la mort, afin de mieux abandonner ses attaches au monde matériel. Certains adeptes choisissent plutôt d’écrire leur propre éloge funèbre – parfait exercice d’orgueil narcissique – qu’ils prononcent ensuite devant un auditoire dont le degré de scepticisme n’est pas précisé.

Une autre approche consiste à imaginer les moments clefs de sa vie, avec force détails : qui était là, ce que le « mort » virtuel avait ressenti, entendu, senti, dans un retour sur soi qui n’a rien d’un examen de conscience.

La méditation sur la mort s’apparenterait ici à une thérapie d’exposition : se forcer à confronter la chose qui fait peur pour s’y habiter afin de vaincre son anxiété ou sa phobie, souligne le Dr Rubenstein. « Cela ne veut pas dire que vous n’aurez pas de peur ou d’anxiété, mais que vous pourrez regarder la mort à la fois à travers le prisme de l’émotion et celui de la logique, afin de pouvoir vous concentrer sur ce qui se produit au moment présent », assure-t-elle.

 

S’imaginer mort et momifié pour mieux profiter de la vie présente

A l’université du Kentucky, le son de cloche – ou du glas – est un peu différent. Les docteurs Nathan DeWall et Roy Baumeister affirment que « penser à la mort favorise l’orientation vers des stimuli émotionnellement agréables ». Autrement dit, cette conscience de la finitude entraînée par la méditation pleine conscience incite à jouir de l’instant présent.

On est à mille lieues de la pratique chrétienne qui ne se focalise pas sur la mort comme un événement physique inéluctable dans le grand cycle de la vie, mais sur les fins dernières, la responsabilité individuelle de ses actes, le salaire du péché et la rédemption qui nous est offerte. Du Memento mori – souviens-toi que tu vas mourir – aux cendres qui rappellent à l’homme qu’il est poussière, et qu’il retournera en poussière, les références de la spiritualité chrétienne à la mort sont innombrables, et concernent le salut de l’âme, la miséricorde divine, la nécessité de la pénitence.

 

« Priez pour nous à l’heure de notre mort »

Le pieux catholique qui récite son chapelet quotidien répète au moins cinquante fois par jour à la Très Sainte Vierge : « Priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. » Le but n’est pas de s’habituer à l’idée du grand départ et de mieux profiter des plaisirs de la vie, mais de préparer l’instant décisif. Quoi de plus important pour le chrétien dans sa course présente que la grâce d’une bonne mort ?

Sans surprise, la méditation pleine conscience sur sa mort simulée n’a aucun lien avec ce regard religieux. On dérange au contraire, et comme d’habitude par les temps qui courent, les traditions bouddhistes, comme le maranasati qui incite à se remémorer qu’on peut mourir à n’importe quel moment et qu’il faut être prêt, parce que la mort n’est pas un « concept effrayant » et que le fait d’y penser peut permettre au méditant un « regard positif » sur ce qui l’entoure.

Il paraît que le covid a accentué la peur de la mort, la thanatophobie, chez un grand nombre de personnes, spécialement les plus âgées. Peur salutaire, en fait, qu’on est en train d’horizontaliser comme une vulgaire phobie de l’avion ou des souris.

 

Jeanne Smits