Nous vous proposons ci-dessous un article de The New American qui met en garde contre l’action d’Elon Musk à la tête des Etats-Unis : DOGE – le tout nouveau Département de l’efficacité gouvernementale – serait en train d’introduire subrepticement l’intelligence artificielle dans tous les rouages du système. Les enjeux sont énormes : il s’agit de laisser, ou non, les commandes de nombreux pouvoirs fédéraux, à l’IA. – J.S.
Reprogrammer la République :
la prise de contrôle silencieuse du pouvoir fédéral par l’IA de Musk
Alors que le débat public est accaparé par un déluge de décrets et de révélations scandaleuses sur le gaspillage et la corruption, l’administration Trump, pilotée par le United States DOGE (Département de l’efficacité gouvernementale) d’Elon Musk, opère en toute discrétion une refonte radicale des activités fédérales, axée sur l’IA.
L’USDS (service numérique des Etats-Unis) récemment créé, dont l’objectif est de « moderniser la technologie et les logiciels fédéraux afin d’optimiser l’efficacité et la productivité du gouvernement », a plutôt fourni à Musk et à ses alliés un moyen de contrôle sans précédent sur la stratégie technologique fédérale – peu surveillé et avec encore moins d’obligation de rendre des comptes.
Musk veut alimenter le pouvoir de DOGE à l’IA
Ce qui était présenté comme une initiative raisonnable visant à améliorer l’efficacité se transforme actuellement, et très vite, en une véritable révolution de l’IA, qui soulève de sérieuses inquiétudes en matière de supervision, de transparence et de pouvoir incontrôlé de technocrates non élus. Alors que le public fait une fixation sur le gaspillage des contribuables, la véritable transformation s’opère en coulisses : ils ne se contentent pas de « rationaliser » Washington, ils reprogramment.
DOGE (en fait, l’USDS réorganisé) et les services de transformation technologique (TTS) sont à l’origine de la refonte des opérations fondamentales de l’administration. Le TTS est une obscure division de la General Services Administration (GSA) chargée de moderniser l’infrastructure informatique fédérale. Aujourd’hui, TTS – avec la GSA – est devenu le premier laboratoire d’essai pour l’expérience gouvernementale « AI-first » de Musk.
Thomas Shedd, ancien ingénieur de Tesla devenu perturbateur du gouvernement, est à la tête de cette initiative. Sous sa direction, TTS recâble le système pour qu’il fonctionne grâce à l’IA. En d’autres termes, TTS développe la technologie et DOGE fixe les règles. Ensemble, ils transforment les agences fédérales en bureaucraties automatisées où ce sont les algorithmes qui mènent la danse.
Lors de la réunion de lundi dernier, Shedd a présenté sa vision de la transformation de l’agence, selon Wired. Il a dessiné les contours du projet visant à ce que TTS fonctionne comme une « startup de logiciels », centralisant de vastes quantités de données fédérales et « automatisant différentes tâches internes » – un euphémisme pour remplacer à terme les travailleurs humains par des systèmes pilotés par l’IA.
Selon Wired, le centre de ce plan est GSAi, un chatbot d’IA générative conçu pour gérer les tâches administratives et rationaliser les achats fédéraux. La GSA, qui fait office de propriétaire, de fournisseur de technologie et de service d’approvisionnement du gouvernement fédéral, supervise des contrats d’une valeur de plusieurs milliards de dollars et gère des infrastructures essentielles pour d’autres agences. L’automatisation d’une fonction aussi essentielle modifie fondamentalement le mode de fonctionnement du gouvernement.
Elon Musk rêve d’intégrer l’IA dans toutes les grandes agences fédérales
Ce programme « AI-first » ne s’arrête pas à la GSA. Le plan consiste à intégrer l’IA dans chaque agence fédérale, en mettant l’accent sur les opérations financières. Selon l’article, Shedd vise essentiellement une « stratégie de l’IA d’abord ». Il a présenté une série d’exemples de projets auxquels l’administrateur intérimaire de la GSA, Stephen Ehikian, cherche à donner la priorité, y compris le développement d’« agents de codage de l’IA » qui seraient mis à la disposition de toutes les agences. Shedd a clairement indiqué penser qu’une grande partie du travail de TTS et du gouvernement dans son ensemble, en particulier en ce qui concerne les tâches financières, pourrait être automatisée.
Cette situation pourrait modifier fondamentalement la manière dont le gouvernement interagit avec les citoyens, recrute des entrepreneurs et des employés, et traite les prestations. Cela aurait également des conséquences considérables sur l’application de la réglementation, la gestion des marchés publics, le contrôle de la conformité et même l’élaboration des politiques.
Dans le cadre d’un changement stratégique du discours, l’administration a placé le gaspillage gouvernemental au centre du débat public. Elle a également présenté l’automatisation pilotée par l’IA comme la solution. Pour renforcer l’urgence, des titres récents ont mis en lumière les dépenses « choquantes » de l’USAID – de 1,5 million de dollars pour des initiatives DEI en Serbie à 70.000 dollars pour une comédie musicale DEI en Irlande et 25.000 dollars pour un opéra transgenre en Colombie. Sans oublier que l’agence a alimenté des opérations de changement de régime pour le compte de la CIA.
Musk a touché une corde sensible
S’il y a bien un signe prouvant que la réforme s’est trop fait attendre, c’est la réaction hystérique des Démocrates. Leur indignation face à la mise en lumière par Musk des dépenses de l’USAID confirme que ce soi-disant « effort d’efficacité » touche la corde sensible de l’« Establishment ».
« C’est exactement ce qu’Elon Musk a été chargé de faire par le président Trump : éliminer la fraude, le gaspillage et les abus de notre gouvernement fédéral », a déclaré Karoline Leavitt, porte-parole de la Maison Blanche. Mais elle n’a pas précisé que cette « efficacité » a un prix : l’échange de bureaucrates contre des algorithmes et d’une surveillance humaine contre le contrôle par l’IA.
Le discours s’est désormais intensifié. Il ne s’agit pas seulement de remédier au gaspillage, mais aussi de faire, en sorte, ce pour quoi les Américains ont prétendument « voté ».
Selon la représentante Marjorie Taylor Greene (R-Ga.), le projet DOGE de Musk faisait partie intégrante du message de la campagne de Trump pour 2024. Elle a déclaré que les Américains « adorent DOGE [et son concept] » de réduction du gaspillage, de diminution de la bureaucratie et d’éradication de la corruption – ce qui est vrai.
Mais soyons clairs : Musk n’était pas sur le bulletin de vote, et sa prise de contrôle par l’IA n’a jamais fait partie de la campagne. Oui, les coupes budgétaires sont nécessaires. Mais confier l’intégralité du système d’exploitation du gouvernement américain à l’IA ? Cette question n’a jamais été débattue.
Le pouvoir de l’IA se moque de la Constitution américaine
Les Pères fondateurs méprisaient l’oligarchie, car ils savaient que lorsque le pouvoir se concentre entre les mains de quelques-uns, la liberté est la première victime. James Madison, l’architecte de la Constitution, l’a dit clairement :
« L’accumulation de tous les pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire, dans les mêmes mains, qu’il s’agisse d’un seul, de quelques-uns ou d’un grand nombre… peut à juste titre être considérée comme la définition même de la tyrannie. »
Ils ne craignaient pas seulement la monarchie, mais aussi toute classe d’élite – corporative, politique ou technologique – susceptible de passer outre aux contrôles démocratiques et d’instaurer un pouvoir par des personnes non élues.
Et pourtant, nous y sommes.
Elon Musk est volontiers dépeint comme un révolutionnaire luttant contre l’Etat profond – l’outsider milliardaire à la fibre libertaire censé démanteler les structures de pouvoir enracinées. Pourtant, la réalité est bien moins rebelle et bien plus inquiétante. Des marchés publics de grande envergure. Une « application pour tout » à la chinoise. Des ambitions transhumanistes dans lesquelles l’avenir appartient à ceux qui sont branchés sur sa puce cérébrale. Ce ne sont pas les caractéristiques d’un perturbateur anti-establishment – ce sont des signaux d’alarme majeurs. Il est temps d’y prêter attention.
Les Etats-Unis exécutent-ils le programme mondialiste ?
Alors que les équipes de la DOGE sont implantées dans l’ensemble du gouvernement fédéral, armées d’outils d’IA, ce qui était présenté comme une initiative d’efficacité est en train de se transformer en une technocratie pilotée par l’IA, parfaitement alignée sur les ambitions mondialistes de l’Organisation des Nations unies (ONU) et du Forum économique mondial (WEF).
S’il est vrai que la croisade de Musk en faveur de l’automatisation peut réduire la main-d’œuvre fédérale, les fonctions réelles du gouvernement pourrait s’étendre au-delà de tout ce qui a été imaginé jusqu’à présent – transformant la gouvernance en un appareil autonome, géré par l’IA et doté d’une portée et d’un pouvoir sans précédent.
Ne vous y trompez pas. Jusqu’à 80 % du gouvernement fédéral américain est inconstitutionnel. The New American et sa société mère, la John Birch Society (JBS), l’affirment depuis longtemps. Pourtant, le remède à cette situation est simple, gratuit et peu technique : le retour de la gouvernance dans les limites constitutionnelles, pour laisser exercer la plupart des fonctions au niveau local.
Confier le système d’exploitation du gouvernement américain à un milliardaire non élu sous couvert de réforme n’est pas seulement un pari dangereux, c’est une menace directe pour la République que les fondateurs auraient immédiatement identifiée. Avec son contrôle étendu sur la gouvernance de l’IA, les contrats de défense, l’infrastructure spatiale, les opérations du Trésor et l’automatisation des agences fédérales, la vraie question n’est pas de savoir si Musk est un perturbateur, mais plutôt s’il est en train de conforter son pouvoir plus rapidement que n’importe quel autre personnage de l’establishment avant lui.
Ce texte a paru en anglais dans The New American sous la plume de Veronika Kyrylenko.