Elon Musk ne cesse de mettre en garde contre l’intelligence artificielle et son potentiel destructeur, tandis que Bill Gates y voit déjà le tuteur de demain pour les nouvelles générations d’écoliers. Le débat est plein de paradoxes : Musk développe en parallèle un nouveau « ChatGPT », alors que Gates ne répugne pas non plus à jouer avec le feu, comme il l’a fait en faisant la promotion de la piqûre anti-COVID.
Musk, invité récemment dans l’émission de Tucker Carlson sur FoxNews, est allé jusqu’à dire que l’AI pourrait « détruire la civilisation » :
« L’AI est plus dangereuse que, disons, la conception défectueuse d’un avion, ou la mauvaise gestion de la production ou de la maintenance automobile, en ce sens qu’elle a le potentiel – et même si l’on considère cette probabilité comme faible, elle est néanmoins non négligeable – de détruire la civilisation. »
Elon Musk lance des mises en garde contre une technologie qu’il finance
Un mois plus tôt, Elon Musk avait déjà appelé avec un millier d’autres personnalités à un moratoire de six mois sur le développement de systèmes avancés d’intelligence artificielle, mettant en avant les risques de « diffusion de propagande et de mensonges », les pertes d’emploi et le développement de « cerveaux non humains qui pourraient un jour nous dépasser en nombre et en intelligence, nous rendre obsolètes et nous remplacer », avec un « risque de perte de contrôle sur notre civilisation ».
Mais Musk, qui a participé à la fondation et au financement d’OpenAI, créateur du robot ChatGPT, avant de s’en éloigner, a récemment acquis des milliers d’unités de processeurs graphiques avec l’intention de créer son ChatGPT à lui : TruthGPT. Celui-ci aurait pour mission de chercher « la vérité maximale » et d’essayer de « comprendre la nature de l’univers » : « une intelligence artificielle qui se soucie de comprendre l’univers ne risque pas d’anéantir les humains, parce que nous sommes une partie intéressante de l’univers », a-t-il déclaré.
Autrement dit, la fascination pour cette intelligence non humaine est bien là, Musk allant jusqu’à lui attribuer implicitement une forme de conscience et de jugement moral. Lors de son entretien avec Musk, il a plaidé pour la régulation publique de l’AI, même si « ce n’est pas drôle de subir la réglementation ». Et il faut le faire avant que l’intelligence artificielle n’ait « pris le contrôle : après, il sera trop tard ».
Terrain de jeu des hyper-riches, ces innovations techniques fondamentalement transgressives qui cherchent à « améliorer » l’homme en le dotant de superpouvoirs ne risquent guère de trouver de frein.
Pour Bill Gates, l’intelligence artificielle pourra fournir les enseignants de demain
Bill Gates, quant à lui, n’a guère de scrupules quant au développement de l’intelligence artificielle. Hostile au moratoire proposé par Musk, il a déclaré lors du sommet ASU+GSV sur l’éducation et la technologie à San Diego, Californie, mardi dernier, que si l’AI n’a pas actuellement la capacité de remplacer les professeurs, le jour où elle l’aura n’est pas très éloigné. « L’AI obtiendra la capacité à être un aussi bon enseignant que le meilleur professeur humain possible », a-t-il expliqué lors de cette convention qui a réuni cette année plus de 5.000 participants. Et d’encourager le dialogue pour identifier ce qui lui manque pour cela.
Le sommet ASU+GSV, assure Forbes, est « le Davos de l’éducation ».
Gates a poursuivi en saluant l’avancée de ChatGPT, qui a bénéficié de la participation de Microsoft, affirmant au sujet de l’intelligence artificielle : « Vous savez, elle peut écouter et reconnaître la parole mieux que les humains. Elle peut reconnaître des images et des vidéos mieux que les humains. Le domaine dans lequel elle est essentiellement inutile est celui de la lecture et de l’écriture. On ne pouvait pas prendre, par exemple, un manuel de biologie, le lire et réussir un examen universitaire. L’avancée que nous avons aujourd’hui, et qui est très récente, est davantage liée à la lecture et à l’écriture – cette incroyable aisance qui permet de lui dire : “Écrivez une lettre… comme Einstein ou Shakespeare l’aurait écrite”, et d’être, au moins à 80 % du temps, très impressionné par le résultat. »
On ne sera pas étonné d’apprendre que la réunion de San Diego s’est tenue sous un intitulé révélateur : Brave New World – le titre original de la dystopie d’Aldous Huxley, Le Meilleur des Mondes. On ne peut pas dire qu’ils n’assument pas leurs objectifs.