Nebula Genomics : quand l’étude du génome de l’individu rencontre le blockchain

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C’est une nouvelle étape dans la marchandisation et la chosification de l’être humain : une nouvelle société de génomique a été lancée en février, qui propose de conserver et de monétiser le génome des individus. Nebula Genomics offre ainsi un nouveau service né de la conjonction du séquençage du génome avec la technologie du blockchain qui permet de sécuriser des données sur Internet par la mise en réseau d’informations cryptées. Les clients potentiels pourront introduire leurs données personnelles dans le système, avec une assurance de leur protection, mais auront aussi la possibilité de les louer à des chercheurs ou à des laboratoires médicaux de manière totalement anonyme – telle est du moins la promesse de Nebula Genomics.
 
Voilà qui pose de nombreuses questions à la fois pratiques et éthiques, constate Pete Shanks du Center for Genetics and Society. Le génome humain appartient-il à l’humanité, comme le laisse entendre la Déclaration universelle de l’Unesco sur le génome humain et les droits de l’homme adoptée en 1997 ? La gestion de banques de données de ce type peut-elle se faire de manière privée ? (Mais aussi : est-il souhaitable qu’elle soit réalisée par des organismes publics ?) Peut-on commercialiser ce type de données ?
 

Nebula Genomics : permettre aux individus de « vendre » leur génome

 
L’initiative de Nebula Genomics n’est pas la première de son genre – il y en a eu d’autres depuis 2013 – mais elle est certainement la plus spectaculaire, notamment parce que son cofondateur, George Church de Harvard et du MIT, est très connu dans le monde de l’étude du génome, et que l’initiative se fait en partenariat avec Veritas, une société qu’il a également fondée. Bien connue, elle propose de séquencer le génome des individus afin de leur permettre de prendre des décisions médicales « éclairées » en phase avec leurs informations génétiques personnelles. Un autre partenariat relie Nebula Genomics à Enigma, la société de blockchain créée par des diplômés du Massachussetts Institut of Technology pour travailler sur l’inviolabilité des données et la réduction de coût de cette nouvelle technologie.
 
Nebula parie sur une baisse des prix du séquençage du génome – moins de 100 dollars « d’ici à quelques années ». En proposant une rémunération, on peut supposer que la nouvelle société cherche à multiplier les séquençages individuels. Le Personal Genome Project lancé en 2005 par le même George Church visait ainsi à séquencer le génome de 100.000 individus volontaires disposés à partager les résultats, en même temps que les données relatives à leur phénotype, à des fins de recherche. Douze ans plus tard, quelque 10.000 volontaires seulement s’étaient manifestés. Un échec cuisant.
 
Il était imputable au prix de l’opération, d’abord. Mais le deuxième facteur de refus le plus fréquemment cité lors d’un sondage commandé par Nebula était la protection des données individuelles. Le blockchain est susceptible de mettre fin à ce frein, puisque l’anonymat qu’il assure fait partie de son succès – les criminels ne préfèrent-ils pas les crypto-monnaies ?
 

Nebula Genomics s’associe au blockchain pour valoriser l’étude du génome

 
Le stockage crypté des données est désormais possible au sein du blockchain grâce aux « portefeuilles » personnels. Couplé avec l’Internet à très grande vitesse et l’accès à des bases de données de plus en plus gigantesques et sophistiquées, ce nouvel outil permet de mettre en relation rapidement et à moindre coût les chercheurs des grosses sociétés et d’autres entités avec des milliers d’individus pour obtenir par exemple un droit d’utilisation temporaire de leur génome spécifique. Ainsi, les grandes entreprises pharmaceutiques pourraient-elles se faire communiquer les génomes d’hommes de 50 à 60 ans souffrant de Parkinson et n’ayant pas d’autres maladies connues, moyennant un prix à définir par le marché.
 
Les clients de Nebula devront payer pour la conservation décentralisée de leurs données génétiques qui constitue en même temps une richesse exploitée par la société. Ils devront également remplir des questionnaires relatifs à leurs données phénotypiques, à conserver par exemple sur des plates-formes comme Dropbox, mais qui seront exploitées par Nebula pour aider les loueurs de données à choisir des génomes pertinents. C’est ce conseil qui constituera la valeur ajoutée par Nebula.
 
Sur le plan financier, le montage pose également quelques questions. Les acheteurs professionnels de données devront payer cash, mais toutes les autres transactions se feront au moyen d’une cryptomonnaie maison, les « jetons Nebula » utilisés pour rémunérer les individus dont les données sont stockées, rémunération qui leur sert à payer le séquençage de leur génome. Ce qui pose la question de la première acquisition des données sur leur ADN, ou de la première acquisition des jetons Nebula. Faudra-t-il avoir un phénotype rare pour entrer dans la boucle ?
 
On est aux confins de l’absurde.
 

Anne Dolhein