Le ministre de la culture fait disparaître Maurras des commémorations de 2018 sous la pression du politiquement correct. Le préfet de Loire Atlantique présente comme une victoire une promenade en blindé sur la route de Notre-Dame-des-Landes. Partout l’État s’avoue impuissant pour faire oublier qu’il est complice.
Elle était pathétique et dérisoire, vendredi, Nicole Klein, sur la « route des chicanes », symbole de l’entrave faite à la circulation par les zadistes de Notre-Dame-des-Landes. Elle a posé pour les photographes en train de faire quelques pas, souriante, quasiment triomphante. Le public était prié de lire que l’autorité de l’État était rétablie dans ce territoire soustrait depuis des mois à la légalité de la république. L’on n’entendait les coqs chanter la gloire de l’État dans le lointain. Le préfet avait longtemps été à la peine aux champs de Notre-Dame-des-Landes, il se trouvait à l’honneur et la loi était rétablie.
Les zadistes de Notre-Dame-des-Landes montrent leurs fesses à l’État
Sauf que, derrière les photos se dessine une réalité moins brillante. Nicole Klein n’a pu pénétrer sur la route que dans un convoi de quatre véhicules blindés affrété par le GIGN, sous la surveillance d’un hélicoptère de la gendarmerie. Cela rappelait l’ouverture des routes en pays peu sûr lors de la guerre d’Indochine. La population demeurait ouvertement hostile, puisque madame le préfet a défilé entre deux haies de zadistes qui lui tournaient le dos et ont ôté leur pantalon pour lui montrer leurs fesses au gré de sa progression. La route demeure d’ailleurs fermée à la circulation, semée de ralentisseurs, de carcasses de voitures, de restes de barricades, bordées de cabanes illégales.
En sa qualité de préfet, Nicole Klein incarnait l’autorité de l’État : le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne s’est pas montré trop dure pour les délinquants avérés et récidivistes que sont les zadistes, annonçant « un dialogue apaisé » : les gendarmes n’ont d’ailleurs pas esquissé un mouvement contre les zadistes « cagoulés ou/et masqués ».
L’État impuissant à défendre son autorité
En revanche, elle n’a pas pris de gant pour annoncer que l’État prendrait à sa charge les travaux de remise en état de la route, six semaines pour six cent mille euros aux dernières nouvelles : c’est le contribuable français, c’est-à-dire nous tous, qui va régler les erreurs des élus et les rébellions des zadistes. Car il faut tout de même rappeler, quelque opinion qu’on ait sur le dossier de Notre-Dame-des-Landes, que le processus aboutissant à la construction du nouvel aéroport était légal, et qu’il avait été appuyé par un referendum consultatif parfaitement régulier. L’État a donc cédé devant la rue, les écologistes politiques et les activistes dangereux venus de toute l’Europe. Devant le politiquement correct qui se présente comme le bien, et se trouve renforcé par ce recul de l’État. Pire, les zadistes venus squatter les lieux pendant des années pour s’opposer à la loi entendent rester, ce qui reviendrait à officialiser leur victoire. L’un des leurs a d’ailleurs lâché avec superbe : « C’est une force considérable que nous ne sommes pas près de lâcher ».
Le politiquement correct maître de l’histoire exclut Maurras
On retrouve la même déréliction de l’État dans l’affaire Maurras. Il existe un livre des commémorations, publié chaque année par le Haut comité des commémorations nationales. Pour 2018 figuraient notamment François Couperin, né en 1668, et Charles Maurras, né en 1868. Le choix est opéré sous la responsabilité d’historiens très comme il faut, dont Pascal Ory, Jean-Noël Jeannenney et Claude Gauvard. Mais le nom de Maurras a semé l’agitation parmi les associations spécialisée dans la protestation antiraciste et anti-antisémite. La Licra a rappelé que l’écrivain avait été condamné à « l’indignité nationale » pour « intelligence avec l’ennemi » à la libération. SOS Racisme a donné dans l’emphase : « Ne laissons quiconque opérer une opération de réhabilitation de celles et de ceux qui, par leurs écrits et leurs actions, ont contribué à assombrir le siècle dernier ». Et le préfet Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) s’est montré péremptoire : « Commémorer c’est rendre hommage. Maurras, auteur antisémite d’extrême droite, n’a pas sa place dans les commémorations nationales 2018 ».
L’État et la culture impuissants face à l’intimidation
Françoise Nyssen, ministre de la culture, a tout d’abord fait valoir « qu’il ne s’agit évidemment pas de célébrer le penseur de l’extrême droite qu’était Maurras, mais au contraire de connaître son rôle dans l’histoire de France. » Peine perdue. Quand le politiquement correct tient un os, il ne le lâche pas. Voilà quelques années, Frédéric Mitterrand, ministre de gauche de la culture de Sarkozy avait dû lâcher devant les mêmes associations et rayer l’écrivain Louis Ferdinand Céline du même livre des commémorations.
Le motif était le même : radié pour antisémitisme. Mais, dira le lecteur, Maurras avait en tant que patron de l’Action Française des responsabilités politiques, et son antisémitisme d’État, quoi que n’ayant rien à voir avec le racisme biologique de Hitler ni les invectives de Céline, n’en était pas moins réel. Sans doute, mais ce n’est pas une raison pour le faire disparaître de l’histoire de France, pas plus que l’écrivain esclavagiste Voltaire, le penseur antisémite Proudhon, etc. L’histoire n’est pas un cours de morale décontextualisé. Françoise Nyssen le sait bien, qui a assuré les historiens du haut conseil pour les commémorations de sa confiance. Mais elle n’en a pas moins rayé Charles Maurras de la liste des commémorations, fait droit aux demandes délirantes des associations, et fait rééditer un nouveau programme aux frais du contribuable.
État victime, État complice, consanguin politiquement correct
Une nouvelle fois, l’État s’est donc avoué impuissant face au système politiquement correct. Impuissant en partie et complice en même temps. Frédéric Mitterrand, expression d’un certain Tout Paris, s’était incliné naguère devant ses copains d’un certain Tout Paris, comme le fait aujourd’hui Françoise Nyssen. L’État rend la chose obligatoire en recrutant toujours dans le même vivier, et en tendant toujours, soit avec les politiciens professionnels, soit en piochant dans ce qu’il est convenu de nommer la société civile, vers le consensus idéologique. La dernière sortie de Christophe Castaner, le patron de la République en marche, en faveurs de listes pour les élections européennes qui regrouperaient les hommes politiques de Cohn-Bendit à Juppé, est représentative de cet état d’esprit. Il existe au sommet de l’État et des autres branches de décision du système une espèce de consanguinité politiquement correcte. L’ascension et la bougeotte du jeune énarque Frédéric Pottier en est une illustration éclatante : au nom d’une nouvelle usine à gaz de l’État, la DILCRAH, il décide du bien et du mal et impose sa volonté au ministre de la culture. Cela, aussi, entre dans l’évolution du régalien.