Sous la pression populaire et médiatique, la police de l’Oklahoma a dû désactiver de tout nouveaux scanners qu’elle venait de mettre en route afin d’identifier et d’évaluer les fonds enregistrés sur des cartes de crédit prépayées pour déterminer s’ils sont d’origine frauduleuse. Les scanners « ERAD » (Electronic Recovery and Access to Data) permettent la saisie immédiate des fonds soupçonnés d’être liés à une activité criminelle. Un haut responsable du Département de la sécurité de l’Etat doit participer à une formation à leur utilisation après quoi la question de leur utilisation future sera revue par le Département.
Le service de la sécurité publique de l’Oklahoma a acheté ces lecteurs électroniques pour les distribuer aux patrouilles et à la police autoroutière. Leur intérêt ? Ils révèlent le solde, positif ou négatif, des cartes prépayées de toute sorte, fournissant par ailleurs une information limitée sur toute carte ayant une bande magnétique, y compris des cartes bancaires de crédit ou de débit.
Les habitants de l’Oklahoma sont d’autant plus chatouilleux sur la question qu’une réforme des procédures de saisie de biens civils a provoqué de vifs débats ces dernières années, alimentés par des cas hautement médiatisés de saisies policières injustifiées d’argent et autres actifs auprès de personnes innocentes – le plus souvent, qui plus est, en l’absence de toute mise en accusation formelle.
Des scanners qui permettent à la police de s’emparer de l’argent abusivement
Chaque lecteur-scanner coûte à l’Etat environ 5.000 dollars, auxquels il faut ajouter 1.500 dollars pour le stage de formation. L’Etat a en outre accepté de payer le fabricant, le groupe ERAD, sous forme de pourcentage : à raison de 7,7 % de tous les fonds engrangés par ces appareils lors des saisies policières. Pour ses promoteurs, c’est une arme importante contre le trafic de drogue, puisqu’elle permet de saisir sur-le-champ des fonds qui ne se trouvent pas à proximité de la marchandise illicite, et de contourner l’astuce des dealers qui évitent en multipliant les cartes de travailler avec de l’argent liquide. Mais le procédé inverse la charge de la preuve, mettent à mal la présomption d’innocence et ouvrant la porte aux abus : les personnes innocentes se verraient contraintes de justifier que les fonds ne sont pas liés à une activité criminelle pour les récupérer.
Le sénateur Kyle Loveless (Républicain) met en garde contre une utilisation exagérée de ces procédures, étant donné que la possession de multiples cartes prépayées n’est pas en soi délictueuse : « On a déjà vu des biens de gens innocents être saisis… », dénonce-t-il à propos des nouvelles procédures de saisie policière.
Au mois d’avril, par exemple, la police a saisi plus de 50.000 dollars chez le gestionnaire d’un groupe birman de rock chrétien. Or, il s’agissait de dons récoltés lors des concerts du groupe pour un orphelinat. La police a mis deux mois pour restituer la somme…
Dans l’Oklahoma, saisie immédiate de l’argent des cartes prépayées
Les critiques invoquent ces cas pour montrer que la police saisit d’abord et pose des questions ensuite. Système malsain, puisque l’argent saisi dans un cadre de protection insuffisante des propriétaires vient alimenter les caisses de la police : des détournements de fonds ont déjà eu lieu et au moins un cas d’extorsion de fonds est sous le coup d’une enquête. Avec les nouveaux scanners, une nouvelle difficulté se fait jour : le fait que l’Oklahoma donne une partie des sommes saisies à un fournisseur privé, le groupe ERAD.
Le sénateur Loveless a déposé une proposition de loi qui rendrait obligatoire l’existence d’un mandat judiciaire préalable, revoyant à la hausse le niveau de preuve requise pour justifier une telle procédure. La responsabilité de l’Etat de l’Oklahoma serait ainsi impliquée, de sorte qu’il n’incombe plus au citoyen de prouver son innocence. Le texte comprend aussi des mesures de transparence pour suivre les saisies et permettre de savoir ce que devient l’argent confisqué par la police.
Fonds suspects et présomption d’innocence : les citoyens de l’Oklahoma tiennent à leurs libertés
Matt Miller, avocat de l’Institute for Justice qui pense que toute confiscation devrait réservée à des procédures pénales, fait remarquer qu’un nombre croissant de personnes sont payés par leurs employeurs au moyen de cartes de débit ou prépayées, car elles sont nombreuses à ne plus avoir de compte en banque traditionnel.
Le sénateur Loveless fait observer que la mise en place des machines ERAD s’est faite sans que le législateur en soit seulement averti, alors même qu’une écrasante majorité des habitants de l’Etat se dit – aux termes d’un récent sondage – opposée à la mise à place de ces pompes à fric dernier cri.