Dans une décision qui fera date, les juges de la cour constitutionnelle allemande ont prévenu qu’ils ne tolèreront aucune mesure imposée par l’UE qui contredirait les principes de la Constitution allemande. Ils ont cependant capitulé sur un point crucial, reconnaissant implicitement la primauté de la Cour européenne de justice.
Pour Gunnar Beck, spécialiste de droit constitutionnel à l’université de Londres « La cour a affirmé son droit résiduel à remettre en cause la loi européenne, mais dans la pratique elle s’est soumise. »
La décision n’offre que peu de secours aux eurosceptiques ou à la Cour suprême britannique qui construit sa propre doctrine basée sur le Bill of Rights, la Magna Carta et les éléments historiques qui ont permis l’élaboration de la Constitution britannique. La décision allemande a des répercussions sur le débat du Brexit.
La cour constitutionnelle allemande ne s’est pas opposée à l’OMT, la politique dispendieuse de la Banque centrale européenne
La cour constitutionnelle allemande a décidé que l’OMT (opérations monétaires sur titres), le programme de sauvetage de la Banque centrale européenne mis en œuvre en 2012, n’est pas en opposition avec la loi fondamentale allemande et peut dès lors se poursuivre. Cette décision pose néanmoins une limite. Elle dit que l’OMT ne peut être utilisé que pour acheter des actions de pays qui bénéficient encore de « l’accès au marché », ce qui le rend inopérant puisque par définition un tel pays n’a pas besoin de sauvetage. La limitation posée par la cour allemande est néanmoins purement formelle, l’eurozone ayant maintenant un fonds de réserve destiné à la contourner.
L’OMT a été dépassé par la politique d’argent facile (quantitative easing) de la Banque centrale européenne qui a inondé le marché obligataire européen et tiré les taux de rendements à baisse. L’Italie et l’Espagne peuvent emprunter à des taux négatifs à deux ans, et l’Irlande à cinq ans.
La Cour européenne de justice ne sera sans doute pas contestée par la cour constitutionnelle allemande
La conséquence la plus importante de cette décision concerne les relations entre la Cour de justice européenne et les cours nationales et la suprématie que la Cour européenne établit progressivement. Les juges allemands ont dit que les lois européennes ont leurs limites, ajoutant que l’Etat allemand devait utiliser des moyens « légaux et politiques » pour s’opposer toute ingérence qui « violerait l’identité constitutionnelle »…
Un langage fort mais qui n’a pas la vigueur de celui entendu lors du Traité de Lisbonne, et ne peut cacher le fait que la Cour allemande est dans une position délicate. Elle doit tenir compte de la dette européenne et respecter deux principes : la priorité accordée par le peuple allemand à la coopération européenne, et la solidarité qui la lie aux autres cours.
Pour le Pr Beck, la cour a choisi de rendre sa décision deux jours avant le référendum sur le Brexit pour calmer les craintes sur les marchés de la zone euro et ne pas mettre en doute la légitimité du quantitative easing que la BCE pourrait devoir mettre en œuvre en cas de Brexit. On peut dès lors douter que la cour allemande vienne se poser en rempart contre la Cour européenne pour défendre le droit à la souveraineté.
Si la Cour suprême britannique, que les eurosceptiques appellent à résister à la Cour européenne de justice, met en échec une loi européenne, elle ne pourra pas s’appuyer sur un précédent allemand.