Divisée, trahie par les siens, contrée par l’offensive de Trump sur le pétrole, l’OPEP n’arrive pas à maintenir les cours

OPEP divisée offensive pétrolière Trump cours
 
L’OPEP n’est plus ce qu’elle était. Avec son déclin, les cours des hydrocarbures peinent à se redresser et l’influence des monarchies islamo-pétrolières est fragilisée. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole vient d’analyser la façon dont ses treize membres – dont huit pays islamiques et un, le Nigeria, qui l’est partiellement – appliquent l’accord qu’ils ont passé le 30 novembre dernier destiné à soutenir les cours. Cet accord imposait une réduction globale de production de 32,5 millions de barils-jours. L’effondrement depuis deux ans des prix du brut, matière première qui satisfait 32 % des besoins énergétiques mondiaux, a profondément déstabilisé les finances des pays producteurs, entraînant des déficits budgétaires historiques jusqu’en Arabie saoudite. Or le rapport indique que de nombreux pays membres du cartel ont fraudé. L’Irak, le Venezuela, l’Angola et l’Algérie ont moins réduit leur production qu’exigé. Le Nigeria, la Libye et surtout l’Iran, eux, ont produit… plus qu’auparavant. Le Nigeria et la Libye, pays qui connaissent des situations politiques dramatiques, étaient juste exemptés de réduction.
 

L’OPEP divisée, trahie par la surproduction qui pèse sur les cours

 
Au final, ce sont l’Arabie Saoudite, le Koweït et les Emirats arabes unis qui ont dû compenser les défections de leurs partenaires, baisses insuffisantes ou hausses. La production totale du cartel en janvier se situait in fine à peine au-dessous de l’objectif de 32,5 millions de barils-jours, à 32,1. De quoi aviver encore des tensions politiques évidentes qui, en particulier, ne feront qu’aggraver la sanglante opposition culturelle et religieuse entre l’Arabie saoudite et l’Iran, deuxième exportateur de pétrole de l’OPEP, ces frères ennemis jurés de l’islam.
 
Outre ses divisions et la trahison de plusieurs de ses membres, l’OPEP souffre de sa perte globale d’influence. La stabilisation de sa production ne suffit pas à peser suffisamment sur le marché. Le rapport signale ainsi que les hausses des prix du baril, enregistrées depuis quelques mois, ont été freinées par « l’activité extractive croissante aux Etats-Unis ». Les cours de l’or noir pourraient donc reprendre leur baisse, malgré les efforts de l’OPEP pour les pousser vers le haut.
 

La politique offensive de Trump sur le pétrole

 
Parmi les vents contraires qu’affronte le cartel dominant, il y a la politique pétrolière offensive de Donald Trump. Le nombre de puits en fonction aux Etats-Unis a bondi à 591 la semaine dernière, nombre le plus élevé depuis octobre 2015 et en hausse de 114 depuis l’accord de novembre à l’OPEP. De plus, le département américain de l’Energie vient d’annoncer qu’il s’apprête à réduire la réserve stratégique des Etats-Unis en mettant 10 millions de barils sur le marché. Troisièmement, les stocks de pétrole brut viennent de bondir de 14 millions de barils la semaine dernière, portant le total des stocks privés de pétrole à un record de 80 années, à 508 millions de barils. Faire remonter les cours dans ces conditions relève de la gageure. Les faire remonter quand les membres de l’OPEP tirent à hue et à dia, ne considérant plus que leur intérêt propre à très court terme, relève du fantasme. Pour couronner le tout, les compagnies pétrolières et gazières états-uniennes empruntent sur les marchés financiers à des taux jamais vus depuis le début du siècle. Pour le seul mois de janvier, treize levées de fonds ont totalisé à ce jour 6,64 milliards de dollars US. Et cet argent ne va pas seulement vers l’exploitation des champs existants, mais aussi vers l’achat de nouvelles réserves par fusions-acquisitions. Ces dernières ont totalisé 24 milliards de dollars en 2016. En 2017, les compagnies ont déjà investi la moitié de cette somme alors que nous ne sommes qu’en février.
 

Matthieu Lenoir