La chute des cours du pétrole depuis le mois de juin n’est pas près de s’arrêter, selon les analystes, après la décision de l’OPEP solennellement réunie à Vienne de maintenir, voire d’augmenter la production dans un contexte de demande déprimée. Furieux, le ministre de l’énergie du Venezuela a claqué la porte de la réunion après avoir plaidé en vain pour une limitation seule capable d’assurer aux pays les plus dépendants des exportations de pétrole de maintenir leurs revenus. L’Iran et le Nigeria sont sur la même position. La baisse, assurent les analystes, durera au moins jusqu’aux premiers mois de 2015.
Ces mêmes analystes prédisaient il y a trois ans un baril à 200 $, cela dit.
Pour les consommateurs particuliers européens, qui ploient sous des taxes insupportables sur l’essence et le gasoil (60% et 52% respectivement en France), la baisse du prix à la pompe est limitée, mais appréciable. C’est une bonne nouvelle aussi pour l’industrie comme pour les transports – des compagnies aériennes ont vu leurs actions monter en flèche – même si la baisse de l’euro par rapport au dollar contrebalance un peu la chute du pétrole.
La Russie, victime de la baisse
Ce sont les pays arabes, traditionnels alliés des Etats-Unis, qui ont décidé de jouer la carte baissière nuisible – par exemple – à la Russie dont l’économie dépend largement de ses exportations énergétiques. Le pétrole est une denrée éminemment politique, comme l’avait montré la première crise du pétrole au début des années 1970 : les pays amis d’Israël devaient alors acheter le pétrole à près de 120 $ le baril (en données ajustées par rapport à l’inflation). De cette époque aussi date l’interdiction d’exporter le pétrole brut extrait aux Etats-Unis. L’interdiction, sous la pression notamment d’officines mondialistes comme le Council on Foreign Relations, a été partiellement en juillet (au grand dam des raffineurs américains) et devrait s’assouplir d’avantage alors que les Etats-Unis ont bouleversé le paysage énergétique en produisant à profusion du gaz de schiste.
Ce sont les pays du Proche-Orient, aussi, qui ont les coûts d’extraction les plus bas : rendre le baril de brut meilleur marché les avantage dans la guerre des prix puisque aussi bien le gaz de schiste, à 65 $ le baril aux Etats-Unis, que l’or noir extrait en Mer du Nord ou en Arctique ont un coût de revient bien plus élevé. Déjà, les compagnies britanniques sont en train de réduire leur main d’œuvre.
Coût de production et marges
C’est donc un bouleversement profond qui s’opère. Même si le principal producteur russe, Rosneft, s’est vanté dans un communiqué d’y être totalement indifférent : il annonce un coût de production d’un peu plus de 4$ le baril, « le plus bas du monde ». Vrai ? Faux ? Quoi qu’il en soit les marges encore enregistrées au mois de juin étaient manifestement bien confortables pour tous les « pétroliers » – voire pharaoniques.
L’affaire montre tout de même qu’on s’habitue vite à l’opulence puisque, il y a moins de sept ans, le baril à 100 $ était pour ainsi dire impensable. On se souvient de la flambée de juin et juillet 2009 où le baril flirtait avec les 150 $ : on allait bientôt le payer à 200 $, affirmaient avec satisfaction des écologistes, et en 2011 feu Christophe de Margerie pensait encore que le litre d’essence dépasserait les 2 euros – et pas seulement dans Paris intra-muros !
L’OPEP et le pétrole politique
La chute actuelle nous ramène en réalité, avec quelque brutalité il est vrai, aux niveaux de 2006, puis de nouveau en 2009, sur une courbe globalement ascendante à un rythme soutenu depuis 2002.
Elle rend compte de la multiplicité des intérêts en jeux. En décidant de maintenir sa production à 30 millions de barils par jour l’OPEP a plié devant son membre le plus puissant, l’Arabie Saoudite, lors d’une des réunions les plus importantes que l’Organisation des pays producteurs de pétrole aient connues. Mais nul ne croira que cela se fait sur des coups de tête, sans négociations et mise en balance des pouvoirs.