Au Pakistan, un tribunal annule le mariage forcé d’une jeune chrétienne

Pakistan mariage forcé chrétienne
Shahida Bibi

 

Une nouvelle qui donne de l’espoir aux minorités religieuses en pays islamique. Un tribunal pakistanais a annulé le mariage d’une adolescente chrétienne, forcée d’accepter un musulman comme époux à l’âge de 11 ans. Ce qui met fin à un double calvaire : celui d’un mariage forcé, d’une vie arrachée, mais aussi celui d’une liberté religieuse violée, les deux étant mécaniquement liés en terre d’Islam. Shahida Bibi s’est battue pour obtenir justice contre son ravisseur et ses efforts ont payé.

En fond de toile, d’autres facteurs ont pu jouer, comme la récente réforme gouvernementale de l’âge minimum pour pouvoir prétendre au mariage chrétien. D’autre part, la communauté internationale se montre de plus en plus regardante concernant les violations flagrantes des droits de l’homme commises par le Pakistan, parmi lesquelles les conversions forcées.

Néanmoins, la culture de la charia demeure viscérale et l’actualité quotidienne atteste que les non musulmans en font encore et toujours les frais (et ce n’est pas à cause changement climatique).

 

Un tribunal sauve la liberté de religion d’une chrétienne

Parce que sa mère s’était enfuie avec un musulman, ce dernier l’avait « donnée » à son frère qui l’a forcée à l’épouser et à abjurer sa foi, rapporte le Catholic Herald. Sept ans plus tard, Shahida Bibi est mère de deux enfants issus de cette union non désirée, mais elle a obtenu gain de cause, en février, devant un tribunal civil de Bahawalpur, au Pakistan : il a ordonné la dissolution de son mariage et la délivrance de nouveaux documents d’identité déclarant sa religion comme étant le christianisme et non l’islam.

Shahida Bibi a été soutenue en cela par l’Alliance Defending Freedom International qui défend et promeut le droit de toute personne d’exprimer et de vivre en accord avec la vérité de la foi chrétienne. Selon sa directrice, « si ces conversions et mariages forcés sont pratiqués dans le monde entier, ils sont particulièrement répandus au Pakistan. (…) Ils constituent une violation flagrante des droits fondamentaux de ces jeunes femmes, y compris de leur liberté de religion ».

Selon elle, le gouvernement a la possibilité de changer les choses, en instaurant en particulier un âge uniforme pour le mariage, afin d’empêcher que ces enlèvements et ces mariages forcés ne se produisent. Mais il faudrait déjà qu’il respecte ses engagements en matière de protection de la liberté de religion en vertu du droit international…

 

Pour les minorités religieuses, mariage forcé rime avec conversion forcée

Quant au ravisseur de Shahida Bibi, il ne faut rien espérer, et c’est sans doute là toute l’ambivalence de ce jugement.

Juridiquement, il n’a pas enfreint la loi, n’ayant officiellement contracté de mariage que lorsque la jeune fille eut atteint l’âge de 18 ans, afin de se protéger des sanctions prévues par la loi (l’âge limite pour le mariage varie entre 16 et 18 ans suivant les différents Etats pakistanais). Mais plus concrètement, il a observé les lois de la charia qui autorise les relations sexuelles dès la puberté, dans la droite ligne du personnage de Mahomet et impose tout à la fois que la jeune future épousée, d’accord ou non, se convertisse à l’islam.

Lorsque ces choses arrivent, les familles des victimes sont souvent bien en peine de faire quoi que ce soit. Et ces dernières craignent tant pour leur vie et celle des leurs qu’elles ne dénoncent pas leurs ravisseurs. Donc, le plus souvent, ces affaires restent lettre morte. D’autant que les forces de police elles-mêmes mettent peu d’entrain à appliquer la loi : elles peuvent traîner jusqu’à plusieurs mois avant d’enregistrer la plainte (quand elles ne la falsifient pas), comme la BBC le rapportait en 2021 pour la jeune Farah, 12 ans. Le chrétien reste un dhimmi…

Selon les organisations de défense des droits de l’homme, ce sont jusqu’à 1.000 jeunes filles chrétiennes, hindoues et sikhes qui sont enlevées chaque année au Pakistan pour être mariées. Et l’on retrouve ces chiffres, et même davantage, dans nombre de pays majoritairement musulmans comme le Nigéria. Près d’une jeune fille pakistanaise sur cinq (18,3 %) est mariée avant l’âge de 18 ans, selon les données de 2017 à 2018, et plus de la moitié d’entre elles tombent enceintes alors qu’elles sont encore enfants. Nombre de ces filles sont de confession chrétienne ou hindoue, alors qu’elles représentent collectivement 3,5 % de la population, majoritairement musulmane.

 

Au Pakistan, l’âge minimum pour le mariage chrétien a été relevé à 18 ans

Le cas de Shahida Bibi fait espérer, tout comme celui de Reeha Saleem qui a également vu son mariage annulé en mai dernier. Cette jeune fille qui avait été enlevée à 11 ans sur le chemin de l’école s’était vue contrainte d’épouser son voisin musulman en 2019 ; au cours de la procédure, elle a nié s’être convertie à l’islam et a réaffirmé sa foi chrétienne.

La pression internationale joue son petit rôle : des représentants de l’Union européenne n’ont pas hésité, en janvier, à adresser un avertissement au Pakistan concernant ces violations des droits de l’homme, et à mettre en balance les relations commerciales avec le pays. Idem aux Etats-Unis où a été présentée, l’année dernière, une résolution bipartisane visant à « tirer parti de tous les outils diplomatiques et de sanctions dont dispose le gouvernement américain pour tenir les auteurs de violations de la liberté religieuse responsables de leurs actes ».

L’Assemblée nationale du pays a fini d’ailleurs par approuver à l’unanimité, en juillet dernier, la modification de la loi votée en 1872, en fixant à 18 ans le nouvel âge minimum pour pouvoir prétendre au mariage chrétien – il en fallait auparavant seulement 13 pour les femmes et 16 ans pour les hommes. Et l’Eglise catholique s’en est félicitée, estimant que cela pourrait contribuer à la protection des jeunes filles contre les mariages et les conversions forcés.

Mais le problème réside davantage dans l’application de ladite loi. Pour beaucoup, rien ne bougera sans un changement sociétal soutenu par les forces de l’ordre – ce qui est loin d’être le cas. Il faut que les contrevenants soient réellement poursuivis et leurs faits criminalisés. Car le mariage des enfants fait partie de la culture pakistanaise musulmane. Et le peuple obéit davantage à la charia qu’à la législation officielle.

 

Clémentine Jallais