Selon un juge de Bahawalpur, Taimoor Raza, 30 ans, musulman chiite, s’est rendu coupable d’avoir insulté le prophète Mahomet, via le réseau social Facebook. Et son verdict fut sans appel, samedi 10 juin. La répression contre les personnes soupçonnées de blasphème en public est monnaie courante au Pakistan. Mais, pour la première fois, la justice a requis la peine de mort – qui plus est, pour un musulman !
On peut apprécier la docilité de la très démocratique entreprise Facebook qui, depuis la mi-mars, supprime sagement toutes les pages à caractère blasphématoire selon les normes pakistanaises, sans oublier d’indiquer l’identité des contrevenants à l’ordre islamique…
Un musulman condamné à mort pour blasphème
C’était en 2016, sur Facebook : Taimoor Raza s’était mis à se quereller au sujet de l’islam, avec un autre utilisateur, inconnu, qui s’est avéré être « un membre du département de la lutte antiterroriste » selon son propre frère. Peu de temps après, il se fait interpeller à un arrêt de bus, saisir son téléphone portable. Et inculper de « contenu dérogatoire sur les dirigeants religieux musulmans sunnites et les épouses du Prophète Mohammed sur Facebook », selon Associated Press.
Il a été condamné conformément aux articles 298A et 295C du code pénal pakistanais dont l’ensemble est connu comme « la Loi sur le blasphème ». C’est la première condamnation de ce type faisant suite à des accusations en provenance du réseau social. Et la plus dure jamais imposée pour une infraction liée à la cybercriminalité. Le Pakistan n’a encore jamais exécuté quelqu’un reconnu coupable de blasphème ; ils croupissent en règle générale dans les prisons, à l’image d’Asia Bibi depuis 2009. Le dernier en date, Zafar Bhatti, chrétien faussement accusé de blasphème vient d’être condamné, il y a un mois, à la réclusion à perpétuité.
Cette fois ce sera la mort, et c’est un musulman qui fera les frais du durcissement de la politique religieuse de ce pays qui accommode fort bien sa pseudo démocratie parlementaire d’une charia islamique en tous points conforme. Commencer par un élément issu des minorités, chrétienne, hindou ou ahmadi, n’aurait pas été un geste opportun – il y a aura tout le temps de se rattraper après.
L’offensive au Pakistan sur les réseaux sociaux
Alors que le gouvernement se targue de faire la guerre aux « discours de haine » et aux lynchages systématiquement dirigés contre les minorités, il mène une offensive colossale contre le blasphème sur l’islam, en particulier sur les réseaux sociaux – Facebook
Depuis la mi-mars, le Premier ministre Nawaz Sharif a ordonné que « tous les contenus blasphématoires envers l’islam disponibles sur les réseaux sociaux doivent être bloqués immédiatement, et les responsables poursuivis. » Dans le cas contraire, si les entreprises ne collaboraient pas, les dits réseaux seraient coupés…
Il n’en a pas fallu davantage à Facebook qui s’est engagé immédiatement à lutter contre ces contenus : selon les responsables du gouvernement pakistanais, « presque 85% » du matériel jugé « blasphématoire » a été supprimé. Il a été aussi exigé du réseau de Zuckerberg, comme de Twitter, l’identification de ces utilisateurs néfastes, non seulement au Pakistan, mais aussi de par le monde.
Facebook, qui prétend être « fondé » sur les « principes de la libre expression », affirme supprimer le contenu lorsqu’il s’avère « illégal selon la législation locale ». Ce qui est faux, car et d’une il a sa propre législation interne côté idéologie (« fake news »), et de deux, il ne sait faire que profil bas face à l’islamisme radical.
Complicité de Facebook
Facebook va se donc se faire le complice, d’une manière totalement désinvolte et scandaleuse, de toute une politique religieuse de plus en plus radicalisée qui juge (sic) que les « libéraux extrémistes » et « les segments laïcs de la société » sont bien plus dangereux que les fondamentalistes religieux…
La répression est globale – il suffit d’apprécier les derniers exemples. Il y a quelques jours, Rana Tanveer, un journaliste pakistanais qui a beaucoup écrit sur le sort des minorités religieuses du pays a été l’objet d’une tentative de meurtre, après plusieurs mois de menaces anonymes. Un autre, Taha Siddiqui, prix Albert-Londres 2014, vient de porter plainte contre les autorités de son pays pour « harcèlement »…
Les tentatives d’intimidations sont pléthore. Et si le gouvernement fait la fine bouche, se portant en apparence à la défense des minorités, il excite in fine son peuple, une population de plus en plus « convaincue », qu’il laisse faire au besoin – les lynchages sont pléthore. Le 13 avril dernier, un jeune étudiant en journalisme s’est fait massacrer dans une université parce qu’il n’avait pas suffisamment condamné les ahmadis, tenus pour non-islamique par l’islam majoritaire au Pakistan…
Bravo Facebook.